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vendredi 31 juillet 2015

Juldeh Camara : le funambule du blues

Le Gambien Juldeh Camara et son nyanyeru accompagnaient Robert Plant aux Nuits de Fourvière à Lyon, le 27 juillet dernier. Portrait d'un virtuose. Le public lyonnais est venu nombreux pour Robert Plant. Comme à son habitude, le légendaire ex-chanteur de Led Zeppelin a fait le show et assuré le spectacle. Sur la scène des Nuits de Fourvière, un mystérieux Africain au chapeau melon, un curieux instrument à cordes entre les mains, réussit quelquefois à voler la vedette au maître. Il s'appelle Juldeh Camara, il est griot et de Gambie.
Le nyanyeru, un violon traditionnel
Son nom circule de plus en plus dans le milieu du rock anglais. En Casamance, où il a grandi, son père Sherif Camara était un musicien et griot respecté. Selon la légende, il aurait accepté de perdre la vue en échange de dons musicaux. Et notamment le don de jouer du nyanyeru, un violon traditionnel de la culture fulani (nommé riti en wolof), fabriqué avec une moitié de calebasse recouverte d'une peau de serpent, un manche en bois et un crin de cheval en guise de corde unique. C'est auprès de son père que Juldeh Camara a pu apprendre, dès l'âge de cinq ans, à manier l'archet et à devenir très vite un griot invité dans tous les mariages et les grandes cérémonies. Dans le courant des années 1990, Juldeh Camara s'intéresse de près à la musique occidentale et décide d'utiliser son savoir-faire pour redonner à la folk et au blues une couleur africaine. Très vite, sa réputation s'exporte en Afrique de l'Ouest, et même au-delà, puisqu'il est invité en Norvège pour enregistrer deux albums avec les Five Blind Boys of Alabama (Tramp en 1993, puis Klapp en 1994). En 1995, il fonde le groupe gambien Afro Manding, avant d'être approché par Ifang Bondi deux ans plus tard. Il figure notamment sur l'album Gis Gis, couronné en 1999 du prix Kora du meilleur arrangement de musique africaine, remis par Nelson Mandela en personne.
Justin Adams et Juldeh Camara
Installé depuis 2001 à Londres, Juldeh Camara participe à plusieurs tournées avec Zubop Gambia et Sekou Keita, avant de rencontrer Justin Adams, guitariste anglais passionné par la musique africaine. "Un ami à moi m'avait prêté un CD de Desert Road [le premier album de Justin Adams, NDLR], explique Camara dans une interview à la BBC. J'ai écouté et je lui ai demandé : "C'est vraiment un Anglais qui joue cette musique ?" Cela sonnait comme de la musique malienne ou sénégalaise. Alors j'ai décidé de le rencontrer." De son côté, le guitariste britannique raconte son émerveillement en écoutant Juldeh Camara jouer du nyanyeru : "J'adore cette façon de glisser, qui sonne presque comme une flûte, avec des harmonies incroyables."
Robert Plant est séduit
De leur collaboration naît le groupe JuJu (Justin et Juldeh) ainsi qu'une oeuvre à mi-chemin entre bluegrass américain, mélodies traditionnelles fulani et folk aux accents celtiques. Après deux albums encensés par la critique, Soul Science (2007) et Tell no lies (2009), c'est Robert Plant en personne, séduit par le mélange détonnant des deux musiciens, qui leur demande de l'entourer pour sa tournée en Europe en 2010 aux côtés de son Band of Joy. Quatre ans plus tard, les deux fondateurs de JuJu intégreront tout naturellement les Sensational Space Shifters, le nouveau groupe de Plant, sur l'album Lullaby... and the Ceaseless Roar. Preuve que, malgré toute la modestie qu'il garde depuis ses débuts, Juldeh Camara risque de devenir l'acolyte incontournable des rockers du monde entier.

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