Pages

jeudi 31 juillet 2014

TRAGEDIE NATIONALE DE ROGBANE : Les responsabilités et la culpabilité des uns et des autres

Après le drame du 1er janvier dernier à la plage de Lambanyi, une autre plage de Conakry endeuille la Guinée. Cette fois, c'est celle de Rogbane, à Taouyah, dans la même commune de Ratoma. A l'occasion d'un concert organisé par la structure Moeurs Libre Prod et programmant les groupes Banlieuzart et Instinct Killers, une bousculade a entrainé la mort d'au moins une trentaine de personnes, dont en majorité des jeunes.
Bien qu'une enquête soit déjà en cours, beaucoup d'observateurs mettent en cause la responsabilité des organisateurs.
Même si au-delà, les raisons peuvent être multiples et variées. Comme il aurait fallu s'y attendre en pareille circonstance, les
autorités ayant appris le drame tard dans la nuit, ont décrété une semaine de deuil national. Dans la même dynamique, les plages sont de
nouveau fermées et le directeur général de l'Agence guinéenne des spectacles (AGS) suspendu dans la foulée. 
La présidence de la République a également instruit le procureur général du Tribunal de première instance de Dixinn de diligenter l'enquête devant situer les
responsabilités. Enfin, conscient de la gravité de ce qui vient d'arriver, le chef de l'Etat convoque même un conseil extraordinaire
des ministres à 13 heures, au palais Sékhoutouréyah.
Plus de monde qu'il n'en fallait 
Justement, bien avant même les résultats de cette enquête à laquelle
peu de personne accorde d'ailleurs du crédit, on pointe du doigt le
peu de responsabilité des organisateurs. Ils semblent s'être davantage
préoccupés de ce qu'ils tireraient du concert que de la sécurité du
public qui y venait. C'est ainsi qu'ils ne se seraient nullement
préoccupés de l'adéquation entre la capacité d'accueil de plage et le
nombre de tickets vendus. Tous ceux qui y étaient et qui en sont
heureusement revenus indemnes notent le fait qu'il y avait plus de
personnes qu'il n'en fallait. 
Un connaisseur du milieu, se confiant à nos confrères d'Espace FM, a indiqué que les organisateurs, cédant à
la grande affluence aux abords de la plage, auraient vendu même des tickets de concerts passés. Or, cette attitude semble être la cause
principale de l'accident. En effet, la bousculade dont tout le monde parle semble résulter de la rencontre entre le public qui, ayant suivi
le spectacle, voulait sortir et de celui, lassé de s'arrêter dehors,
voulait aussi entrer. La seule issue étant exigüe, les gens se sont
bousculés, les plus faibles se retrouvant naturellement au sol, sont
piétinés, asphyxiés, et tués d'inanition
L'autorité de l'Etat bafouée
Cet autre accident malheureux est aussi la preuve que l'autorité de
l'Etat n'est pas toujours invoquée quand il le faut. Très souvent, à
la veille d'une manifestation politique hostile au pouvoir en place,
les responsables au plus haut niveau sont promptes à brandir
l'argument du respect de l'autorité de l'Etat. Or, ce qui s'est passé
hier à Rogbane est l'illustration parfaite de l'absence même de cette
autorité ou, en tout cas, du peu de sérieux avec lequel les
populations la conçoivent. 
Il semble en effet que les services de sécurité n'ont aucunement été associés à l'organisation du concert. Le
président de la délégation spéciale de la commune de Ratoma, même s'il n'était pas forcément convaincant, lui aussi déclare qu'il n'était pas
informé. A supposer que tous aient raison, cela reviendrait à dire que
les organisateurs ne sont pas passés par toutes les structures
habilitées pour réunir tout ce beau monde à la plage. Et s'ils l'ont
fait, ces structures, incarnation de l'autorité de l'Etat, n'auraient
pas joué tout leur rôle. En gros, parce que les citoyens profitent du
manque d'efficacité des institutions, quelques 34 fils du pays
viennent de partir à la fleur de l'âge.
Le règne de l'impunité
Une autre responsabilité qui incombe à l'Etat, c'est celle en rapport
avec l'impunité. On en parle en longueur de journée, mais la pratique
ne changeant pas, voilà que le pays est de nouveau plongé dans une
tragédie. En effet, rappelons-nous que le 1er janvier dernier, c'est
le même type de drame que la Guinée a enregistré sur la plage, cette
fois-là, de Lambanyi. Après le constat de la dizaine de victimes, on
avait feint la même émotion que celle baigne aujourd'hui sur le pays.
Le gouverneur de la ville de Conakry d'alors s'était empressé de
suspendre la fréquentation des plages. On avait annoncé le début d'une enquête. Sept mois après, qu'en a-t-on tiré ?
Rien. Qui avait fait quoi pour que l'accident se produise ? Personne
ne le sait. Personne ne se souvient d'ailleurs de la date à laquelle
la mesure de suspension des plages a été levée. Naturellement,
personne ne saurait dire si cette mesure avait été précédée de
décisions ou de recommandations allant dans le sens d'une meilleure
gestion de ces sites. 
Comme c'est souvent le cas dans ce pays, les enquêtes servent à calmer les victimes et les dénonciateurs. << Les
enquêtes étant en cours, on ne peut rien dire >>, clame-t-on souvent.
Avec le temps, tout le monde oublie et la routine reprend de plus
belle.
La démission parentale
Mais ce qui est malheureusement arrivé sur la plage de Rogbane n'est
pas de la responsabilité que de l'Etat. C'est toute la société
guinéenne qui est interpellée. Parce que c'est une société pour
laquelle l'argent est de plus en plus la donnée première, voire
unique. C'est notamment ce qui fait que personne n'est offusqué quand,
à l'occasion de concerts comme celui d'hier, on vend de la bière aux
enfants dont pour certains, il est évident qu'ils n'ont pas la
majorité. C'est la même chose qui sous-tend le fait qu'aucun
organisateur ne penserait à exiger les cartes d'identité devant
l'entrée d'un site auquel les mineurs n'ont, à priori, pas accès. Mais
de tous les pans de la société guinéenne, la responsabilité des
parents est à ce niveau, des plus éloquentes. Evidemment, on sait
qu'il y a une sorte de crise sociétale qui fait que les parents n'ont
pas toujours de prise sur les enfants. Surtout que dans certains cas,
le concert d'hier était la toute première occasion de célébrer la
réussite à l'examen de fin d'année. Mais quand des tout petits se
mettent à trois ou quatre sur une même moto, ou qu'un gosse emprunte le
véhicule de papa ou maman, pour y mettre copines et amis, c'est que
l'encadrement familial est marqué par une certaine légèreté. Une
démission que la précarité ambiante ne saurait, à seule, justifier ou
excuser.

 

 

  • relative à l’audition du capitaine Moussa Dadis Camara. Une frénésie qu’on a du mal à s’expliquer, dans la mesure où la démarche visant à entendre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire