Le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, on s’en souvient, avait justifié
son coup d’Etat militaire en août 2008 par la prétendue impasse
politique due, selon lui, au refus du gouvernement d'organiser une
session parlementaire extraordinaire. Il s’est engagé, après sa prise du
pouvoir à supprimer les causes de cette impasse par la réduction des
pouvoirs du Président de la République, à renforcer le rôle du
Parlement, à élargir le champ des libertés, à consacrer de saines
pratiques politiques, à consolider l'unité nationale, à améliorer les
conditions de vie des citoyens, et à lutter contre la pauvreté et la
gabegie.
Ce programme qui consistait, en fait, en une « appropriation »
du discours de l’opposition traditionnelle, avait séduit, dans un
premier temps, une partie de l’opinion, Ould Abdel Aziz se présentant
comme un réformateur décidé à résoudre tous les problèmes de mauvaise
gestion qui handicapaient l’essor de l’Etat mauritanien depuis
l’indépendance. Cependant, il s’est rapidement avéré que ce n’était que
propagande et mensonges, les pratiques du pouvoir venant, chaque jour,
démentir les slogans réformateurs de l’homme et témoigner d’une mal
gouvernance sans précédent.
Après six années de pouvoir, les mauritaniens ont découvert le vrai
visage de Ould Abdel Aziz et la vraie nature de son régime dont trois
caractéristiques essentielles résument aujourd’hui, de l’avis de tous
les observateurs, l’essence autocratique et mafieuse :
Une absence totale de repères moraux : En témoigne la série de
scandales, très médiatisés, dans lesquels le Chef de l’Etat s’est trouvé
personnellement empêtré et qui sont tout à fait étrangers aux mœurs de
notre société et aux valeurs culturelles et pratiques politiques de
notre peuple. Il s’agit, entre autres affaires troubles, de la balle du
13 octobre, des graves accusations de trafic de drogue et de
blanchiment d’argent et des doutes sérieux qui planent sur l’origine de
la fortune faramineuse du général lui-même et de certains de ses
proches. A ce sujet, la grâce accordée à un narcotrafiquant notoire, la
libération des trafiquants arrêtés à Lemzereb, les relations
confirmées avec des personnalités impliquées dans le trafic de drogue,
l’affaire des valises de fausse monnaie reconnue par le chef de l’Etat
lui-même ne constituent que la partie immergée du gigantesque iceberg de
la délinquance morale prêtée au régime d’Ould Abdel Aziz à qui les
affaires douteuses ont, en quelque sorte, personnellement « collé à la
peau » et auraient dû le disqualifier pour l’exercice de la magistrature
suprême ;
Un autoritarisme sans limite et un profond mépris de loi : Cela se
manifeste par la concentration des pouvoirs entre les mains du général,
la transformation des institutions de la République en coquilles vides
et le recours systématique aux mascarades électorales dont la dernière
fut celle du 21 juin 2014, largement boycottée par le peuple
mauritanien, à l’appel du FNDU ;
Une propension maladive à l’enrichissement illicite : Ould Abdel Aziz a
mis le pays en coupe réglée, afin d’assouvir son appétit démesuré
d’accumulation d’argent à son profit personnel à celui de son clan
familial. Cette propension maladive à l’enrichissement illicite et le
refus obstiné de publier sa déclaration de patrimoine, comme l’exige
clairement la Loi, trahissent le caractère mensonger des slogans « Le
Président des Pauvres » et « La lutte contre la gabegie », brandis par
le régime cleptomane pour abuser de la crédulité des citoyens de bonne
foi.
C’est, justement, pour édifier le peuple mauritanien et ses partenaires
au développement que le FNDU se propose d’établir, dans ce qui suit,
un recueil d’une partie des manifestations de la gabegie ahurissante à
laquelle s’adonne le pouvoir du général Ould Abdel Aziz,. Cet éclairage
aidera à faire la lumière sur l’énorme préjudice occasionné par la
gestion de Ould Abdel Aziz à la collectivité nationale; préjudice et
pertes qui se chiffrent en certaines de milliards d’ouguiyas !
Cet inventaire portera, dans un premier temps, sur des dossiers se
rapportant aux secteurs des Mines, de l’Energie et du Pétrole, de
l’Equipement et des Transports, des Finances, de la Banque Centrale et
du CSA. Nous aborderons, dans une seconde étape, d’autres secteurs de
l’économie nationale.
Ampleur de la gabegie sous Ould Abdel Aziz
Ministère des Mines, du Pétrole et de l’Energie
La SNIM
La principale entreprise du pays, la Société Nationale Industrielle et
Minière (SNIM) qui exploite le minerai de fer est devenue, depuis
l’avènement du pouvoir actuel, une boite noire pour toutes les manœuvres
frauduleuses. Nous donnerons, ici, des indications révélatrices de
l’ampleur du pillage opéré dans cette entreprise qui constitue le fer de
lance de notre économie dont l’importance stratégique pour le pays a
toujours dissuadé les pouvoirs successifs de la « domestiquer ».
Au lieu de mener une gestion prudente de cette entreprise - qui a
bénéficié d’une conjoncture très favorable entre 2008 et 2013 à cause du
prix élevé de la tonne de fer (passée de 80 à 140 US $) et de la
préparer à la compétition soutenue que connait le secteur et aux
retournements de conjonctures dans un environnement international
incertain, le régime s’est livré à un pillage systématique de ses
ressources à des fins personnelles et particulières.
Ainsi, et bien que la convention avec les bailleurs de fonds qui ont
financé un projet d’avenir pour le pays, le projet Guelb II, prévoit des
conditions restrictives sur les engagements majeurs et sur la gestion
de la SNIM elle-même, la direction actuelle de la société continue à
dilapider les ressources de celle-ci sans rendre compte, ni aux
créanciers, ni aux actionnaires de l’entreprise, autres que le
Gouvernement mauritanien ! Osons l’énumération de quelques uns des
dossiers de gabegie qui pullulent à la SNIM, en demandant au lecteur
d’apprécier de lui-même l’ampleur du gâchis et en exigeant l’ouverture
d’enquêtes indépendantes pour faire toute la lumière sur ces dossiers :
La SNIM a été mise au service des politiques populistes du pouvoir et
détournée de sa propre mission pour servir les intérêts d’une poignée de
proches du Président. A titre d’exemples, citons les opérations
suivantes, où l’argent de la SNIM a été utilisé, en violation des
procédures, pour financer des activités sans rapport avec la mission et
les intérêts de la société :
L’achat d’avions au profit de la compagnie des transports aériens pour
plus de cinquante millions de dollars avec un appui permanant à la
trésorerie de Mauritania Airlines, sans aucun lien avec l’activité de
l’entreprise ;
L’acquisition de bus d’occasion (!) pour la société de transport public à Nouakchott ;
L’achat d’importantes quantités de vivres, d’aliments de bétail et de camions de transport au profit du CSA ;
La construction d’usines de poteaux en béton (22 millions d’euros) et de tuyaux (en béton également) à Aleg ;
La construction d’infrastructures au profit de l’armée dans plusieurs localités du pays ;
La création de plusieurs sociétés en association avec les membres de
famille du Président dont les participations symboliques leur permettent
de profiter des ressources de la SNIM tout en leurrant l’opinion
publique en lui faisant croire qu’il s’agit de sociétés publiques, alors
que ce ne sont que des sociétés privées (Chami Steel, une société faite
pour faire main-basse sur la ferraille de la SNIM, une Société
d’Assurance, les usines d’Aleg, l’usine de nitrate avec des partenaires
« marocains », etc.) ;
Le recrutement abusif des membres de famille du général président pour
remplacer les techniciens de la société à des postes stratégiques
(direction commerciale) ;
La mise en place d’une organisation caritative au service de la
politique du pouvoir dont l’objectif est de réaliser des actions
« humanitaires » en dehors de toute procédure ;
Le financement de sociétés privées défaillantes en dehors de toutes les
règles de l’art (prêt de 15 milliards d’ouguiyas à la société en charge
de la construction de l’aéroport de Nouakchott);
Le financement d’hôpitaux qui n’ont rien à voir avec l’activité de la société ;
Le financement de routes à Nouakchott et à Nouadhibou ;
Le financement de travaux au niveau de la Présidence et des ranchs privés du président ;
Le décaissement de dizaines de millions de dollars pour des forages
miniers de complaisance confiés, en dehors de tout cadre règlementaire,
aux proches du Président, le plus souvent sans réalisation effective ;
Les procédures de gestion de l’entreprise ont été bafouées et le pouvoir discrétionnaire a pris la place de la règle ;
Le projet Guelb II connait un retard considérable ayant occasionné un
surcoût que certains experts estiment à plus de 30%, en raison des
marchés de complaisance (tous les appels d’offre qui n’ont pas été
gagnés par les sociétés appartenant à l’entourage du général président
ont été déclarés infructueux puis relancés et attribués aux hommes de
celui-ci avec des avenants !) et de la démotivation de l’encadrement qui
est dégouté par la gestion de l’entreprise (voir la lettre ouverte des
cadres de la SNIM).
La construction d’un building au centre ville de Nouakchott qui ne
correspond à aucun besoin identifié par la Société suivant des critères
objectifs de bonne gouvernance.
L’emprise de la famille présidentielle sur la SNIM est connue de tout
le monde et les points évoqués ci-dessus ne représentent que la partie
visible de la gabegie au niveau du fleuron de l’économie nationale.
Nous attirons l’attention de l’opinion publique sur le fait qu’un
retournement de la conjoncture, de plus en plus probable avec la baisse
de 30% déjà observée au niveau des prix du minerais par rapport à
décembre 2013, pourra conduire, s’il n’est pas mis fin à de telles
pratiques délictueuses, à la faillite de la SNIM, avec toutes les
conséquences imaginables pour l’économie du pays, dont la société
minière représente le premier contributeur.
Nous sommes en droit de douter de la pertinence de ces dépenses
engagées par la SNIM et de ces « filiales » privées qu’elle a créées. Si
le gouvernement est convaincu de leur utilité, c’est sur les ressources
budgétaires de l’Etat qu’elles devaient être réalisées, surtout qu’on
parle d’excédent record dépassant les cent milliards d’ouguiyas et de
réserves en devises de l’ordre du milliard de dollars !
En réalité, la seule explication est l’absence de procédures au niveau
de la SNIM et son opacité, ce qui permet de garder cette gabegie hors
des regards indiscrets.
TAZIAZET et MCM
Ces deux entreprises, qui contribuent pour environ 40% du
chiffre d’affaires du secteur minier, auraient dû voir leurs conditions
contractuelles révisées afin de permettre à la communauté nationale d’en
tirer le plus grand profit comme c’est l’usage dans tous les pays
miniers ; le potentiel du pays en ressources minières étant devenu
certain. Au lieu de cela, des parents et hommes de confiance du général
Ould Abdel Aziz ont été placés au sein de leurs hautes instances
dirigeantes, afin d’assurer à l’entourage familial du régnant et ses
partenaires en affaires un monopole quasi absolu sur toutes les
prestations réalisées par des nationaux au profit de Taziazet et MCM et
de canaliser vers le même milieu tous les avantages qui peuvent être
tirés de leurs activités. A cet effet, nombre de sociétés détenues par
l’entourage présidentiel ont été créées.
En raison de la cupidité de cette camarilla, l’administration a perdu
toute emprise sur ces entreprises qui continuent de licencier nos
compatriotes, alors qu’elles recrutent des étrangers et de dégrader
notre environnement sans aucune réaction des autorités.
Des informations concordantes font état d’un découragement des deux
entreprises et d’une constante révision à la baisse de leurs
investissements, en raison des arnaques dont elles font l’objet de la
part de personnalités influentes du régime.
Les permis miniers
L’octroi des permis miniers a connu une augmentation
exponentielle durant les six dernières années. Ainsi, depuis que la
vocation minière du pays a été confirmée avec le début de l’exploitation
de la mine d’or de Taziazet, le pouvoir a attribué un nombre
impressionnant de permis (voir les communiqués du conseil des ministres)
et particulièrement aux membres de l’entourage familial du chef de
l’Etat. Des permis ont été retirés d’investisseurs étrangers pour les
attribuer à certains proches du général, seuls ou en association avec
des partenaires étrangers (Tamaghout, le quartz, le phosphate, etc.).
Cette gabegie a retardé beaucoup d’entreprises qui auraient dû, dans une
situation normale, avoir déjà commencé l’exploitation de leur permis.
Elle a conduit d’autres à différer leurs explorations à cause de
l’environnement exécrable des affaires.
L’exploration pétrolière
Depuis son accession au pouvoir, Ould Abdel Aziz a consacré la
mainmise d’une compagnie pétrolière (Tullow) dirigée par un de ses
hommes de main, alors qu’elle ne détenait qu’un infime pourcentage du
puits de Chinguetti. C’est elle qui est désormais le leader de
l’exploration, de la production et de la commercialisation du pétrole
brut en off shore. C’est aussi elle qui a le monopole des champs gaziers
et de leur exploitation avec des contrats d’achat de son produit par
les centrales électriques de la Société de Production de l’Electricité à
partir du Gaz (SPEG) à un prix fortement majoré, réduisant
considérablement l’intérêt que devrait constituer la production de
l’électricité à partir du gaz naturel pour notre économie !
Face au refus de lui renouveler ses permis et aux multiples problèmes
qui lui auraient été créés, l’opérateur du projet Chinguetti (Pétronas) -
qui était le chef de fil dans le secteur - a été obligé de céder sa
place à la société de l’entourage du Président. Pétronas serait en
instance de quitter le pays.
Les marchés de la SOMELEC
La SOMELEC n’a pas échappé, elle aussi, à la main mise de
l’entourage du Président, qui en est le fournisseur principal. Tout le
monde se souvient encore de la polémique autour de la centrale de 120 MW
qui a été confiée au fournisseur le plus cher au grand dam du moins
disant qui était représenté par une entreprise de la place bien connue.
On se rappelle également la polémique autour des 60 MW que devait
financer la Banque Islamique de Développement et qui devaient être
confiés, par marché de gré à gré, à une entreprise de l’entourage
présidentiel. Ce n’est un secret pour personne que ce même membre de la
famille du Président est le représentant d’un grand fournisseur de
matériel solaire ; ce qui explique que, depuis quelque temps, les
grandes artères de Nouakchott et d’autres villes du pays ont été
envahies par ses poteaux et que la part du solaire dans notre production
électrique progresse à grande vitesse. Une très bonne chose pour le
pays n’eut été la surfacturation et le népotisme qui en sous-tendent
l’octroi des marchés.
Les hydrocarbures liquides raffinés
Dès son installation au pouvoir, l’actuel Chef de l’Etat a
crée sa propre société de commercialisation des hydrocarbures (National
Petroleum, NP, que certains appellent Notre Président) au mépris des
textes légaux et réglementaires. En effet, les textes exigent des
compétences techniques et des ressources financières que la nouvelle
société n’avait pas, venant d’être créée de toutes pièces. Depuis lors,
cette NP a eu tous les monopoles du marché public et est partenaire
local, comme par hasard, de tous les fournisseurs du marché mauritanien
en hydrocarbures raffinés !
Ministère de l’Equipement et des Transports
L’aéroport de Nouakchott
La plupart des experts en la matière s’accordent à dire qu’à
ce stade du volume de trafic aérien en Mauritanie, la construction d’un
nouvel aéroport ne se justifie pas. La piste d’atterrissage et les
installations techniques de l’actuel aéroport répondent aux critères
techniques requis. Le seul besoin essentiel pour permettre à l’aéroport
actuel de satisfaire à tous les critères techniques est l’extension de
l’actuelle aérogare ou la construction d’une deuxième.
Indépendamment de l’impertinence de ce projet, c’est la nature
même de la transaction qui montre l’essence mercantiliste et les
méthodes mafieuses du régime qui ne recule devant rien pour transgresser
toutes les règles, pourvu que cela procure à son chef et à son
entourage des avantages matériels. L’accord prévoit la construction d’un
aéroport d’une capacité de deux millions de passagers (le marché actuel
n’atteint pas les deux cent mille passagers et les plus grands
aéroports de la sous région, Dakar et Abidjan, n’atteignent pas le
million de passagers) avec deux pistes (60% du coût pour les pistes et
40% pour le bâtiment) en contrepartie de quatre millions cinq cent dix
mille (4.510.000) m2 dans les quartiers de Tevragh Zeina et du Ksar pour
un délai d’exécution de 24 mois. Il n’y a eu aucune étude pour
estimer, ni les coûts de la construction de l’aéroport, ni la valeur des
terrains inclus dans ce troc d’un autre âge ! Une mission du FMI
avait, en 2012, estimé la transaction à 200 à 300 millions de dollars
US, soit à peu près 80 milliards d’ouguiyas. Il s’agit donc d’un gré à
gré de 160 milliards - soit plus de deux fois l’investissement public
financé sur ressources propres de Etat cette année là - hors budget et
sans en référer au Parlement. Plus grave encore, l’entreprise à laquelle
le marché a été attribué n’a à son actif aucun km de piste ; elle
venait d’être créée pour l’occasion !
L’aéroport devait être réceptionné en octobre 2013, mais à quelques
mois de la réception prévue, les autorités se rendent compte que
l’entreprise n’a ni les ressources financières ni les compétences
techniques pour réaliser l’aéroport dans les délais. Au lieu de prendre
les mesures de sanctions et de pénalités définies par le code des
marchés publics, le pouvoir a donné instruction à la SNIM et à la CDD de
« prêter » cinquante millions de dollars chacune au maître d’œuvre en
défaillance par rapport à ses engagements contractuels ! Une prime au
manquement aux engagements contractuels. Du jamais vu ! La SNIM a
effectivement transféré les cinquante millions demandés à l’entreprise
en difficulté. Le tollé qu’a soulevé ce « prêt » de la SNIM a dissuadé
la CDD d’en faire de même. Au moins officiellement, car certains
estiment qu’elle a dû passer par des voies moins accessibles au public.
D’aucuns expliquent cette générosité de l’Etat vis-à-vis de l’entreprise
de l’un des hommes d’affaires du général président, par le fait qu’une
grande partie des superficies octroyées à l’entreprise a été, en
réalité, rétrocédée au chef de l’état lui-même. D’après nos
informations le niveau d’exécution des travaux dans cet aéroport
n’excède pas les 50% et ce malgré un an de retard !
Le secteur routier
Le secteur routier constitue l’une des priorités de la
politique des gouvernements successifs depuis de nombreuses années. Un
programme important, initié depuis 2006, et qui approche les 2000 km,
est en cours. Son coût global est proche de 2.000 milliards d’ouguiyas,
déjà décaissés à 80%, pour un niveau de réalisation qui n’atteint pas
les 50%. Tous les chantiers connaissent des retards considérables,
pouvant parfois dépasser le double de la période prévue pour leur
réalisation. Les exemples précis ne manquent pas : Kiffa-Tintane, Kiffa-
Kankossa, Nouakchott-Nouadhibou, Atar-Tidjikja, Aweyvia-Keur Macen,
Tiguend-Méderdra, etc.
Ces retards constituent des gaspillages considérables en raison des
surcoûts qu’ils occasionnent. Les experts estiment qu’un retard de 12
mois, pour un projet dont la réalisation était prévue en 24, occasionne
un surcoût de plus de 20% du budget initial. Le « génie » du général
président a consisté à mettre en place un système qui lui permet de
s’arroger le monopole de ce secteur à travers des institutions publiques
qui deviennent des prête-noms pour lui et pour ses proches. Ces
institutions s’appellent ENER, ATTM, SNAT et le Génie Militaire. Elles
bénéficient à elles seules de plus 80% des marchés du secteur routier,
mais aussi du secteur hydraulique, un autre secteur d’absorbsion
prioritaire des investissements publics. L’ATTM est particulièrement
engagée dans ce processus de gabegie. Le système fonctionne à travers
l’attribution des marchés aux institutions « publiques » précitées,
lesquelles les sous-traitent intégralement aux proches du président ou
les réalisent en faisant appel à la location du matériel des sociétés de
celui-ci et de ses proches (ce n’est un secret pour personne que le
Président est le premier propriétaire d’engins de travaux publics et de
forages hydrauliques et miniers dans le pays). La sous-traitance se
fait à des prix parfois supérieurs aux prix du marché initial tout en
permettant au sous-traitant, après avoir été payé plus de 50% des
travaux sans avoir réalisé grand-chose, de se retirer avec un
arrangement qui lui permet de ne pas rembourser les décaissements déjà
reçus, en laissant à l’entreprise « publique » son projet sur les bras,
occasionnant ainsi des retards considérables et des pertes que la SNIM
ou le Trésor public devront prendre en charge. Tout le monde sait que
l’ensemble des routes réalisées par ATTM à Nouakchott en 2010-2012 sont
actuellement en reprise totale par l’ENER ! L’on peut donc imaginer
l’ampleur de la gabegie dans ce secteur, combien elle coûte au pays et
rapporte au Président et à son entourage.
Mauritanian Development Corporation (montage des avions)
La Mauritanian Development Corporation (MDC), société écran
qui n’a d’existence que le nom, a bénéficié d’un marché de plus de 7
milliards d’ouguiyas (23. 650. 000 USD) sans qu’aucune procédure de
dépense de l’argent public n’ait été respectée (pas d’appel d’offre)
pour monter une usine d’assemblage d’avions à Nouakchott. Une avance de
plus de deux milliards d’ouguiyas (7.095.000 USD) a été versée à cette
société fictive avec une attribution d’un terrain de quelques hectares à
proximité du fameux nouvel aéroport de Nouakchott. Le détournement de
deniers publics que constitue cette affaire est doublé d’une opération
de surfacturation manifeste. Jusqu’aujourd’hui, cinq mois avant la date
de réception prévue de ces avions, aucune trace de cette société n’est
visible à Nouakchott, encore moins de la fameuse usine de montage des
avions !
La Société des Transports de Nouakchott
La mauvaise expérience de la STPN n’a pas empêché Ould Abdel
Aziz de créer, sans étude préalable, une société de transport public à
Nouakchott. Des bus d’occasion (!) dont la durée de vie n’a pas atteint
deux ans ont été acquis, à cet effet, auprès de l’Etat d’Iran dans des
conditions d’opacité totale. D’autres bus, toujours d’occasion pour ceux
d’entre eux qui circulent déjà, ont été acquis récemment sur
financement de la SNIM. On ne sait pas encore combien de temps ils vont
fonctionner. Nous ne disposons pas d’informations précises sur ces
transactions pour le moins opaques, sinon que de fortes présomptions de
malversations pèsent sur elles.
Le Programme de ISKAN (Chami et N’Beiket Lahouach)
Au moment où des secteurs vitaux comme la santé et l’éducation
font face à des difficultés considérables faute de moyens financiers,
des dizaines de milliards d’ouguiyas ont été gaspillés pour construire
et équiper des villes fantômes auxquelles on a donné les noms de Chami
et de M’Beiket Lahouach. Tout au long des trois dernières années, ces
deux villes fantômes ont englouti près de 30 milliards d’ouguiyas !
L’examen des derniers appels d’offre lancés par la SOMELEC montre que
l’électrification de la seule ville de Chami coûte plus de trois
milliards d’ouguiyas au contribuable mauritanien.
Ministère des Finances
La douane et les impôts
Depuis qu’il s’est emparé du pouvoir en 2008, le général Ould
Abdel Aziz a mis les services de la douane et des impôts au service de
son entourage en créant un monopole de fait au profit des sociétés de
ses proches par le biais d’une fiscalité douanière préférentielle
rendant impossible toute concurrence. Des centaines de milliards
d’ouguiyas liés à des entrepôts fictifs n’ont jamais fait l’objet de
régularisation, occasionnant des manque à gagner considérables pour le
trésor public. Au niveau des impôts, les redressements fiscaux ciblés
ont caractérisé cette période.
La distribution des terrains à Nouakchott et à Nouadhibou
Si la volonté de Ould Abdel Aziz et de son clan réduit de
piller le pays et de mettre la main sur ses richesses se manifeste au
niveau de tous les secteurs économiques, elle atteint des proportions
inqualifiables dans le domaine foncier. Ici, le ravage a lieu au grand
jour et sans vergogne. Qu’on en juge :
Distribution, sur la route de Nouadhibou, de terrains de plusieurs
dizaines de milliers de m2 (on a pu constater des concessions d’un
millions de m2 !) à des particuliers sous l’appellation de « concessions
rurales » ou soit disant pour la construction de projets immobiliers.
En réalité, ces terrains ne sont destinés qu’à la spéculation
immobilière et à l’enrichissement rapide de la coterie de Ould Abdel
Aziz ;
Distribution de toute la zone comprise entre la plage des Pêcheurs et
le Port de Nouakchott, amputant parfois sur le domaine portuaire
inaliénable, au profit de l’entourage du Président ;
Distribution des meilleurs terrains sur l’Avenue AL MOUQAWAMA à la
parentèle proche du général régnant, soit disant pour construire une
« zone industrielle ». Ces terrains sont en fait destinés à la
construction de ranchs particuliers et de résidences secondaires ;
Distribution des meilleurs terrains de l’Avenue SOUKOUK aux mêmes personnes ;
Cession des terrains dits des « Blocs » au général Ould Adebl Aziz en
personne et à ses proches avec obligation de mise en valeur en 24 mois,
alors que depuis 5 ans rien n’a été encore réalisé et aucune sanction
n’a été prise à l’encontre des bénéficiaires ;
Morcellement d’une partie des terrains abritant le Stade Olympique et
l’Ecole de Police et cession des superficies prélevées à de proches
parents du général pour construire des boutiques ou des centres
commerciaux. Crime innommable que cette amputation d’édifices publics
vitaux, pour en faire des boutiques privées ! Plus scandaleux encore, il
semble que les attributaires ne sont en fait que des prête-noms ; les
vrais propriétaires étant Ould Abdel Aziz lui-même et son clan familial.
Vente de plusieurs autres équipements collectifs aux proches du Président (siège des fanfares à l’ilot G, hôtel Marhaba, etc.).
Les 50 millions USD de l’Arabie Saoudite
A la demande des autorités de l’époque, l’Arabie Saoudite
avait accordé à notre pays un don de 50 millions de dollars USD pour
renforcer les moyens de l’armée nationale suite aux attaques terroristes
en 2007 et 2008. Le pouvoir issu du coup d’Etat de 2008 avait trouvé le
montant dans son intégralité dans les comptes du Trésor public et avait
immédiatement procédé à son utilisation sans se soucier des procédures,
ni des règles en la matière. L’opposition continue depuis 2009 à
réclamer toute la lumière sur le sort réservé à ce pactole dont
l’utilisation n’a laissé aucune trace visible. Le Parlement, seule
autorité habilitée à autoriser les dépenses publiques, n’a jamais été
saisi au sujet de ce don !
Les 200 millions USD de la transaction SENOUSSI
Dans une opération que seul un Etat voyou peut entreprendre,
le pouvoir en place aurait, moyennant une forte rétribution, assuré à
l’ancien directeur général de la sûreté de Kadhafi que sa famille et lui
pourraient venir s’installer en toute sécurité en Mauritanie, avant de
le livrer aux nouvelles autorités de Libye contre une rançon de 200
millions de dollars US ! Le Gouvernement libyen, qui a refusé de verser
cet argent sur des comptes personnels, a effectué un transfert à la
Banque Centrale de Mauritanie. Dans un pays comme le nôtre, connu pour
son hospitalité et son respect des valeurs islamiques, toute la lumière
doit être faite sur une telle opération et les différents acteurs qui y
ont pris part doivent répondre de leurs actes devant les tribunaux de la
république.
La BCM et le système bancaire
Les nouveaux agréments bancaires
Les cinq dernières années ont connu la création d’une dizaine
d’institutions financières, soit pratiquement le double de ce qui
existait en 2008, dont six banques et quatre sociétés de crédit leasing.
Ces institutions ont été créées au mépris des textes en vigueur. Au
lieu d’étudier les besoins du marché et de prendre en compte les
critères de l’expertise et de la disponibilité des ressources
financières, les agréments ont été distribués à des individus, tous en
association avec l’entourage présidentiel, sans compétences ni
ressources, dans le seul but de les enrichir rapidement en leur donnant
le pouvoir de création de la monnaie. La Banque Centrale a dû déroger à
toutes les règles pour permettre la création de ces institutions
financières. Elle a carrément ignoré les exigences des fonds propres
(six milliards d’ouguiyas) et a, quelquefois, donné elle-même à de
nouvelles banques les ressources nécessaires pour avoir les fonds
propres requis. Les heureux bénéficiaires se sont retrouvés du jour au
lendemain sur la liste des milliardaires du pays.
L’allocation des devises
Malgré des réserves en devises dépassant le milliard de dollars, la
Banque Centrale de Mauritanie n’accorde les devises qu’à un groupe de
privilégiés appartenant à l’entourage immédiat du Président. Elle a
instauré, avec la douane, un monopole de fait au profit d’un petit
groupe de gens, en lui accordant des devises à des prix préférentiels et
une fiscalité douanière préférentielle, sans aucun souci des
conséquences pour les autres acteurs économiques et pour les
consommateurs ainsi soumis à un marché monopolistique.
La manipulation du taux de change
Des informations de plus en plus persistantes font état d’une
manipulation fréquente des taux de change pour favoriser davantage le
groupe réduit des bénéficiaires des devises de la Banque Centrale. Cette
manipulation se fait de façon ponctuelle au moment des transferts de
certains importateurs privilégiés. Plus que tous les crimes économiques
commis par le pouvoir actuel, une telle pratique dépasse tous les
entendements possibles et imaginables. Certains estiment que la Banque
Centrale est redevenue, elle aussi, une boite noire avec des pratiques
beaucoup plus mafieuses et plus dangereuses pour notre économie que
toutes les pratiques des temps les plus sombres.
Le Commissariat à la Sécurité Alimentaire
Le Commissariat à la Sécurité Alimentaire est accaparé par les
trois principaux hommes d’affaires les plus introduits auprès du
Président. Ceux-ci bénéficient de l’exclusivité des ventes par le CSA de
l’aide alimentaire (italienne, japonaise, etc.). C’est aussi auprès
d’eux, presqu’exclusivement, que le CSA achète les produits destinés aux
boutiques EMEL, dont la raison d’être semble-t-il, n’est autre que
d’engraisser davantage les commerçants proches du pouvoir.
Les différents dossiers évoqués dans ce mémorandum, ne
représentent qu’une infime partie de la gabegie institutionnalisée par
l’actuel pouvoir ; celle strictement limitée à l’entourage immédiat du
Président. Nous ne pouvons pas être exhaustifs, tant la gabegie touche à
tous les secteurs de l’économie. Nous n’avons pas parlé du secteur
agricole et de ses marchés d’engrais, de grillage de protection, ni du
crédit agricole, ni des équipements achetés par la SNAT pour une dizaine
de milliards d’ouguiyas et dont une grande partie n’a, semble-t-il,
jamais été livrée (voir le problème actuel de la moisson de la contre
saison). Nous n’avons pas évoqué la santé et les scanners de seconde
main qui n’ont fonctionné que quelques semaines, malgré le tapage
médiatique que l’on sait, pas plus que la pêche, la défense, etc.
Nous envisageons, dans une étape ultérieure, de passer en
revue l’ensemble des secteurs de l’économie pour mieux informer le
peuple mauritanien sur le pillage méthodique par le pouvoir en place des
ressources du pays, en essayant si possible de donner des estimations
des pertes occasionnées par cette gestion chaotique sous forme de
détournement et de gaspillage. Notre objectif pour le moment est
d’attirer l’attention des mauritaniens sur la gravité de la situation et
sur la vraie nature de la personne qui gouverne notre pays depuis six
ans à son propre profit et s’obstine à continuer à le faire malgré la
volonté de notre peuple. Nous lançons, ici, un appel à tous les
patriotes pour ouvrir les yeux et regarder la situation du pays en face.
Aux soutiens du régime, nous rappelons que quand il s’agit, comme c’est
le cas aujourd’hui, des intérêts supérieurs du pays, il est puéril de
courir derrière de miettes ou se gargariser du confort d’être du côté
du « camp fort ». Il ne s’agit plus, désormais, d’une question de
démocratie ou de pouvoir, ni de majorité ou d’opposition ; il s’agit de
la survie de notre pays. Les pratiques instaurées par le pouvoir en
place ne peuvent conduire qu’à l’explosion sociale et à l’effondrement
de l’Etat. Il est de notre devoir de dépasser tous nos clivages et de
dire ensemble que cela ne peut pas continuer. Il est de notre devoir de
travailler ensemble pour jeter les bases d’une société démocratique
basée sur la liberté, le respect de la chose publique, la justice
sociale et la saine compétition dans un Etat de droit.
Ce mémorandum s’adresse aussi à nos partenaires étrangers,
avec lesquels nous avons des intérêts communs et qui sont concernés par
notre sécurité et notre stabilité, pour qu’ils prennent conscience de la
nature du pouvoir qui nous gouverne et des conséquences prévisibles de
ce mode de gouvernement. Ils sont appelés à découvrir le vrai visage de
l’homme qui tient la Mauritanie, de prendre conscience, eux aussi, des
graves menaces que sa présence au pouvoir fait peser sur notre peuple et
sur les relations bilatérales. Ould Abdel Aziz n’est pas un partenaire
fiable, cela crève les yeux. Les partenaires au développement de notre
pays doivent enfin le voir !
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