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mardi 31 mars 2015

Kiridi Bangoura : « Aucun leader ne prendrait le risque de nuire à la santé publique »


Les motivations de l’urgence sanitaire renforcée déjà en vigueur, cette mesure est-elle une manière détournée pour le pouvoir de contrecarrer les manifestations de l’opposition ; la visite du ministre Fall à Paris, y a-t-il une corrélation entre cette visite et la récente réunion des ténors de l’opposition tenue à Paris; les manifestations annoncées de l’opposition et les éventuelles conséquences que pourraient engendrer celles-ci, le ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence, Naby Youssouf Kiridi Bangoura sans ambages à Guinéenews.  
Guinéenews : Le président Alpha Condé vient de décréter l’urgence sanitaire renforcée dans certaines préfectures du littoral. Quelles sont les motivations réelles de cette décision ?
Kiridi Bangoura : Les autorités sanitaires notamment la Coordination nationale de lutte contre Ebola, les partenaires techniques et financiers internationaux sont unanimes aujourd’hui que la cartographie de l’épidémie a changé et que les facteurs de transmission ont varié. Vous vous souviendrez que la crise était forte en Guinée forestière. Aujourd’hui, nous sommes au 23ème jour avec zéro Ebola dans cette région. L’essentiel des nouveaux cas se concentrent aujourd’hui dans la périphérie de Conakry. Les préfectures qui sont sujettes à cette urgence sanitaire renforcée sont: Forécariah, Coyah, Dubréka, Kindia et Boffa. C’est dans ces préfectures que l’essentiel des cas se déclarent. Donc le président de la République a estimé avec l’avis des experts nationaux et internationaux qu’il fallait renforcer les mesures de précaution dans ces zones.
Guinéenews : En quoi cette mesure est-elle différente de celle prise au mois d’août dernier ?
Kiridi Bangoura : Ce qui est supplémentaire, c’est que nous allons veiller fortement à la gestion des décès et de leurs conséquences rituelles. Donc, il est recommandé de réduire, à leur stricte intimité, les rites d’enterrement et aussi les sacrifices rituels qui sont faits après les décès. Il est conseillé également de pénaliser absolument le transfert des corps d’un point à l’autre, d’un village à l’autre ou d’une préfecture à l’autre. Cette urgence sanitaire renforcée va permettre aussi  aux hôpitaux et cliniques de se mettre dans les meilleures normes de prévention pour éviter que l’épidémie ne rentre dans les formations sanitaires.
Guinéenews : Cette urgence sanitaire renforcée intervient dans un contexte marqué par une nouvelle crise politique entre le pouvoir et l’opposition. Ce qui fait d’ailleurs dire à certains que le président a pris cette décision  en vue de contrarier les manifestations annoncées par l’opposition ?    
Kiridi Bangoura : Cela n’est pas vrai. Je puis croire et cela très profondément que nos frères de l’opposition qui ont tous eu de très forte charge à la tête de l’Etat guinéen, savent très bien que les mesures qui sont prises auraient été les leurs s’ils étaient à la place du président de la République. Tout le monde sait que le président de la République, pour l’essentiel de son temps, pour l’essentiel de son énergie et de son agenda aujourd’hui, c’est pour sauvegarder la vie des Guinéens et protéger notre territoire de cette épidémie terrible.
Guinéenews : Le ministre Fall était récemment à Paris où il a été reçu au Quai d’Orsay et à l’Elysée. Est-ce une visite réplique à celle de l’opposition qui y a tenu récemment son conclave ?
Kiridi Bangoura : Le ministre d’Etat chargé des Affaires Etrangères était d’abord à Bruxelles pour participer à une réunion des donateurs pour la relance de l’économie de la Guinée-Bissau. Et vous connaissez les liens profonds que nous avons avec ce pays voisin et frère et vous connaissez également le rôle discret mais efficace que le président de la République ne cesse de jouer pour le retour à la paix en Guinée-Bissau. Donc, le ministre Fall était en Europe pour cet effet. Maintenant, c’est un ministre d’Etat, un ministre qui gère des dossiers de la diplomatie guinéenne. Quand il est de passage si près de Paris, il est tout à fait normal comme à son habitude, qu’il s’entretienne avec les autorités françaises de haut niveau.
Guinéenews : Peut-on savoir ce qui a pu être au cœur de sa rencontre avec les autorités françaises ?
Kiridi Bangoura : Non, c’est de la régularité. Les relations, les contacts, les entretiens, les réunions bilatérales de ce niveau-là sont dans la normalité du travail d’un ministre des Affaires Etrangères. Il y a rien de nouveau. Ce n’est pas un déplacement spécial. Chaque fois qu’il passe à Paris, il s’entretient avec ses collègues des Affaires Etrangères et parfois ceux de l’Elysée.
Guinéenews : Comment expliquer le fait que cette visite soit intervenue juste après la réunion des leaders de l’opposition à Paris ?  
Kiridi Bangoura : Franchement, il n’y a pas de lien direct entre la réunion dont vous parlez et le travail ordinaire du ministre d’Etat chargé des Affaires Etrangères.
Guinéenews : Pourquoi Paris fait l’objet de tant de sollicitation dans le jeu politique guinéen ?
Kiridi Bangoura : Je ne suis pas au courant. Je sais que le jeu politique guinéen est dévolu au peuple de Guinée de par nos lois et de par la Constitution. La France est un partenaire très important pour la Guinée mais, la politique guinéenne se joue d’abord surtout en Guinée.
Guinéenews : L’opposition semble  préférer la rue au dialogue lancé par le pouvoir. Sous prétexte qu’il n’est plus un partenaire qui inspire confiance. Qu’en dites-vous ?
Kiridi Bangoura : Non ! Je crois que vous interprétez un peu violemment le point de vue de nos frères de l’opposition. Vous savez, nous avons une chose commune, c’est la Guinée. Nous avons des choses aussi qui nous contiennent. Ce sont des lois, des principes d’une démocratie et d’une vie en République. Tout cela nous oblige, et l’opposition et la majorité, à revenir autour de la table, à discuter et prendre en compte le point de vue des uns et des autres en améliorant non seulement la compréhension mais aussi la mise en œuvre du processus électoral qui se prépare.
Guinéenews : Pas plus tard que le samedi dernier, le chef de file de l’opposition a pourtant martelé cette volonté ?
Kiridi Bangoura : Je n’ai pas suivi cette déclaration du chef de file de l’opposition. Et j’ose croire qu’il est républicain, ce qu’il l’est d’ailleurs. Je sais que nous agirons tous en fonction des lois du pays et du principe absolu de toute démocratie qui est d’accepter le dialogue et la contradiction.
Guinéenews : Dans les prochains jours, l’opposition envisage d’observer des journées ville morte. Est-ce qu’à votre avis,  l’état d’urgence sanitaire qui vient d’être décrété ne court pas de risques quant on sait que ces mouvements de l’opposition dégénèrent très souvent en violences ?   
Kiridi Bangoura : Je ne crois pas qu’un Guinéen surtout un responsable de parti politique, un leader politique s’amuserait dans les périodes que nous traversons à faire prendre un risque, quel qu’il soit, de nuire à la santé publique et à la vie de nos concitoyens. On a beaucoup souffert avec cette crise là et je pense que nos frères de l’opposition entendront raison en utilisant les voies et moyens qui permettent de se faire entendre sans perturber le fonctionnement général de notre pays. Je reste convaincu que nous serons autour de la table bientôt.
Entretien réalisé par Camara Moro Amara & Mame Diallo


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