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jeudi 30 juin 2016

Coupe abusive de bois dans la région de Zigninchor : un pillage sino-gambien soutenu par les bandes armées

Le phénomène de la déforestation à outrance en Casamance, ce n’est pas qu’à Médina Yoro Foulah, dans le Fouladou. Le trafic illicite de bois est aussi perceptible dans la région de Ziguinchor. Contrairement à Kolda (Fouladou), où le Vène est la denrée la plus prisée, à Ziguinchor, les trafiquants ont jeté leur dévolu sur le caïlcedrat, de son nom scientifique Khaya Senegalensis. Profitant de l’insécurité dans la zone, les trafiquants ont impliqués les bandes armées dans l’exploitation illicite pour mieux satisfaire la clientèle chinoise établie en Gambie.
A l’instar de la région de Kolda, la coupe abusive de bois est une réalité à Ziguinchor. Dans le département de Bignona et sur l’axe Diouloulou-Sindia, les trafiquants sont impitoyables… pour les arbres. L’inspecteur régional des Eaux et forêts de la région, Commandant Djimanga Diedhiou, soutient que cette pratique nocive à l’environnement est renforcée par la rébellion dans cette partie méridionale du pays. «La crise sécuritaire crée les conditions favorables au pillage des ressources. Dans les zones où se trouvent les bandes armées, les trafiquants sont de connivence avec les mouvements rebelles. Cette situation est visible tout le long de la frontière avec la Gambie», dit-il.
Dans la région de Ziguinchor, le caïlcedrat, ce grand arbre, géant aux vertus thérapeutiques, reste l’espèce la plus prisée. Mais, à cause donc de cette insécurité, les agents des Eaux et forêts ne peuvent pas accéder aux zones de coupe. Le Commandant Djimanga Diedhiou informe, toutefois, qu’ils sont souvent appuyés dans la lutte par les forces militaires pour installer la peur chez les braconniers et trafiquants.
112 INTERPELLATIONS DONT 12 EMPRISONNEMENTS
Depuis le mois de janvier 2016, au total 112 personnes ont été interpellées. 12 parmi eux ont été placées en garde à vue: 3 des condamnés sont de nationalité gambienne, 4 sont de la République de Guinée et 5 sont du Sénégal. Pour l’inspecteur régional des Eaux et forêts de la région de Ziguinchor, les populations autochtones ont aussi une part de responsabilité dans ce pillage de la forêt du Sud. Elles sont complices, en hébergeant les trafiquants chez-eux. Certains villageois aussi vendent les arbres qui se trouvent dans leurs champs aux braconniers qui sont, dès lors, libre de procéder à la coupe.
Pour lutter contre cette complicité des populations, le Commandant Djimanga Diedhiou plaide pour la mise en place de projets de développement. Il cite, comme l’exemple, l’aménagement de la forêt de Kalounaye qui permet à plusieurs pères de famille de s’adonner à la fabrication du charbon de bois. Formés en technique de coupe et de gestion financière, ils s’occupent de la forêt et mènent en même temps leurs activités génératrices de revenues.
UN TRAFIC ESSENTIELLEMENT DIRIGE PAR LA GAMBIE
L’implication de la Gambie dans le trafic de bois en provenance de la Casamance n’est plus à démontrer. A Ziguinchor, l’inspecteur régional des Eaux et forêts, Djimanga Diedhiou se désole de la situation. En effet, dit-il, les trafiquants cachés dans ce pays sont souvent de connivence avec les bandes armées. De ce fait, ils achètent le bois coupé illégalement par ses hommes de la forêt. L’insécurité aidant, les agents des Eaux et forêts ne parviennent pas à accéder aux zones de crime. Aussi, la porosité des frontières et l’absence de contrôle au sortir du territoire sénégalais aidant, le bois se retrouve facilement entre les mains des chinois installés au pays de Yahya Jammeh.
La situation est d’autant plus critique informe, l’inspecteur des Eaux et forêts de la région de Ziguinchor. Et comme pour corser la dose, la falsification des permis de circulation du bois, complique la lutte contre le fléau. Dans ce pays voisin, tout comme du côté des rebelles, il est délivré des faux permis de circulation (estampillés Sénégal) aux trafiquants. Pis, les bandes armées qui s’activent dans le trafic ont aussi leur propre sésame qui attesterait de la légalité de la pratique. Le rôle joué par la Gambie dans ce pillage organisé se vérifie aussi, selon le Commandant Djimanga Diedhiou, par les nombreux camions avec l’immatriculation gambienne, arrêtés alors qu’ils étaient en plein convoyage du bois. 10 camions ont été saisis, les 4 sont équipés de grue. Et, 3 de ces gros porteurs ont été arrêtés cette année. 122 charrettes ont été mises aux arrêts. La zone de fort trafic est l’axe Diouloulou-Sidian, zone situé à quelques encablures de la Gambie.
MANQUE DE MOYENS DES EAUX ET FORET : La fausse note de l’action étatique
Le local qui abrite la Direction départementale des Eaux et forêts de Bignona est dans un état de délabrement très avancé. Fait de banco, la bâtisse résiste difficilement à cause de son âge. Elle est construite depuis l’époque coloniale, dit-on. De petites pièces constituent les bureaux. Les toilettes sont dans un état qui ne donne pas envie au visiteur de se soulager. La maison d’un des responsables qui loge tout prés des lieux est, elle aussi, dans un délabrement total.
Cette photographie de service départemental en dit long sur le manque de moyen des agents des Eaux et forêts appelés à faire face à cet appareil organisé de déboisement de la dernière réserve forestières du Sénégal, avec la complicité ou implication de la Gambie, deuxième exportateur ouest africain de bois de Vène vers la Chine après le Nigéria.
En plus de ce manque de locaux fonctionnels, le commandement régional des Eaux et forêt de Ziguinchor n’a pas suffisamment de véhicules. Chaque département ne dispose que d’une seule voiture pour gérer son périmètre. Donc, face à ces scieries chinoises et mêmes des indiens impliqués maintenant dans ce trafic illicite, aidés par les autorités au sommet de la Gambie, la bataille est encore loin d’être gagnée.

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