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lundi 2 mars 2015

Délinquance économique : C’est de la sorcellerie des temps modernes

A la suite de l’ignoble découverte, jeudi 19 février dernier à Ouagadougou et dans sa banlieue de Gampèla, par l’Unité d’intervention polyvalente (UIP) de la Police nationale, dans des entrepôts du groupe OBOUF, voilà l’effroyable inventaire réalisé en présence du Procureur du Faso : « 2 184 072 cannettes périmées, 372 bidons de 1,5 litres de boissons gazeuses de marque Coca-Cola périmés, 276 boîtes de tomate concentrée de marque le Trésor périmées, 10 608 cannettes sans dates de péremption, 442 296 cannettes dont les dates de péremption ont été changées ».
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Délinquance économique : C’est de la sorcellerie des temps modernes
De ces contrôles de la direction générale du contrôle économique et de la répression des fraudes et de l’Agence burkinabè de normalisation et de la métrologie, il apparait clairement que l’activité principale de certains riches marchands au Burkina Faso porte sur la commercialisation de la mort. Ils ne cessent de bâtir leur fortune sur les cadavres des pauvres consommateurs en redoublant d’ardeur et de profit dans la vente de produits périmés ou frelatés. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Les nombreux et impuissants cris dans le désert à ce sujet ont enfin reçu l’écho nécessaire avec le tapage médiatique autour de cette trouvaille indécente et illicite dont les conséquences sur la santé des consommateurs sont évidemment désastreuses. « Cette affaire indigne la conscience humaine », n’a pu s’empêcher de commenter, Michel Kafando, Président du Faso.
Quoique la sortie des avocats de OBOUF, Mes Jean Charles Tougma et Yacoba Ouattara, fasse partie de leur rôle de défenseurs des causes, parfois perdues, force est de reconnaître que celle-ci est maladroite. Ces extraits de leur déclaration, « A ce jour, aucune inspection sanitaire, ni aucune analyse d’aucun laboratoire ne vient confirmer la toxicité des produits. La péremption de date ne signifie pas forcement que le produit concerné est impropre à la consommation et mortel » ; « En outre, la DLUO (Date Limite d’Utilisation Optimale) mentionnée sur les cannettes indique la date de consommation de préférence. Le produit peut perdre de son goût, après cette date, mais ne devient pas impropre à la consommation » manquent visiblement de décence. A moins qu’ils aient délibérément conseillé, à des fins mercantiles, à leur client analphabète que « tromper, tricher ou frauder en mettant en péril la santé et la vie d’autrui » ne constituent pas des infractions.
Faut-il attendre que des Burkinabè continuent de mourir d’une mort certaine, lente et douteuse avant d’incriminer l’auteur d’une telle délinquance économique ? Présomption d’innocence ou présumé coupable ! Ces termes juridiques, souvent utilisés comme des échappatoires ou des pirouettes, sonnent maintenant aux oreilles de la population comme un « verre à moitié vide ou à moitié pleine ». En la matière, le Burkina Faso ne peut pas se targuer d’être un Etat de droit plus que son colonisateur qui lui a appris cet habillage juridique de la gouvernance démocratique.
Que l’on se souvienne, il y a quelques années, du tollé suscité en France et dans d’autres pays d’Europe par l’affaire de viande de cheval vendue aux consommateurs en leur faisant croire que c’est de la viande de bœuf. La marchandise n’était certes pas impropre à la consommation mais il y a eu tricherie, tromperie et duperie suivant une filière transnationale comme l’axe Tunis-Ouagadougou. Les auteurs ou les coupables de cette malversation ont été aussitôt brandis à la face du monde entier.
Comparée au cas de la viande de cheval, l’affaire incriminant OBOUF est encore plus grave, si l’on se réfère aux constats et aux contrôles relevés dans le compte-rendu du Conseil des ministres du 25 février dernier. Tout acte de délinquance doit être appréhendé comme tel. La pratique de Boureima Ouédraogo s’inscrit dans la sorcellerie des temps modernes.
Réfutant sa situation d’antan d’horloger à l’ombre d’un caïlcédrat à Ouahigouya après son échec en classe de CE1, le fondateur du groupe OBOUF s’est forcé une ascension fulgurante dans les affaires en usant de son habileté à trafiquer, à traficoter, à frauder. Au lieu d’emprunter l’abnégation et la patience de « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » sur lesquelles reposent toutes les success-stories dont les Burkinabè ont tant besoin comme repères dans leur vie entrepreneuriale.
Mangeons, buvons et mourons empoisonnés !
OBOUF a tout simplement voulu « bouffer » une bonne partie de ses compatriotes. En tant qu’ancien horloger, il a entrepris de mal régler leur vie avec ses produits commercialisés. Son acte révèle la face cachée de certains opérateurs économiques qui ont toujours cru que sans emprunter une courte échelle, ils ne pourront jamais être riches. L’une des explications les plausibles est ainsi donnée sur l’origine de la fortune du patron du ténébreux groupe OBOUF. Il est, en fait, la « Pourriture D’une Génération » abusivement cachée sous l’appellation de PDG. La divulgation du secret des boissons à cannette ne serait qu’une infime partie de ses actes ignobles.
La prospérité meurtrière de Boureima Ouédraogo, et de bien d’autres, a dû causer des dégâts énormes à travers ses multiples activités dans l’agroalimentaire, les hydrocarbures et la distribution de cycles. Combien de fois OBOUF a-t-il été cité, tout comme d’autres opérateurs économiques, dans des affaires de fraude ou de pratiques commerciales illégales ? Derrière les airs d’arrogance et d’insolence de ces empoisonneurs publics se cache un message : « Bandes d’aigris, faites ce que vous voulez, il n’y aura rien ». D’autant qu’à chaque fois, ils s’en sortent grâce à des complicités haut placées. L’appât du gain facile bénéficie surtout de réseaux d’influence. Osons croire que cette époque est révolue après l’insurrection populaire. La mise à nu de la sale besogne de Boureima Ouédraogo laisse, à jamais, planer le doute sur les motos, le carburant et les lubrifiants, les denrées alimentaires (tomates, boissons, biscuits, pâtes) que ses différentes sociétés mettent sur le marché.
La mauvaise qualité de ces produits a certainement causé des victimes aux quatre coins du pays. Les décès incompréhensibles et inconcevables, l’apparition subite de certaines maladies, la recrudescence de certaines pathologies trouvent peut-être là leurs origines. « Il n’était même pas malade. Il s’est mis du coup à vomir, ou à se tordre de douleur et c’en est terminé » ; « Dès que j’ai pris du carburant dans telle station, les ennuis de mon engin ont commencé ». Ce sont autant de témoignages de fatalité qui ont cours à Ouagadougou et dans d’autres localités dont les principaux auteurs sont ces riches marchands de la mort représentés de façon funeste par OBOUF.
Ils sont de plus en plus animés par la boulimie des affaires, même les plus louches ou les plus sordides. Les Burkinabè doivent remercier Dieu que la compagnie Burkina Airlines promue par le groupe OBOUF ait fait long feu. En plus des nombreuses victimes de sa malbouffe, la catastrophe la plus effrayante aurait pu survenir d’une quelconque tricherie de sa part dans l’aéronautique. Au lancement de cette éphémère compagnie aérienne, un professionnel burkinabè du transport aérien n’a pas manqué de prévenir crûment : « Exploiter un avion n’est pas chose aussi facile qu’utiliser des camions remorques pour se rendre à Lomé chercher des marchandises et revenir ». Face à la délinquance économico-commerciale à laquelle celui-ci s’est livré, cet avertissement vaut son pesant d’or. Combien de personnes, OBOUF et les autres, continueront-ils d’assassiner ? Nul ne le saura d’autant que les produits périmés ou avariés sont distribués à grande échelle sur le territoire national.
OBOUF n’est que la face visible d’un iceberg qu’il convient de fondre avec la vigueur nécessaire pour convaincre l’opinion que « Plus rien ne sera comme avant » en ce qui concerne également ces riches marchands de la mort. D’autant que l’autre aspect inquiétant de cette ignoble découverte est le partenariat « gagnant-tuant » entre un Tunisien et un Burkinabè. Heureusement que la peine de mort bénéficie actuellement d’un moratoire aussi bien au Burkina Faso qu’en Tunisie. Sinon la potence comme punition n’est pas un réquisitoire exagéré.
La vigilance doit être de mise pour écarter toutes relations d’affaires nuisibles et meurtrières que viendraient à sceller des hommes d’affaires burkinabè avec des homologues d’autres horizons. Les descentes de l’inspection des affaires économiques révèlent bien souvent, dans les huileries, des accointances similaires entre nos compatriotes et des ressortissants d’autres pays pour produire de l’huile impropre à la consommation. Le partenariat « gagnant-gagnant » tant souhaité se trouve ici trahi. Notre pays se trouve être le dépotoir d’un autre qui est aussi venu à bout de ses ripoux par une insurrection populaire, épicentre du printemps arabe. Cette fois-ci, le transfert de technologie s’est avéré malsain et a servi à une tricherie à grande échelle au point de ternir la fructueuse coopération entre les pays de ces gangsters d’affaires.
De la petite boutique du quartier à la grande surface, tous les subterfuges sont bons pour dribler le consommateur sur la qualité réelle du produit acheté. Personne n’est aujourd’hui sure de ce qu’il mange que ce soit chez lui ou hors de sa maison. En se flattant d’être capable de consommer du bon, de nombreux Burkinabè empruntent, sans le savoir, le chemin de la mort subite. De la viande ou le lait au poisson en passant par les conserves de tous genres, le Burkina Faso, un pays où s’assurer la date de péremption d’une marchandise n’est pas un réflexe quotidien, apparaît pour de nombreux pays comme une poubelle où tout peut se recycler.
Il suffit d’observer certaines artères de la capitale pour s’apercevoir que le pays est devenu un dépotoir. La cupidité des uns gagne du terrain devant la pauvreté et l’ignorance des autres. Des conteneurs entiers déversent à des rythmes constants et réguliers, à chaque coin de rue, tout ce que les autres ne veulent plus sous d’autres cieux : de la vaisselle aux matelas jusqu’aux dessous intimes pour hommes et femmes. Les médicaments ne sont pas en reste. Ils se répandent sur le territoire national au vu et au su de tout le monde. Il existe même, quelque part à Ouagadougou, une zone de troc de produits pharmaceutiques de spécialité. Des individus bénéficiant d’assurance-santé abusent de cet avantage en se procurant des médicaments de spécialité qu’ils bradent au comptant à des margouillats ou à des usuriers qui les revendent à des malades de diabète, d’accident vasculaire-cérébral (AVC) qui, sous le prétexte ne pas disposer d’assez de moyens pour se les acheter en pharmacie, ne se soucient ni des conditions de conservation ni de la date de péremption.
Malgré le danger encouru, des grossistes, demi-grossistes et détaillants desdites cannettes ne sont pas prêts à retirer les produits incriminés. Or cette pratique inhumaine apparaît comme une sorte d’inconscience étant donné qu’elle revêt un effet de boomerang susceptible de causer la perte de soi-même ou de ses proches. Quelle est la différence entre un génocidaire, un criminel de tout acabit, un coupeur de route et OBOUF avec son acolyte tunisien ? Leurs actes se rejoignent dans le choix délibéré de causer la mort d’autrui. L’heure est venue d’accorder un regard régalien d’Etat aux velléités meurtrières de certains hommes d’affaires.
Le crime de OBOUF est l’expression du gangstérisme d’affaires qui a pion sur rue ces dernières années au Burkina Faso. Au-delà de OBOUF, il y a de pires OBOUF tapis dans l’ombre avec des pratiques machiavéliques. Le circuit de la grande distribution de la mort est éloquent : du poisson et de la viande conservés au formol, du pain préparé à base de formol, de la viande et des aliments cuits au carbure, des fruits mûris avec du carbure, des lubrifiants et du carburants frelatés, de faux vaccins, des médicaments contrefaits, des denrées alimentaires avariées, périmées et sous pesées. L’inquiétante découverte de la Police nationale doit être le point de départ d’une vaste opération visant traquer, sur l’ensemble du territoire national, ces meurtriers déguisés en opérateurs économiques.
Ceux-ci ont longtemps bénéficié du laxisme des services de l’Etat en charge de la réglementation des activités économiques et commerciales. Ils se sont aussi enrichis du mutisme et de la complicité des pouvoirs publics qui n’hésitaient pas à user de leur piédestal pour amener à surseoir à toute procédure policière ou judiciaire contre un phénomène de plus en plus en vogue.
Sur papier, le Burkina Faso dispose de tout l’arsenal nécessaire pour prévenir les maux actuels qui le minent. Mais dans la réalité, il brille par une incapacité déconcertante. La falsification de la métrologie et des dates de péremption était devenue le jeu favori de ces affameurs et tueurs publics. Sous la direction du Colonel Daouda Traoré, le Laboratoire national de santé publique (LNSP) s’est heurté à une farouche résistance en voulant contrôler les marchandises d’une alimentation de grande renommée. Il se susurrera plus tard que cette grande surface se cache derrière son enseigne flatteuse pour distribuer des produits avariés dont la technique consiste aussi à falsifier les dates de péremption. La vie de millions de personnes est aujourd’hui en péril à cause de ces abus commerciaux.
Les appels à la retenue des autorités semblent avoir été entendus. Mais la population reste très attentive à la suite judiciaire du dossier OBOUF relatif à la falsification des dates de péremption de boissons à cannette étant donné que onze (11) personnes sont interpellées et le cerveau de l’affaire, Boureima Ouédraogo a été sommé de rentrer de son voyage pour se mettre à la disposition de la justice.
« Je demande pardon au peuple », c’est trop facile comme dérobement. La Transition tient là une sacrée occasion pour donner une leçon à ces « comméchants » qui ont malicieusement investi l’économie nationale et empoisonnent la population en toute impunité. Le paysage économique doit être débarrassé des brebis galeuses qui annihilent l’action de croissance nationale de ses honnêtes animateurs. Le pays en a marre de ses riches aux fortunes ensanglantées.
Il faut aussi restaurer l’autorité de l’Etat, moraliser la vie publique sous tous les angles et rétablir le civisme à tous égards au sein de la communauté des affaires. D’une pierre deux coups ! Il faut profiter secouer courageusement l’environnement des marchés publics en infligeant les sanctions qu’il faut, tant aux opérateurs économiques malhonnêtes et véreux qu’aux membres gloutons des commissions d’attribution. La non-conformité des échantillons présentés à la commande avec les produits livrés à l’arrivée est aussi pire que la falsification des dates de péremption de produits alimentaires. La santé de la population et les investissements de l’Etat sont aussi pris en étau entre les actes ignobles des riches marchands de la mort.
Filiga Anselme RAMDE,
filiga_ramde@yahoo.fr

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