Le président du parlement Hama Amadou, dont les pairs ont autorisé
mercredi l'audition par la justice au sujet d'un trafic présumé de bébés
du Nigeria, a quitté "discrètement" le Niger pour le Burkina Faso, a
indiqué un responsable de l'opposition.
"Je peux vous dire qu'il a quitté discrètement le
pays et est actuellement à Ouagadougou au Burkina Faso, dont les
autorités ont confirmé la présence", a déclaré à l'AFP un responsable de
l'opposition nigérienne, confirmant une information de la télévision
d'Etat et d'une chaîne privée.
L'AFP n'a pu joindre de membre de la majorité pour une éventuelle réaction.
Le
bureau politique de l'Assemblée nationale a autorisé mercredi
l'audition de M. Amadou par le juge d'instruction en charge du dossier,
ce qui ouvre la voie à une potentielle arrestation, a expliqué une
source judiciaire.
La levée de l'immunité parlementaire de M.
Amadou n'est pas encore requise à ce stade de l'enquête, a expliqué à
l'AFP Mohamed Ben Omar, député proche du pouvoir, troisième
vice-président du Parlement et membre de ce bureau.
Le président
de l'Assemblée nationale est considéré comme le principal adversaire du
chef de l'Etat Mahamadou Issoufou pour l'élection présidentielle de
2016. L'une de ses épouses est actuellement écrouée dans le cadre de
cette affaire retentissante de trafic, qui a crispé le climat politique
dans le pays.
"Nous pensons que pour l'honneur et la
respectabilité de notre institution, il (Hama Amadou) doit (se mettre) à
la disposition de la justice", a justifié M. Ben Omar.
"Il ne
faut pas que nous basculions dans la rupture d'égalité des citoyens
devant la loi. Pour une même affaire, des Nigériens croupissent en
prison depuis des mois et d'autres sont en liberté", a-t-il argumenté.
- Légalité -
Le
conseil des ministres avait transmis mardi au Parlement une "requête"
du ministre de la Justice pour qu'Hama Amadou puisse être entendu.
L'opposition
dénonce l'illégalité de la mesure. Le règlement intérieur du Parlement
ne permet pas à "un bureau de l'Assemblée nationale de livrer un député à
la justice ou de le faire arrêter", a réagi Tidjani Abdoulkadri, l'un
de ses députés.
"L'arrestation suppose nécessairement la levée en
amont de l'immunité d'un député par l'Assemblée nationale" réunie "en
plénière", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse.
L'article
88 de la Constitution nigérienne stipule pourtant qu'"hors session,
aucun député ne peut être arrêté" qu'avec "l'autorisation du bureau de
l'Assemblée nationale, sauf cas de flagrant délit, de poursuites
autorisées ou de condamnations définitives".
Selon une source
parlementaire, Hama Amadou a saisi le Conseil constitutionnel pour qu'il
se prononce "sur la légalité" de la procédure.
Dix-sept
personnes, dont 12 femmes, ont été écrouées fin juin au Niger dans une
affaire de trafic international de bébés entre le Nigeria, où ils ont
été conçus, le Bénin et le Niger.
Toutes ont été inculpées de
"supposition d'enfant" (délit qui consiste à attribuer la maternité d'un
enfant à une femme qui ne l'a pas mis au monde), "faux et usage de
faux" et "déclaration mensongère".
Le ministre nigérien de
l'Agriculture Abdou Labo, dont l'une des épouses fait partie des femmes
détenues, a été incarcéré samedi.
Fin juillet, M. Amadou avait
dénoncé une affaire "politique". "Nous allons bannir ce trafic honteux,
quelle que soit la personne impliquée", avait répondu le ministre de la
Justice.
La rupture entre Hama Amadou et la majorité date d'août
2013, quand l'ex-principal allié de Mahamadou Issoufou a rejoint
l'opposition pour protester contre une refonte du gouvernement.
Les partisans du chef de l'Etat ne disposent pas des deux tiers des députés requis pour destituer le président du Parlement.
© 2014 AFP
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