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mercredi 1 avril 2015

En 24 ans de pouvoir «démocratique» : - 21 milliardaires dont 16 fonctionnaires sous Alpha Oumar Konaré - 48 sous Amadou Toumani Touré - 17 dont 12 militaires putschistes sous Amadou Haya Sanogo et Dioncounda Traoré - 9 dont 4 ministres sous IBK en moins

En 24 ans de pouvoir «démocratique» : - 21 milliardaires dont 16 fonctionnaires sous Alpha Oumar Konaré - 48 sous Amadou Toumani Touré - 17 dont 12 militaires putschistes sous Amadou Haya Sanogo et Dioncounda Traoré - 9 dont 4 ministres sous IBK en moins
L’histoire retiendra que sous Alpha Oumar Konaré, en 10 ans de pouvoir, il y a eu 21 milliardaires dont 16 fonctionnaires, tandis que sous Amadou Toumani (ATT), en 10 ans de pouvoir aussi, on a enregistré 48 milliardaires dont des fonctionnaires et des opérateurs économiques. Avec Amadou Haya Sanogo et Dioncounda Traoré, il y a eu 17 milliardaires dont 12 militaires putschistes. Avec Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en moins de 2 ans seulement, nous sommes à 9 milliardaires dont 4 ministres. Quelle République ?
Sur la base des échanges avec des experts en économie, des missionnaires du Fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale et des informations recoupées sur les sites qui traitent de la bonne gouvernance, la lutte contre la délinquance financière et l’enrichissement illicite, on s’est rendu compte que notre pays est loin de beaucoup de pays où la corruption et la délinquance financière ont atteint un niveau de non-retour. Mais, si on ne fait rien, le Mali n’est pas à l’abri.
Le point de départ de nos différentes sources est l’année 1992, après l’avènement de la démocratie, le multipartisme et la liberté d’expression. Année de la chute des régimes dictatoriaux dans bon nombre de pays africains comme le Mali. En 24 ans de démocratie, notre pays a eu 95 milliardaires, la plupart ayant profité des moyens de l’Etat pour s’enrichir. D’Alpha Oumar Konaré en passant par la transition de 2012 à IBK, chaque régime a permis à certains cadres, fonctionnaires, ministres et même des chefs militaires de devenir des milliardaires au Mali.
 Avènement de la démocratie, point de départ
«Les Soudanais, puis les Maliens, avec la démocratie, avaient beaucoup de respect pour la chose publique, ils ne volaient pas l’Etat. Les cadres maliens, au temps de Moussa Traoré, avaient honte de voler. Avec l’avènement de la démocratie, ils avaient également honte, mais ils volaient et continuer de voler les biens de l’Etat», nous a confié le doyen Seydou Badian lors d’une interview sur Radio Klédu.
Cette phrase du doyen illustre à souhait la situation de notre pays en rapport avec la corruption et la délinquance financière. Les démocrates maliens, réunis en 1991 au sein du Mouvement démocratique, ont mis fin à vingt-trois ans de règne du CMLN-UDPM. Et c’était un 26 mars 1991. Mais hélas ! La chute du général Moussa Traoré ne sera qu’un triste souvenir.
Après 24 ans d’exercice démocratique, le constat est plutôt amer : les démocrates ont pillé et dépouillé le pays de tous ses biens, bradé les ressources minières, pratiqué une privatisation outrancière de quelques rares sociétés et entreprises restantes, avec une forte implication dans la spéculation foncière. Ces pratiques dignes d’une «voyoucratie» donnèrent naissance à «21 milliardaires de la démocratie» épinglés par le rapport de la Banque mondiale.
Dans leur accaparement des biens de l’Etat, la plupart des secteurs sont concernés : l’enseignement, la santé, l’armée, les mines, les impôts et les douances du Mali. Cela, à cause de la  «démocratisation». L’une de nos sources nous a fait savoir qu’il y a eu la création des écoles privées et des cliniques privées, des cabinets d’experts, en tous genres. Rien n’a échappé à nos démocrates donneurs de marchés dans les ministères et promoteurs des entreprises soumissionnaires aux différents marchés de l’Etat.
«Avec l’avènement du multipartisme, la justice est devenue un camion-remorque à plusieurs roues et à deux vitesses. En plus de ces dérapages, la démocratie chez nous s’est accompagnée par son corollaire de maux de la société : les divorces en hausse, la montée du célibat, la prolifération des sectes religieuses et la montée de l’escroquerie à tous les niveaux», nous confie-t-on. Le parti-Etat a vu le jour : les ministres, les cadres et les directeurs nationaux étaient tous Adéma.
La priorité des priorités, c’est s’enrichir, implanter le parti, faire semblant de travailler. À l’époque, il fallait être de l’Adéma pour avoir un poste. D’où le nom «Andaman» (nous seuls), expression que les leaders du Coppo utilisaient pour ironiser le pouvoir qui venait de mettre à la porte tous les cadres non favorables au régime Adéma. Alpha Oumar Konaré a assisté impuissamment à la naissance de 21 milliardaires, les premiers de la démocratie malienne, avec des ministres, cadres et autres fonctionnaires de l’Etat, au nombre de 16 sur les 21 milliardaires de la démocratie au Mali.
ATT, objectif : mettre de l’ordre
L’alternance au pouvoir avait suscité beaucoup d’engouement et le nouveau pouvoir donnait espoir. Le slogan d’ATT en 2002 en disait long : «Retrouvons ce qui nous unit». Les plus avertis ont été prudents ; les sceptiques n’ont pas bougé ; la grande majorité croyait encore à l’amélioration de sa condition de vie et de travail. Car le soldat de la démocratie connaissait nos réalités. Amadou Toumani Touré a jugé nécessaire de revenir mettre de l’ordre dans l’héritage laissé par les démocrates sincères et patriotes convaincus de mars 1992 à 2002.
Malheureusement, entre le coup d’Etat de 1991 et le 8 juin 20012, beaucoup de choses ont changé. ATT, appuyé par  Konaré, n’a pas fait mieux que son prédécesseur. Mettant en avant son consensus, il fait appel à tout le monde. Ainsi, les dinosaures de l’UDPM signent leur retour, car ATT était passé par le siège du parti MPR à Quinzambougou avant sa victoire. Il y avait un deal.
Par le même processus, il réhabilite tous les anciens dignitaires afin de mieux marquer leur retour sur la scène politique. Les promesses faites par ATT en mars 2002 à propos du changement sont restées lettres mortes. Ce sont les ministres et leurs familles, les députés, les responsables des Institutions de la République, les chefs de Cabinet de la Primature et de la Présidence qui ont changé leur cadre de vie alors que le peuple tirait le diable par la queue.
Sous le régime ATT, les nominations se font par affinité parentale, politique ou par copinage et les actes de détournement de deniers publics, voire le laxisme dans la gestion. Pis, les cadres reçoivent plutôt des promotions. Ce qui poussa Dioncounda Traoré, alors président de l’Adéma à dire : «Si le parti Adéma ne soutient pas ATT à la présidentielle de 2007, il aura la sécurité d’Etat sur son dos». Comme pour dire que chacun y trouve son compte.
Ainsi, de 21 milliardaires de la démocratie, il y a eu sous ATT les 48 milliardaires du consensus. La particularité ici, c’est l’immixtion des opérateurs économiques dans la politique. Les présidents des Chambres de commerce, des mines, des artisans et paysans ont tous adhéré au parti PDES du président ATT.
Les présidents de ces Chambres ont raflé des marchés avant de devenir des milliardaires, en plus des opérateurs économiques et fonctionnaires. Lorsqu’on est broyé par un tel système, lorsqu’on subit un rejet sans cause, un refus sans raison, la tentation devient irrésistible de recourir au plus désespéré de tous les arguments : la violence. «La violence est une arme de combat contre les inégalités sociales», dixit Alpha Oumar Konaré, ancien président du Mali.
Le coup d’Etat le plus débile
Après ATT, ceux qui l’ont chassé de Koulouba ont été pires que les démocrates : leur objectif caché était de s’enrichir en si peu de temps, parce qu’eux-mêmes ne savaient pas ce qui les attendaient. Après les crimes, les tortures, les meurtres et la confiscation des biens de l’Etat et des paisibles citoyens, Amadou Haya Sanogo et sa bande ont eu des milliards de Fcfa en espèce qu’ils ont placés dans des comptes bancaires.
Ils ont aussi fait des investissements en achetant des parcelles pour blanchir leurs sous. Ils sont aujourd’hui une douzaine de militaires putschistes à être milliardaires en deux semaines. Des sacs de billets de banque fleurissaient à Kati, alors que les villes des régions du Nord du Mali tombaient une à une sous le contrôle des bandits armés et des jihadistes. Aujourd’hui, les militaires putschistes en taule sont riches et très riches ; ils sont pour la plupart des milliardaires et ont profité de leur détention pour transférer leurs fonds aux noms de leurs parents, amis ou en faisant des investissements. Et même actuellement, ils perçoivent leurs salaires et primes en tant que prisonniers.
Les milliardaires de la transition
Les fonctionnaires milliardaires de la transition de 2012 l’ont été à travers des marchés dans le domaine de la téléphonie, le foncier et le trafic de drogue les régions du nord du Mali. Cela, à travers des prête-noms.
L’espoir déçu sous IBK
Jamais, les Maliens ne se sont mobilisés pour élire un président de la République. C’était pour résoudre les problèmes du Nord du Mali. Mais, ce fut peine perdue.  Même ceux qui n’ont pas voté pour IBK pensaient que les choses allaient changer. Mais, les premiers actes du président malien ont déçu son peuple : la rénovation de sa résidence privée à 2 milliards de Fcfa, l’achat de l’avion présidentiel dont le prix n’est pas connu jusqu’à présent des Maliens.
Sans oublier le marché de l’achat d’équipements et d’armes pour les militaires maliens. IBK le dit à tout le monde : «Je n’ai jamais volé un franc de ce pays». Pour comprendre cette phrase, il faut être dans l’entourage du président. Pour certains, IBK ne vole pas, mais dès qu’il arrive à un poste de responsabilité, il met le paquet pour le confort dû à son rang. Mais qu’il ne vole pas et qu’il ne prenne pas dans la caisse de l’Etat, n’est pas bizarre pour les Maliens. À presque deux ans au pouvoir, IBK «le Kankélétigui» a donné 9 milliardaires au Mali, dont 4 sont des ministres.
Certains ne sont plus dans le gouvernement actuel. Certains des proches et amis d’IBK étaient des conseillers et ministres. Ils ont créé des sociétés fictives pour avoir des marchés de l’Etat, surtout dans l’achat des équipements militaires. Au même moment, on demande au peuple de parler le vrai langage de la réconciliation, du changement et de la solidarité : celui qui se traduit par le partage des revenus, des avantages et qui permettra de réintégrer l’ensemble des Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur dans la communauté nationale.
Aujourd’hui, sans autre passion que la justice, il faut nécessairement appliquer la devise : Un Peuple - Un but - Une foi. Les Maliens n’ont pas besoin d’un règlement de comptes entre démocrates et militaires. Une guerre larvée qui n’aboutira à rien. Les démocrates ont pillé le Mali et les militaires veulent à tout prix confisquer le pouvoir pour bien manger.
Le constat sur les 24 ans de la démocratie 
Le changement opéré suite aux événements de mars 1991 a entraîné trois effets : la tentation pour les leaders de contre-pouvoirs d'utiliser leurs institutions comme leviers de conquête du pouvoir ; la peur que l'Exécutif éprouve pour les contre-pouvoirs et sa tendance à les affaiblir par des manœuvres de division ; la satellisation des contre-pouvoirs par les partis politiques, les pouvoirs en place et même parfois par les alliés de ces pouvoirs (bailleurs de fonds, Ong internationales). Une des pratiques à réorganiser est certainement l'appui de l'Etat à la presse.
Toutes ces pratiques ont entraîné l'affaiblissement d'un des types d'institutions essentiels au jeu démocratique. Il ne faut pas oublier que la démocratie n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour l'épanouissement des êtres humains. L'erreur commise par le "Mouvement démocratique" est de n'avoir pas attaché suffisamment d'importance aux questions de développement et de s'être laissé aller, au sortir des événements de mars 1991, à épouser des thèses mettant l'accent sur le développement industriel, sur l'exploitation des richesses minières et ceci, dans un pays où la sécurité alimentaire n'est pas assurée. Un peuple qui a faim pense difficilement à autre chose qu'à assouvir cette faim.
Le renforcement de notre démocratie passe par la consolidation de la démocratie à la base : celle qui concerne des millions de ruraux dont l'urgence aujourd'hui est la lutte contre la faim et la malnutrition. L’un des principes essentiels de la démocratie demeure la bonne gouvernance. «Malheureusement, le Mali est loin d’être un champion». Le régime actuel doit mettre l’accent sur la lutte contre l’impunité pour accroître le développement humain durable à travers les secteurs prioritaires tels que l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire...

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