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vendredi 29 août 2014

Dossier : les liaisons dangereuses d’Alpha Condé et leur complicité dans la mauvaise gouvernance ambiante


L’arrivée d’Alpha Condé à la magistrature suprême de la République de Guinée commence à ressembler au roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos « Les Liaisons dangereuses » qui expose les perversions de l’Ancien Régime (qui avait précédé la Révolution Française).  Le roman a inspiré des films, des théâtres, et la musique.   Le rôle du Vicomte de Valmont tiendrait comme un gant à celui qui avait promis aux Guinéens d’être le Mandela et l’Obama de la Guinée, l’Alpha et l’Omega de la renaissance économique et culturelle du pays. Mais les liaisons dangereuses du Professeur semblent le détourner de son objectif initial.  L’appât de richesses minières de la Guinée a été une distraction majeure.  On dit souvent que « l’or rend fou » et comme le montre l’histoire du Far West, cette richesse du sous-sol attire des liaisons dangereuses qui contribuent à propager des comportements hors-la-loi. On dit souvent  « dis moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ».  Les liaisons dangereuses d’Alpha Condé l’ont complètement éloigné de sa vision d’être le Mandela de la Guinée.  Nous analysons ci-dessous les influences et complicités qui ont mené le président guinéen à s’accommoder de la mauvaise gouvernance ambiante.


Les despotes pétroliers de l’Afrique Centrale

Alpha Condé est peut être venu en Guinée « avec des mains propres » mais ses ambitions commerciales rappellent une « course de rattrapage financier ».  Avant d’être « le premier président démocratiquement élu » de la Guinée, Alpha Condé a été fortement influencé par les modèles de gouvernance des despotes pétroliers de l’Angola, du Congo Brazzaville et de la Guinée Equatoriale où le Chef d’Etat d’un régime ultra-présidentialiste est aussi le chef d’un empire politico-financier basé sur les ressources naturelles. Une fois élu, ses fréquentations et amitiés ne concernaient pas les Chefs d’Etat des grands pays voisins de la Guinée ou de la sous-région, mais les membres d’une clique unique de Chefs d’Etats d’Afrique centrale devenus richissimes et politiquement indéboulonnables à cause de leur mainmise sur les industries extractives de leurs pays.  Le président guinéen a plus de liens amicaux avec Sassou Nguesso, Dos Santos et Obian Nguema que ses voisins immédiats Ouattara et Sall dont les actions pourraient avoir plus d’impact sur la population guinéenne.  Ce n’est pas étonnant que la Côte d’Ivoire et le Sénégal, les deux plus puissants voisins de la Guinée, ont récemment fermé leurs frontières avec la Guinée sans états d’âme suite à la crise d’Ebola. 

Malheureusement le président guinéen s’y prend très mal lorsqu’il cherche à émuler son ami Eduardo dos Santos de l’Angola qui a brillamment réussi à allier business familial et succès politique sur la base de la société pétrolière étatique angolaise Sonangol qui sert de « machine à cash » pour le gouvernement angolais.   Grâce au contrôle de Sonangol, Dos Santos a pu s’assurer la plus grande longévité au pouvoir en Afrique (seul le dirigeant de Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema a régné plus longtemps sur son pays).  Afin de copier le modèle angolais, le Professeur Alpha Condé s’est empressé de promulguer un code minier qui exige 35% de participation de l’Etat dans les projets miniers et une loi portant constitution du patrimoine minier et de sa gestion, sous la tutelle de la Présidence.  Le Président a ensuite créé une société guinéenne de gestion du patrimoine minier (SOGUIPAMI) avec pour mandat principal de (i) lever, recevoir, emprunter, placer sur le marché financier ou boursier et gérer des fonds pour financer la recherche géologique et développement du patrimoine minier ; (ii) recevoir des fonds par subventions et transferts, détenir, gérer les actions, les participations, les intérêts financiers et commerciaux de l’Etat guinéen dans les sociétés minières, les sociétés de commercialisation, de marketing, de transport de minerais et de produits dérivés.  Sous le couvert de la SOGUIPAMI, Alpha Condé prendra des prêts au nom de la Guinée dans les conditions les plus opaques (25 millions de dollars des Etats-Unis auprès de Palladino ; 150 millions de dollars auprès de la République d’Angola ; 35 millions du Congo, et d’autres prêts encore non déclarés).  Les révélations de ces prêts secrets par la presse internationale avaient été vite étouffées par les lobbyistes et soigneurs d’images de M. Condé. Les articles commandités de la presse anglo-saxonne continuaient à lui donner une image « Monsieur  Propre » et à vanter ses déclarations trompeuses sur la transparence des contrats miniers, l’unicité des caisses, et son engagement pour la bonne gouvernance.

Le Président guinéen aurait pu être aussi riche que Dos Santos. Ce qui l’a manqué, ce sont les hommes compétents pour traduire sa vision mercantiliste en un empire politico-financier basé sur les mines de Guinée. Entre les crieurs et béni oui-oui de son « RPCé » et les anciens combattants qui se sont reconvertis en hommes d’affaires du « MPLA » il n’y pas photo.  En s’appuyant sur les nominations ethniques, le Président Condé a raté le coche pour devenir le Dos Santos de l’Afrique de l’Ouest. Comparé à l’amateurisme de la SOGUIPAMI d’Alpha Condé, la Sonangol de Dos Santos est gérée avec un professionnalisme qui fait pâlir ses critiques occidentaux. En 2012, la société avait réalisé 46,97 milliards de dollars de chiffre d’affaires (près de 10 fois le PIB de la Guinée), possédait des structures dans le monde entier y compris des antennes à Londres, Houston et Singapour à travers lesquelles elle revend environ 800 000 barils par jour.  Elle est devenue un conglomérat géant (numéro 2 en Afrique) avec une vingtaine de filiales autour de la société mère, Sonangol EP (Exploração e Produção), et est présente dans des activités aussi diversifiées que l’exploration pétrolière, le transport aérien, les télécommunications, les banques et assurances, la formation et la santé, et l’immobilier.

Il faut noter aussi que malgré que Sonangol ait servi à l’enrichissement de Dos Santos et de sa famille, l’effort personnel des membres de la famille et leur compétence à fructifier les avoirs avait joué un grand rôle. Isabelle Dos Santos, la fille ainée de Dos Santos, née en 1973 est devenue une femme d’affaires respectée dans le continent, milliardaire en dollars et considérée la femme la plus riche d’Afrique.  Son mari, Sindika Dokolo, sert dans le conseil d’administration des filiales de Sonangol.  Son jeune frère, Jose Filomeno de Sousa dos Santos dit « Zenu », 35 ans, est propulsé à la tête du fonds souverain lancé en octobre 2012 pour investir dans le développement du pays, dont le capital initial de 5 milliards de dollars doit être abondé chaque année de 3,5 milliards supplémentaires issus des recettes de la vente du pétrole. Beaucoup d’observateurs avaient vu dans cette nomination la mise en œuvre du plan pour préparer le fils à succéder au père.  Contrairement à l’efficacité brutale et la compétence du Clan Dos Santos dans les affaires, le Clan Condé s’est illustré par l’improvisation et l’amateurisme.  Condé a aussi manqué de « baraka » dans ses affaires commerciales. Tous les gros projets miniers multimilliardaires sur lesquels il comptait pour établir un empire politico-financier ont peiné à voir le jour. D’autre part, en 2011, par un concours malheureux de circonstance, le FMI avait mené un audit des finances publiques de l’Angola qui avait révélé l’existence d’un trou de 31,4 milliards de dollars. Ce montant représentait les opérations extrabudgétaires de la Sonangol au profit du parti au pouvoir.  Au vu du tôlé général que le scandale avait soulevé, le FMI avait exigé comme condition de son soutien  une surveillance accrue l’obligation pour l’Etat angolais de présenter en 2013, pour la première fois, un budget incluant les opérations opaques de la société. D’habitude très complaisant envers le Président guinéen, le FMI n’avait pas d’autre choix que d’appliquer la même rigueur sur Alpha Condé en décourageant la création d’une Sonangol minière en Guinée. Lors de sa mission en 2013, le FMI tuera dans l’œuf l’idée d’une SOGUIPAMI fonctionnant comme une branche commerciale de la Présidence.

Les lobbys miniers

Lors d’un point de presse le 14 Septembre 2013, le Professeur Alpha Condé a affirmé : « J’ai dit a Vincent Bolloré, c’est vrai c’est un ami personnel de plus de 30 ans, que s’il ne respecte ses engagements, l’Etat guinéenne n’hésitera pas à annuler son contrat ».  Cette phrase est révélatrice de l’influence des lobbys étrangers sur la Guinée.  Les relations personnelles du Président ont pris le dessus sur l’intérêt de l’Etat.  Contrairement à Sékou Touré ou même Lansana Conté qui maintenait généralement des relations non personnelles mais officielles avec les Etats et les investisseurs, le Professeur Alpha Condé privilégie son réseau d’amis et leurs lobbys.  Au lieu des relations officielles, les rapports de la Guinée avec le reste du monde sont dominés par des relations officieuses avec des amis et des lobbys étrangers. La campagne présidentielle de l’entre-deux tours en 2010 a établi un précèdent dangereux.  Alpha Condé a montré à la classe politique qu’il était possible de conquérir et de se maintenir au pouvoir en s’offrant les services de lobbys étrangers en troquant le patrimoine national contre des soutiens politiques et financiers. Par exemple, le Nouvel Observateur du 23 Mars 2011 rapporte des allégations de la société GETMA selon lesquelles Bolloré aurait soutenu la campagne électorale d’Alpha Condé par le biais de l’agence de communication Euro-RSCG en échange de la promesse d’un contrat de gré à gré sur l’exploitation du port de Conakry.  L’année suivante, c’est la revue Human Events des Etats-Unis qui soutient que les 25 millions de dollars issus du prêt secret de Palladino étaient destinés à financer l’intronisation du Professeur Alpha Condé en Guinée. 

Sékou Touré qui avait jalousement gardé les ressources naturelles de la rapacité des requins miniers devrait retourner dans sa tombe rien qu’à voir ceux qui se réclament ses héritiers idéologiques et ethno-politiques s’accoquiner avec la CIA et la DGSE et composer avec des brasseurs d’affaires et lobbyistes impérialistes de tout acabit pour spolier les ressources du pays contre des avantages financiers à court terme. L’action des lobbys, en l’absence de contrôle parlementaire effectif, a verrouillé le système démocratique du pays au profit du régime en place.  Les miniers préférant un client qui les accommode préfèrent avoir leur pantin aux commandes. 

Les lobbyistes assurent le maintien du régime affairiste en lui donnant une aura de crédibilité internationale.  Au lendemain de l’intronisation d’Alpha Condé, Georges Soros avait accouru à Conakry pour féliciter « son » candidat victorieux. La visite était couronnée par une conférence de presse tenue à la case Belle Vue au cours de laquelle Georges Soros avait déclaré : « d’ici le 6 Mars une équipe canadienne sera à Conakry pour faire une étude de faisabilité afin de trouver une solution au problème d’électricité en Guinée.  Nous pensons que dans six mois l’électricité sera fournie dans les conditions normales. Nous allons viser les zones peuplées tel que Conakry et ses environs. »  Au lieu de la Philanthropie espérée, c’est plutôt le brasseur d’affaires que les Guinéens ont eu.  Soros n’a pas joué le rôle de mécène désintéressé, mais en tant que patron d’un empire financier reposant sur les Hedge Funds et la spéculation financière.  Il est celui qui a eu l’exploit de précipiter la crise financière Asiatique de 1997 et qui a acquis la réputation de « l’homme qui a mis genoux la Banque d’Angleterre » en 1992 que les Guinéens ont eu.  Sous le couvert de la philanthropie, Soros a infiltré et caporalisé l’appareil de décision de l’Etat en devenant un conseiller bénévole et un lobbyiste incontournable du cercle Présidentiel et en aidant Alpha Condé à intégrer les milieux politiques et affairistes. 

Avec l’entremise de Soros, Tony Blair a été recruté par le Professeur Alpha Condé pour donner des services de lobbying  et de «consultant en image de marque » qu’il octroie à des dictateurs et monarques peu portés sur la démocratie (notamment Nousourlan Nazarbaeiev du Kazakhstan et les monarques du Koweït et des émirats arabes unis). Selon le journal britannique « The Telegraph », Tony Blair avait signé le deal pour servir de conseiller-lobbyiste pour Alpha Condé au même moment où la Guinée signait un deal avec Mubabala (qui emploie aussi Tony comme conseiller).  C’est sous le regard plutôt bienveillant de ces chantres de la bonne gouvernance que les contrats opaques se sont multipliés, que les prêts secrets ont été consentis, que les 700 millions de dollars de Rio ont été bradé, que la Guinée a perdu toute crédibilité dans le secteur minier.

Les réseaux émiratis

Les émiratis sont rentrés par la petite porte en Guinée le 28 Avril, 2005 lorsque la société Dubal avait signé un accord pour l’acquisition de 25 pourcent du capital du projet Global Alumina Corporation (GAC) et le droit d’achat de 25 pourcent de sa production.  Dès son arrivée au pouvoir, Alpha Condé réalise le potentiel d’une liaison dangereuse of les milieux d’affaires des émirats.  Il essaye de vendre clandestinement à Mubadala une partie des actions (49 pourcent) que l’Etat guinéen détient dans la Compagnie des bauxites de Guinée.  Devant le tôlé que l’ébruitement de l’affaire avait causé, il recule mais trouve une autre porte d’entrée pour les émiratis.  L’annonce du départ de BHP Billiton en 2012 offre l’opportunité idéale.  En Décembre 2012, GAC rachète les actions de BHP-Billiton, augmentant du coup son capital de 33,3 pourcent à 66,7 pourcent. Ensuite, en Mai 2013, le régime d’Alpha Condé autorise à GAC de céder tous ses intérêts dans le projet à deux conglomérats du gouvernement émirati : Dubaï Aluminum Co (Dubal) et Mubadala Development Co.  Ces deux entités créent une société de holding qui payera à GAC la bagatelle de 2 milliards de dollars au moment de la signature de l’accord  et 36 millions de dollars à la conclusion du marché.  Le gouvernement qui crie au scandale à propos de la cession par BSGR des actions de Simandou 1 et 2 à Vale contre 2,5 milliards de dollars d’investissement, ne trouve rien à redire sur cette vente.  Au contraire, son porte-parole Damantang Camara, n’avait pas tardé de pavoiser : « ce marché ouvre de meilleures possibilités pour le projet. Il va accélérer la construction de la raffinerie ».  Par la suite, tout le gratin gouvernemental s’était rendu aux Emirats pour des affaires avec leurs nouveaux amis.  C’est le plat froid du projet GAC que le gouvernement va réchauffer à temps pour les élections législatives pour annoncer de « nouveaux » investissements émiratis imminents de l’ordre de 6 milliards de dollars.  Les guinéens avaient, comme d’habitude, gobé l’effet d’annonce pour renouveler leur confiance au RPG lors des élections législatives.

Par la suite les liens du cercle présidentiel avec les émiratis se sont renforcés.  La ligne Emirates a commencé à desservir Conakry sans raison commerciale apparente.  Le gouvernement émirati a aussi consenti des fonds de l’ordre de 35 millions de dollars, officiellement pour aider l’agriculture, mais en réalité pour servir la campagne d’Alpha Condé destinée à éblouir les populations à l’approche des élections présidentielles.  D’autres liens commerciaux occultes se sont développés, et ceci explique peut-être pourquoi les fonds de la Banque centrale avaient comme destination une banque de Dubaï. Ceci arrange les affaires louches, car Dubaï est reconnue dans les milieux financiers comme l’un des plus grands centres de blanchiment d’argent du monde, malgré les efforts du gouvernement émirati sur papier, notamment les législations contre blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.  D’ailleurs, Dubaï est sous la loupe des autorités américaines et françaises.  C’est d’une banque de cette ville que les attaques terroristes du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis avaient été financées.  Le Département du Trésor surveille les mouvements de fonds destines à Dubaï afin d’empêcher le financement du terrorisme.  L’ONG Global Witness estime qu’une grande quantité d’or clandestin se retrouve dans cette ville.  De leur côté, les Nations Unies et la Banque mondiale soutiennent que le butin des pirates somaliens trouve refuge à Dubail.  D’autres sources indiquent que les recettes de la vente illégale d’héroïne de l’Afghanistan sont aussi recycles à Dubaï. 

La Banque centrale des émirats essaye de combattre les mouvements illicites de fonds à travers la Anti-Money Laundering and Suspicious Cases Unit, mais chaque année se traduit par une augmentation des cas.  En 2009, ce bureau avait identifié 1 729 cas de mouvements illicites de fonds, ce qui était une augmentation de 42% par rapport à l’année précédente.  Il suffit pour un homme d’affaires étranger de trouver un partenaire local qui souscrit 51% du capital pour monter une société-écran et se lancer dans des activités de blanchiment d’argent.  En 2008, les autorités avaient exigé aux institutions financières d’enregistrer les détails de tout transfert bancaire supérieur à 2000 dirhams, mais le système financier est toujours une passoire.  En décembre 2013, un audit de la Banque de Kabul avait révélé un trou de 1 milliard de dollars qui représentait les fonds volés dans le programme de l’assistance américaine et qui sont recyclé pour une grande part à Dubaï.  La mafia russe et ukrainienne a trouvé dans les failles du système financier de Dubaï un terrain idéal pour prospérer leurs affaires de blanchiment d’argent.  Des appels de responsables européens et au sein du G8 se font de plus en pressants pour mettre les émirats sur la liste noire des pays à haut risque de blanchiment de fonds et de financement du terrorisme.  Des appels de responsables européens et au sein du G8 se font de plus en pressants pour mettre les émirats sur la liste noire des pays à haut risque de blanchiment de fonds et de financement du terrorisme. 

Les ambassadeurs des Etats-Unis et de la France

Avec le quitus permanent de ces deux puissances étrangères, la fraude électorale et les violations des droits de l’homme sont garanties d’impunité.  Par exemple, malgré les exactions des forces de sécurité et violations des droits de l’homme durant les manifestations politiques, lors  de la célébration de la fête du 14 Juillet en 2012, l’Ambassadeur de la France avait salué les « efforts remarquables accomplis dans le cadre de la Réforme du Secteur de la Sécurité » et avait assuré que la France «  restera aux côtés des forces armées guinéennes dans cette entreprise de refondation du lien Armée-Nation. »  Quant à l’Ambassadeur américain, il était devenu si proche du pouvoir qu’on l’appelait Laskaris Condé à Conakry.  Il ferme les yeux sur les problèmes de gouvernance et ne tarit pas d’éloges sur le comportement des forces de sécurité.  Dans une déclaration du 30 Septembre 2013, il appelait les Guinéens à accepter les résultats controverses de la CENI alors qu’une bonne partie de l’opinion les considéraient non-conformes à la vérité des urnes. Il félicitait les forces de sécurité qui, selon lui, avaient « contribué à faciliter le vote  dans les 12.000 bureaux de vote, et ont apporté un soutien efficace tout en garantissant les droits de tous les électeurs. »  Rejetant d’un revers de main les revendications de l’Opposition, il avait déclaré avant même que la cour suprême se prononce que le vote était « libre, équitable et inclusif » et que tout défaut était imputable à des « problèmes techniques et logistiques résultant de l'état déplorable des infrastructures en Guinée » qui avaient, selon lui, affecté toutes les parties de manière égale.

Le Fonds monétaire international (FMI)

Comme les puissances occidentales, le FMI a aussi succombé au charme du président dès sa venue au pouvoir.  L’appui au président vient d’abord sous forme Facilité élargie de crédit (FEC) approuvée le 24 février 2012 suivie de l’obtention du PPTE en Septembre 2012.  La Guinée qui se faisait recaler depuis 2000 et qui restait le rare (sinon le seul) pays de la sous-région à ne pas pouvoir passer ce cap, s’attire une compassion qui frisait la complaisance de la part du FMI.  Peu avant la soumission à l’examen du PPTE, lors de sa mission en fin juillet 2012, le Chef de Mission, M. Harry Snoek avait déclaré : « la vitesse par laquelle la Guinée a respecté le plan d’action, de mon expérience, je n’ai pas vu encore un pays qui a travaillé comme ça (…) l’héritage de deux ans et demi de la gestion militaire de 2009-2010 n’était pas seulement catastrophique dans le cadre macroéconomique mais c’est comme si le tremblement de terre avait secoué le pays. »  Ironiquement, M. Snoek faisait ces remarques aux côtés de son ami, le Ministre des Finances durant la période qu’il qualifie de « tremblement de terre » budgétaire.  Sous la gestion de Kerfalla Yansane durant la transition, la Guinée avait accusé une augmentation du  déficit budgétaire de plus 300% (le déficit budgétaire était passé de 1994 milliards à 6500 milliards de francs guinéens entre décembre 2008 et décembre 2010), alors que l’inflation grimpait à 15,5%.  Malgré cette gestion calamiteuse des finances, le Ministre est reconduit sous Alpha Condé. Avec les satisfécits du FMI, il est consacré en 2012 comme le Meilleur Ministre des Finances de l’Afrique.

La Guinée obtient finalement le PPTE (avec quelques dérogations) le 26 septembre 2012. C’est la consécration pour le régime. Par la suite le Le Président de la République, exploitera à des fins politiques l’obtention du PPTE. Lors des fêtes de l’Indépendance en Octobre 2012, il déclare : « nous devons remercier nos partenaires bis et multilatéraux. Car, sans leur accompagnement, la Guinée ne pourra pas se développer comme Dieu l’a voulu en nous donnant une terre fertile et des ressources minières importantes (…) ceux qui ont mis le pays à terre, qui ont utilisé ces trois milliards pour se construire des châteaux et acheter des maisons partout, ils ont tout fait pour qu’on n’ait pas le PPTE, on l’a eu. Ils veulent aussi nous bloquer pour qu’on n’ait pas le 10ème FED de l’Union européenne… »  Cette récupération politique sera amplifiée par les pontes de son parti et son gouvernement.  Selon M. Alhousseine Makanera Kaké, membre du comité central du RPG-Arc-en-ciel, « Les Institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale, ont donné un quitus à la Guinée pour dire que le pays est bien géré.  Notre économie se porte bien. Il y a un progrès remarquable. »  Saloum Cissé, le Secrétaire General du Parti Présidentiel, clamait partout que le Professeur a réussi en deux ans là où ses opposants ont échoué pendant vingt ans et que « dans un avenir très proche, la Guinée va briller de mille feu ». Toujours dans la flagornerie habituelle, l’Imam Premier Ministre déclare à propos du Professeur : « Alpha Condé n'était pas là. C'est nous, pour la plupart qui étions-là. Nous avons détruit ce pays. Nous nous sommes construits des villas. Nous nous sommes construits des retraites dorées ailleurs qu'ici. Il est venu. Nous avons certainement ambitionné nous aussi d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative PPTE, nous ne l'avons pas pu. Lui, il l'a pu en deux ans. » 


Le FMI continue de donner son quitus au gouvernement malgré les problèmes évidents.  Tout récemment, c’est le représentant du FMI, Monsieur Abdel Aziz Wann, qui a réchauffé le plat déjà froid du PPTE et la facilité élargie de crédit en déclarant: « le programme conclu avec les institutions de Bretton Woods est bien respecté et tous les critères sont atteints…C’est la première fois que la Guinée mène à bien un programme économique ».  On parle de réduction budgétaire significative alors que l’Etat dépensait à tours de bras : 36000 tonnes de « riz jaune » aux couleurs du RPG distribuées à 160.000 francs guinéens par sac de 50 kg et à ceux qui prêtent allégeance au parti ; subvention à hauteur de 129 milliards par mois sur les produits pétroliers ; fonds de 20 milliards de francs guinéens pour l’entreprenariat féminin et un autre de 10 milliards pour la promotion de l’emploi des jeunes ; 200 milliards de francs pour la campagne agricole ; des millions des dollars pour des routes ; 1 milliard de dollars pour l’électricité.  Le gaspillage massif sans résultats (à cause d’une gabegie financière organisée) n’émeut point le FMI.  C’est durant la  période des plus grands satisfécits du FMI que la Guinée a enregistré sa plus faible performance économique (à peine 3,5% de croissance annuelle moyenne et une inflation supérieure à 9%).

Conclusion

La communauté internationale, et particulièrement le FMI, à une responsabilité fiduciaire dans la gestion des finances publiques de la Guinée.  Le FEC que l’institution a consenti est un prêt pour aider la Guinée à surmonter les difficultés prolongées de balance des paiements.   Par définition le transfer de capitaux comme les quelques 80 millions de dollars que la BCRG admet d’avoir transporté à Dubaï affectent la balance des paiements.  Il est utile ici de rappeler la similitude de la situation en Guinée à celle qui avait abouti au « Rapport de Blumenthal ». En 1978, suite à des malversations sur des devises à la Banque centrale du Zaïre par le kleptocrate Mobutu et son clan, le FMI avait mandaté Ervin Blumenthal, ancien membre du Directoire de la Bundesbank, de travailler à la Banque centrale du Zaire pour empêcher la clique de Mobutu de piller les devises étrangères du pays. Mais en moins d’un an Blumenthal devra quitter le pays suite à des menaces de mort de la part des généraux dans le cercle restreint de Mobutu, en particulier le chef de la garde personnelle du dictateur.  Avant de quitter le pays, il rédigea un rapport confidentiel pour ses supérieurs (« le Rapport Blumenthal ») dans lequel il détaillait les pratiques mafieuses de la part de la « bourgeoisie politico-commerciale zaïroise » au sein de la Banque centrale.   Pour Blumenthal, le régime de Mobutu était dans un puits sans fonds, mais le FMI et les puissances occidentales avaient plutôt fermé les yeux et continué à soutenir le régime. 

Les séquelles de la mauvaise gouvernance ainsi que les frustrations accumulées au cours du règne de Mobutu avaient mené à une guerre civile qui a été la plus meurtrière que le monde ait connue depuis la deuxième guerre mondiale: 5,4 millions de victimes et plusieurs millions de réfugiés.  Du fait de la complaisance de la communauté internationale envers les pratiques prédatrices du Clan Mobutu, le  Congo, malgré son énorme potentiel minier et énergétique, est devenu un pays misérable englué dans l’instabilité politique,  la pauvreté, et la misère de la maladie d’Ebola.   Il est toujours temps de rectifier le tir pour éviter à la Guinée le même sort.

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