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vendredi 26 septembre 2014

Élections locales : une campagne aux allures de « marché de la bourse »

Élections locales, comme maintenant, élections législatives, sénatoriales et la présidentielle, les rendez-vous politiques se succèdent au Congo avec, pour les unes et pour les autres : leur dose de réussite, leurs enjeux ou leur capacité de mobilisation. Au total, cette année, il s’agit d’élire 860 conseillers locaux qui siègeront dans les 111 circonscriptions administratives que compte le pays. Retour sur une campagne qui a vu se succéder meetings et marches avec des candidats aux profils divers et variés.
« J’ai l’impression qu’au Congo l’élection prend des allures d’un marché boursier où l’argent l’emporte désormais sur le profil et les idées des candidats. » Ainsi s’exprimait, l’air indigné, un acteur de la politique congolaise que les circonstances ont voué à une retraite qui ne dit pas son nom.
Une critique sur les nouveaux acteurs qui intègrent le paysage politique congolais comme le laissent voir les locales de 2014. Des acteurs dont le profil contraste avec celui des hommes politiques traditionnellement connus, défenseurs d’idées données, porteurs de projets nobles, acquis à la cause des partis avec un militantisme avéré, etc. Des acteurs politiques dont l’engagement pour la vie des citoyens et l’avenir du pays ressemble à un sacerdoce.
Des traditionnels, des arrivistes et des opportunistes ?
De Makélékélé à Djiri en passant par les sept autres arrondissements de Brazzaville ; de la Likouala au Kouilou, les élections locales de 2014, dont la messe sera dite le 28 septembre, ont sorti différents profils de candidats. 
Parlons d’abord des « traditionnels ». Ces hommes et femmes, activistes de longue date, aux idées affichées et rompus aux batailles politiques et attachés à des partis connus. Même si, pour des raisons diverses, certains ont quitté leurs partis d’origine pour en créer  d’autres. Ces candidats, pour tout dire, sont connus comme tels par les électeurs. Leurs atouts : une présence continue sur la scène, l’aura de leur parti, de leur parrain ou de leur leader.
À côté, on a vu émerger des candidats qui n’ont jamais émargé dans un seul parti ou association politique connus. Des « hommes politiques » dont la force et les arguments sont essentiellement financiers. « Les élections ne sont pas autre chose qu’un marché boursier où il suffit d’avoir son argent pour espérer être coté et arracher des actions. »  Ce sont des arrivistes car « il y a un début à tout. C’est une manière pour eux de se faire découvrir avec la chance d’être cooptés par des grands partis », explique Henoc Bissat, un analyste politique.
L’autre catégorie de candidats que nous a permis de voir cette campagne est constituée « d’opportunistes ». Célèbres dans un domaine d’activité donné, ces Congolais n’ont pas hésité de troquer leur veste pour devenir, sous le soleil, des hommes politiques « porteurs de projets. » Et donc d’espoirs ? Parce qu’ils ont, pour certains, réussi dans le sport, la culture, le business, la religion même, etc., et forts de leur promotion par les musiciens qui scandent leurs noms à chaque strophe de chansons, ces « opportunistes » espèrent recueillir les suffrages du peuple.
Gravitent autour d’eux, ceux que des confrères ont qualifiés de « bouches-trous », un emprunt au jargon de la presse. Leur mission consiste à éviter la honte à des partis en mal de cadres et de militants. Ils ont été sollicités, avec ou sans leur gré, pour allonger des listes et permettre à des partis et associations de faire «bonne figure ».
Cette revue de candidats peut s’arrêter sur « les réservistes » qui grossissent des listes dites de « barrage ». Ceux-ci, estampillés « indépendants », jouent pour « autrui ». Avec la consigne de reverser les fruits de la chasse au parti. L’agir de ceux-ci, comme de ceux-là, rejoint ce que décrivait Henri Queuille : « La politique est le seul métier qui se passe d’apprentissage, sans doute parce que les fautes en sont supportées par d’autres que par ceux qui les ont commises. »
Meetings hier, marche et contacts directs aujourd’hui
Le meeting était considéré jusqu’ici comme le mode opératoire par excellence lors des campagnes politiques. Leur avantage : rassembler autant de militants et sympathisants en un seul endroit et au même moment pour faire passer le message et les rallier à la cause. « Moins onéreux, les meetings servent déjà de sondage. Répondre à l’appel d’un candidat, aller à son meeting, exprime une adhésion à ses idées. Qui va au meeting n’hésiterait pas de voter le jour-J », décrypte un essayiste politique.
Or, de moins en moins les électeurs acceptent de se déplacer. D’où le changement de stratégie qui oblige les chercheurs de suffrages à faire le « porte à porte » pour se faire connaître auprès des votants. « Pierre qui roule n’amasse pas mousse », dit l’adage car  « aucun candidat, en effet, ne peut compter sur les voix des gens qu’il a croisés dans les rues ou à leur domicile. Même quand, par élégance, ils vous ont applaudi et adressé un sourire, rien n’est gagné », avoue un candidat indépendant à Ouesso.
« À la différence des législatives, les locales sont exaltantes surtout dans les grandes villes. Rien que par l’étendue de la circonscription par exemple car il faut sillonner l’ensemble de l’arrondissement. Or pour les législatives, le même arrondissement est divisé en quatre, cinq voire six circonscriptions », a reconnu un candidat en course à Ouenzé. 
Quoiqu’il en soit, la convocation des élections locales pour ce 28 septembre et la campagne qui a précédé, donnent la mesure de ce que « la démocratie est en marche au Congo » avec des acteurs qui doivent faire école et un peuple peu instruit aux enjeux de l’heure et dont la capacité de jugement est mis en cause par l’argent que l’on substitue aux idées. 
Une réalité qui n’échappe pas à un homme : Denis Sassou N’Guesso qui, interrogé par Jeune Afrique, faisait la lecture suivante de la classe politique congolaise actuelle : «Beaucoup de partis politiques sont créés par des jeunes. Nous sommes d’ailleurs en train de les aider à monter en puissance et à s’intéresser davantage aux affaires publiques. De là à parler de la qualité des jeunes hommes et des jeunes femmes qui s’engagent en politique, c’est une autre chose ! » 
Jocelyn Francis Wabout

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