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lundi 9 février 2015

Le syndicat menace, Alpha Condé résiste et l’opposition se radicalise : le danger qui guète la Guinée

Il y a quelques mois, la propagation de la maladie à virus Ébola avait poussé la classe politique guinéenne à suspendre ses activités politiques. Mais depuis quelques jours, l'opposition, frustrée de voir la mouvance faire des activités au relent de campagnes politiques sur le terrain, a jugé opportun, elle aussi, de reprendre ses meetings hebdomadaires.

En effet, sous la menace de l'inter-centrale qui avait déclenché une grève illimitée sur toute l'étendue du territoire national le 5 janvier dernier, comme d'habitude, le gouvernement par une main magique a tué cette grève dans l’œuf. Dans leurs revendications, les syndicats demandaient entre autres une augmentation de salaires de 300%, la prise en charge des travailleurs de RusAl et ceux de la Sotelgui. Mais, celle-ci a semblé exorbitante pour le gouvernement en cette période de ralentissement économique dû au virus Ébola. Au finish, sans obtenir gain de cause, l'inter-centrale a fini par reculer, car en bon stratège, Alpha Condé a usé de tout son poids pour l’anéantir dans son mouvement de protestation, apprend-on. 

Le louvoiement des syndicats n'était qu'un bluff, car en réalité, la grève illimitée qu’ils prétendaient faire n'a  été qu’une montagne qui a accouché d'une souris : à part la promesse de réduction du litre d'essence à la pompe le 28 février au moment où le baril du pétrole est en dessous de 46 USD (ce qui aurait pu être fait il y a longtemps en Guinée à cause de la fluctuation du prix sur le marché mondial) et peut être l'augmentation des salaires à 40% au mois de juillet prochain, en réalité, les syndicats n'ont rien obtenu. D'ailleurs, cet « échec » a provoqué l'ire de nombreux travailleurs tant à Conakry qu'à l'intérieur du pays.  

Syndicat2« Le président tient les fers de lance du mouvement syndical en main : Amadou Diallo, Secrétaire général de la confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et Louis M'Bemba Soumah, Secrétaire général de l’union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG). Si vous avez bien remarqué, dès le lendemain de sa prise de fonction, le président de la République, conscient du rôle néfaste que peut jouer le syndicat dans la balance du pouvoir a réussi, très tôt, à les diviser (bisbilles entre Yamoussa Touré et Amadou Diallo au tour du contrôle de la CNTG en fait foi). Dans cette division, pardon, cette diversion, il recevait de temps en temps chacune des parties individuellement à la Présidence. Et le chef de l’État, faut il le dire les entretenait tous. Leur relation ne date pas d’aujourd’hui. Donc, ne vous posez surtout pas la question de savoir comment est-il parvenu à écraser leur mouvement avec un revers de la main après une seule journée de grève partiellement suivie…», affirme ironiquement un haut cadre guinéen lors d’une conversation téléphonique avec Guinéenews©.

L'opposition de son côté, après avoir reporté son meeting du 15 décembre 2015, l’a finalement fait  le 7 janvier 2015 et projette un autre le jeudi 22 janvier. Justement, le président de la République, par crainte de voir les syndicats coaliser avec les politiques, ce qui peut facilement faire tomber son régime, a, réussi à convaincre les camarades syndicalistes de suspendre leur grève non sans dessous de table, dit-on.

Menée par son chef de file, l’opposition continue de brandir les menaces contre le régime de Conakry. Dans son speech du 7 janvier 2015, Elhadj Cellou Diallo a été clair en déclarant : « Si Alpha Condé n’organise pas une élection transparente, nous allons nous mobiliser pour demander son départ ».

Devant ses militants survoltés samedi 17 janvier dernier, l'ancien Premier ministre guinéen Cellou Dalein Diallo a encore menacé en ces termes : "Nous allons dégager Alpha Condé en 2015…"

Dans ses vœux de nouvel an adressés à la national guinéenne, le leader de l’union des forces républicaines (UFR) et l’ancien Premier ministre guinéen Sydia Touré, a déclaré : « Alpha Condé ou le candidat du déclin national ».

Profitant de l’inauguration des nouveaux locaux du ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire le vendredi 9 janvier à Conakry, Alpha Condé a mis l’occasion à profit pour répliquer contre ses opposants en ces termes : « La Guinée a une très bonne image à l’extérieur pour le combat que nous avons mené pour récupérer nos richesses minières, pour la transparence et le développement du pays. Tout le monde sait qu’en 4 ans, nous avons fait ce que d’autres n’ont pas fait en 30 ans. »

MamadouSylla104Dans un entretien accordé à la rédaction de Guinéenews© en France en début d'année pour commenter la grève syndicale du 5 janvier et le meeting de l’opposition du 7 janvier, le député Elhadj Mamadou Sylla, dont le parti est de la mouvance présidentielle, a conseillé : « J’invite le président de la République à réunir tous les fils de la nation, car il a été élu par le peuple et en plus, si aujourd’hui, ce peuple trouve que la souffrance prend le dessus, normalement, il doit être flexible, voir ce qui ne va pas réellement. C’est à ce prix qu’il pourra prendre des décisions idoines. Je pense que, c’est la seule façon dont on peut gérer le pays pour que chacun y trouve son compte. Sinon, pour ce mois de janvier, j’ai vraiment des inquiétudes. C’est pourquoi, depuis six mois, lors d’une interview que je vous ai accordée, j’ai dit que j’ai peur qu’il y ait des confrontations en 2015. »

« Alpha Condé est un véritable animal politique. Nous travaillons dans les conditions très difficiles à l'assemblée nationale. Parfois, nous convoquons certains ministres et hauts cadres de l'État à l'assemblée nationale pour venir s'expliquer sur certains dossiers d'intérêt national, mais ils refusent carrément de venir s'expliquer devant les élus du peuple. Et nous n'avons aucun droit de recours, car le président a refusé catégoriquement de mettre en place la cour constitutionnelle devant laquelle, on n’aurait pu se plaindre en cas de comportement belliqueux de l’exécutif », se lamente le député Ousmane Gaoual Diallo de l'UFDG à Guinéenews©.

A l’allure où vont les choses, tout porte à croire que c’est la trilogie Alpha-Sydia-Cellou qui mènera le bal pour la prochaine élection présidentielle prévue, en principe cette année. Et, à  en juger par les positions radicales de l’opposition dont le langage devient de plus caustique et l’entêtement du pouvoir à rafler tout sur son passage, tous les analystes et observateurs de la scène politique guinéenne s’accordent à dire qu’on tend vers un cul-de-sac : l’affrontement aux conséquences incalculables si les deux parties ne mettent pas les intérêts supérieurs de la nation en avant au détriment de ceux personnels.

La solution la plus plausible pour le maintien de la paix et de la quiétude dans le pays, passe inévitablement par un dialogue inclusif franc et sincère entre la classe politique guinéenne et l’organisation des élections démocratiques paisibles, ouvertes, transparentes et crédibles, sous l’arbitrage de la communauté internationale. C’est le gage certain d’une paix durable en Guinée, selon les observateurs.

Mais du moment que le gouvernement annonce le financement des élections sur fonds propre (source officielle : les recettes et les dépenses se chiffrent respectivement à 12 482 985 350 000GNF et 16 681 212 473 000 GN), alors que le pays est confronté à un déficit budgétaire (selon la loi des finances 2015 adoptée par l’Assemblée nationale et promulguée par le président de la République le 23 décembre 2014, le déficit budgetaire est de - 4 198 227 123 000 GNF) et attend par conséquent, l’apport extérieur surtout que toutes les recettes douanières et fiscales ont considérablement baissé, les projets miniers gelés, il serait irresponsable de sa part de prendre de tels risques en tentant de jouer au feu, sachant qu'a priori en y jouant, c’est toute la Guinée qui risquerait de s’embraser. De même, l'opposition, en moins d'un an de la tenue des élections présidentielle, communales et communautaires, exiger le départ de tous les membres de la CENI (dans sa plénière du 14 janvier dernier, l'opposition a décidé de mettre le départ de la CENI dans ses exigeneces), pourrait saper considérablement le chronogramme d'exécution des opérations électorales, déjà biaisé, plusieurs fois dans le passé.

 Méditons-y. 

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