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mercredi 13 avril 2016

Guinée : Alpha II

Le président guinéen Alpha Condé Lorsqu'il passe par Paris, qu'il connaît comme le fond de la poche de son boubou, Alpha Condé descend invariablement à l'hôtel Raphael, un cinq-étoiles passablement suranné du « triangle d'or » qui n'est ni le plus chic ni le plus cher des palaces, et le seul de la capitale française à demeurer encore sous pavillon tricolore. Dans cet établissement très vintage, hanté par le souvenir de Serge Gainsbourg et d’une pléiade de stars américaines des années 1950, le président guinéen, Alpha Condé, a ses habitudes. Il y reçoit en jean et chemise Pathé’O, sandales aux pieds et pieds sur la table basse du salon, ses téléphones à portée de main. Le soir, tout aussi invariablement, cet homme qui déteste dîner seul invite au restaurant – chinois, français, algérien, c’est selon – une petite tribu de vieux amis des années Sciences-Po, de journalistes et de fidèles, triés sur le volet. Tutoiement de rigueur, cravate proscrite et coups de fil incessants du chef, qui picore plus qu’il ne mange et ne perd pas un mot de ce qui se dit. Cet Alpha Condé-là, simple, convivial, taquin, réactif, militant, étonnamment jeune pour ses 78 ans, ne changera jamais. Ainsi était-il lorsqu’il usait ses pantalons pattes d’eph’ sur les bancs de la Sorbonne. Ainsi demeurera-t-il jusqu’à son dernier jour. L’autre Alpha, chef d’État élu et réélu de la Guinée, doit et va changer. Lui qui a passé le plus clair de son premier mandat à tout décider, tout contrôler, parer à toutes les urgences politiques, économiques, sociales et sanitaires, bref, à se mêler de ce qui, pensait-il, le regardait – c’est-à-dire tout ou presque – jusqu’à l’excès et à l’épuisement, ne pourra ni ne devra rester le même.

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