Les ressortissants subsahariens vivant en Mauritanie se sentent discriminés au sujet de la carte de séjour, selon plusieurs témoignages que Alakhbar a recueillis auprès d’eux.
Les autorités de Nouakchott ont réaffirmé, à plusieurs occasions, que la carte de séjour concerne « tous les étrangers vivant en Mauritanie ».
Toutefois beaucoup de subsahariens estiment être la seule cible des
récentes arrestations, détentions et reconduites à la frontière faute de
carte de séjour.
L’Authentique quotidien, dans son numéro 1776, jeudi 7 mars 2013 a écrit : «
Face à la recrudescence des rafles et des reconduites systématiques aux
frontières (….) c’est surtout le sentiment de vivre une véritable
ségrégation qui ronge les immigrés africains, qui remarquent que les
étrangers arabes sont épargnés et qu’ils sont les seuls à être traqués ».
Le 11 février 2013 vers 18 heures, la Police a arrêté, prés de la
Polyclinique (Nouakchott), un jeune subsaharien qui était en possession
de son récépissé pour la carte de séjour. Le 12 février, un Sénégalais,
qui venait d’effectuer deux jours en Mauritanie, a été arrêté, détenu au
commissariat Tevragh Zeina I puis reconduit à la frontière.
Lundi 25 février, 30 étrangers venant de différents pays subsahariens
ont été reconduits à la frontière avec le Sénégal à bord d’un bus, selon
le correspondant de Alakhbar à Rosso. Le 27 février, une source
sécuritaire à informé à Alakhbar de l’arrestation et détention de cinq
maliens au commissariat d’El mina III et de 10 étrangers subsahariens au
commissariat de Tevrag Zeina II.
Dans la nuit de samedi 9 à dimanche 10 mars, la Police a intercepté un
couple ivoirien, avec ses trois enfants, à la sortie d’un restaurant de
la place et les a conduits au commissariat de Tevragh Zeina I.Tous
ceux-ci sont reprochés soit de ne pas avoir une carte de séjour soit de
ne pas aller payer pour la récupérer
Un diplomate subsaharien a souligné à Alakhbar que les dernières
reconduites à la frontière c’étaient vers la frontière sud-ouest ont été
faites « sans assistance consulaire » ce qui a empêché de connaitre le
nombre de concernés par leur autorités diplomatiques.
Les autorités mauritaniennes n’ont d’ailleurs adressé qu’une seule note
verbale aux représentations diplomatiques sur la question de la carte de
séjour. C’était le 13 mai 2012 sur demande des ambassadeurs de la
Gambie, du Mali et du Sénégal, « pays privilégiés », selon ladite note
laquelle informait l’allégement des formalités d’obtention de la carte
de séjour.
Il y a par la suite la réaction du ministre mauritanien de l’Intérieur
en faveur des ivoiriens. En avril 2011, Mohamed Ould Boilil a rappelé au
directeur général de Sûreté de Nouakchott que les Mauritaniens
circulent librement en Côte d’ivoire avec leur carte consulaire. Le
ministre a été auparavant saisi, à travers celui des Affaires
étrangères, par le consul honoraire de la Côte d’Ivoire. Tidiane
Diagana, a rappelé que la Mauritanie est sortie de la CEDEAO depuis
2000, mais ses ressortissants bénéficient toujours de la liberté de
circulation des personnes et des biens.
Le consul a montré lors d’une rencontre, vendredi 15 mars 2013, avec les
ressortissants ivoiriens en Mauritanie, une carte de séjour d’un
Mauritanien établi en Côte d’ Ivoire. Une carte obtenue après que
l’interessé a présentaté une carte consulaire et un timbre de 500 francs
CFA (300 Ouguiyas).
Hormis ces exceptions, les autorités mauritaniennes ont court-circuité
les représentations diplomatiques en touchant directement les
représentants des associations des communautés étrangères sur la
question de la carte de séjour. Plus de cinq rencontres ont réuni ces
derniers avec des autorités mauritaniennes à la Wilaya de Nouakchott.
Mais "seuls des ressortissants subsahariens ont été convoqués",
protestent ces derniers.
Les première rencontre a été tenue, jeudi 24 mai 2012, pour annoncer
l’allégement des formalités d’obtention de la carte de séjour. Seuls des
ressortissants subsahariens ont été présents.
La deuxième réunion a eu lieu le mercredi 4 juin 2012. Le Wali a déclaré
au cours de cette rencontre : « On est loin des 150 personnes enrôlées
chaque jour au début de l’opération (...) Il faut donc plus de
sensibilisation de vos compatriotes ». Le wali s’adressait aux seuls
ressortissants subsahariens présents.
La troisième rencontre, mardi 3 juillet 2012, a été reportée par le
wali-adjoint, Mohamed Ould Teyib après que les subsahariens ont demandé :
« Pourquoi sommes-nous les seuls à être toujours convoqués ? ». Ould
Teyib a aussitôt pris son téléphobe et demandé à la Police de faire
assister les absents à la prochaine rencontre.
A ladite prochaine rencontre, organisée dimanche 9 septembre 2012, seuls
deux ressortissants de pays arabes dont un Syrien sont venus. Les
autres étrangères présents ont été tous des subsahariens. Etaient
présents aussi, le directeur régional de la Sûreté, le directeur général
adjoint de L’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres
Sécurisés (ANRPTS) et le ministre mauritanien de l’intérieur, Mohamed
Ould Boilil, lequel a annoncé durant la réunion la gratuité de
l’obtention de la carte de séjour. Le wali a, à son tour, expliqué que
"la contrainte financière, c’est-à-dire les 30 000 Ouguiyas de
quittance, a été levée(…) ». Et « désormais, la carte est délivrée 72
heures après le dépôt », a ajouté le directeur général adjoint de
l’ANRPTS. Ce délai de 72 h de n’a jamais été respecté.
Le journal Horizon (officiel) qui est revenu sur la rencontre a écrit
dans son numéro 5833 du 10 septembre 2012 : « Les étrangers résidant en
Mauritanie sont exemptés, pendant un mois, de la taxe de séjour, a
annoncé le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation. » (voir
Ami et Cha’ab, cependant le numéro 5833 semble être supprimé des
archives de ami.mr) La nouvelle va faire le tour des foyers des
étrangers lesquels ont rué vers les trois centres d’enrôlement. Depuis,
Il y a eu, devant ces centres des files indiennes, des bousculades, des
bagarres de positionnement dans les rangs, des rackettes menées par des
agents chargés de l’opération et par des forces chargées de la sécurité,
des cas d’évanouissements (deux femmes le 11 septembre 2012) et à un
mort, le 16 octobre 2012.
Dimanche 29 janvier 2013, le wali de Nouakchott a convoqué à une
nouvelle rencontre à laquelle seules les communautés étrangères
subsahariennes ont été présentes. Et le wali a annoncé : « Les cartes de
séjour sont disponibles et qu’elles peuvent être retirées à partir du 3
février, mais contre payement de la somme de 30 000 UM (…) », lit-on
dans La Nouvelle Expression (N° 171, 3 février 2013). Et à la question
d’un participant : « Pour quoi vous nous aviez-vous dit que tout était
gratuit », le wali a répondu : « C’était une erreur de communication ».
Cette erreur de communication n’a pas épargné les deux présidents
sénégalais et mauritanien. Macky Sall, en visite, dimanche 16 septembre
2012 en Mauritanie, a remercié son homologue Mohamed Ould Abdel Aziz
pour la gratuité de la carte de séjour. Etonné, Ould Abdel Aziz lui a
répondu qu’elle n’a jamais été gratuite. Le président mauritanien s’est
ensuite tourné vers son ministre de l’Intérieur qui était à ses côtés
lui demandant des explications. Et Ould Boilil a répondu que c’est le
dépôt qui est gratuit et non le retrait.
« Par ce leurre, les autorités mauritaniennes ont poussé beaucoup
d’étrangers à aller s’entasser devant les centres d’enrôlement. Mais
qu’est ce qu’elles vont encore inventer pour que les gens payent 30 000
UM pour retirer leur carte ? », s’énerve un étranger.
Dans le même contexte, L’authentique quotidien a écrit dans son N° 1776,
jeudi 7 mars, que les étranges « se disent floués par l’annonce
préalable du gouvernement mauritanien qui avait levé la taxe de 30.000
UM pour la carte de séjour ».
L’on souvient qu’avant l’annonce de la gratuité de l’obtention de la
carte un nombre d’étrangers, notamment des chefs de famille, avaient
commencé à quitter le pays jugeant « trop chère la quittance de 30 000
UM ».
Par ailleurs Alakhbar a appris de source informée que le Mali a décidé
d’appliquer la réciprocité en imposant une carte de séjour à 75 000 CFA
(45 000 ouguiyas) aux ressortissants mauritaniens sur son territoire
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