Avec les récentes négociations d’Alger, il y a comme un
frémissement dans le sens d’une décrispation du dossier Nord du Mali. A
la lumière de ces discussions, menées sous les auspices de l’Algérie,
les groupes armés semblent quelque peu se départir du maximalisme qui
les avait caractérisés jusque-là.
Une détente saluée par l’ensemble de la classe politique malienne,
toutes obédiences confondues, au cours de la rencontre qu’elle a eue
avec le Président de la République dans la salle des banquets à
Koulouba. Mais tout le monde est unanime à reconnaître que le round
d’Alger n’est que le début d’une longue négociation, qui promet d’être
âpre.
Ce qui n’empêche pas de hauts responsables de l’Etat malien
d’envisager un règlement durable et définitif du conflit du Septentrion
malien. Sans vouloir jouer à l’oiseau de mauvais augure ou au
rabat-joie, le réalisme condamne à garder les yeux ouverts et à ne pas
tomber dans l’optimisme béat. D’autant que des questions de fond
demeurent sans réponse pour le moment.
Première question: oui ou non les éléments du MNLA sont-ils prêts à
se reconvertir dans un nouveau mode de vie, en abandonnant les activités
criminelles, comme les trafics illicites de drogues, d’armes, de
cigarettes, d’êtres humains…?
Oui ou non sont-ils prêts à rompre avec les razzias des temps
modernes, avec à la clé les braquages, les enlèvements de bétail et de
véhicules et autres actes de pure crapulerie? Oui ou non sont-ils prêts à
abandonner ces pratiques condamnables, devenues pour eux un mode vie,
et tenter de gagner, de façon honorable, leur vie par le travail qui,
seul, libère l’homme?
Oui ou non la France, qui n’a pas d’amis, mais uniquement des
intérêts (dixit De Gaulle) est-elle prête à s’amender et abandonner son
projet funeste de partition du Mali, contre la volonté des Maliens, en
utilisant pour ce faire «la rébellion» touareg et en manipulant, au
besoin, les narcojihadistes et autres fous de Dieu? En faisant le choix
réaliste et sage de défendre ses intérêts géostratégiques avec les
autorités légitimes du Mali? Car, en fait, tenter de manipuler ces
terroristes reviendrait à s’amuser avec le feu s’agissant de sa propre
sécurité.
Oui ou non l’Algérie, un pays important du champ, est-elle prête à
abandonner son projet secret d’utiliser le nord du Mali – qui est
également le sud de l’Algérie – comme un dépotoir pour ses
fondamentalistes musulmans, qui ont mis à feu et à sang le pays de
Bouteflika dans les années 1990, avec à la clé…200 000 morts?
Même si l’on sait, par ailleurs, que l’Algérie et le Niger sont
hostiles à la création d’une république de l’Azawad à leurs portes, un
acte qui risquerait de créer un précédent fâcheux dans leurs propres
pays abritant d’importantes communautés de minorités touareg ?
Oui ou non, la France et certains de ses alliés européens
cesseront-ils de considérer le nord du Mali, qui a eu à abriter tout le
long de l’histoire des peuples et de riches civilisations, à l’image de
l’empire Sonrhaï, comme un no man’s land, en foulant aux pieds les
principes du droit international relatifs à l’intangibilité des
frontières issues de la colonisation?
Oui ou non le chaos créé en Libye par la France de Nicolas Sarkozy
continuera-t-il, plus que jamais, d’être un important facteur de
déstabilisation des pays du Sahel? De la réponse à ces questions de fond
dépendra le règlement durable et définitif du conflit du Septentrion
malien.
Toujours est-il que les hautes autorités du Mali seraient bien
inspirées de tirer les enseignements du passé, en se gardant, par
exemple, de dégarnir le front de défense septentrional, comme ce fut,
malheureusement, le cas avec les précédents accords d’Alger.
Yaya Sidibé
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