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lundi 1 février 2016

J.A., le Cheikh et les talibés (par François Soudan, Jeune Afrique)

SÉNÉGAL : J.A., le Cheikh et les talibés (par François Soudan, Jeune Afrique)

Peut-on sourire de tout et avec tous ? La réponse, à l'évidence, est non.

Afin d’ironiser à propos de ceux qui, au Sénégal, ne font pas la différence entre un boubou et une robe, avec toutes les déductions infondées qui en découlent, le caricaturiste Damien Glez a publié le 28 janvier sur notre site internet un dessin dans lequel est reproduite l’unique photo connue de Cheikh Ahmadou Bamba, rappelé à Dieu en 1927.

Utilisée pour illustrer un article portant sur un sujet aussi sensible que l’homosexualité, cette représentation a été vécue par de nombreux fidèles de celui qu’on appelle aussi Serigne Touba (« le grand marabout de Touba ») comme un choc et une agression. Devant le tsunami de protestations, le dessin de Glez a été supprimé de notre site au bout de quelques heures, sans que ce retrait – et les excuses qui l’accompagnaient – ne mette un terme aux réactions parfois menaçantes qu’il a suscitées.

En appelant au calme et en acceptant nos regrets, les responsables de la confrérie des mourides, son khalife général en tête, se sont placés dans le sillage de ses enseignements

Soyons clairs : nous n’aurions pas dû publier ce dessin dont nous avons, à l’évidence, mésestimé l’impact négatif. J.A. a pour règle de n’insulter la foi et les convictions de personne. Pour nous – et nous l’avons répété lors du drame de Charlie Hebdo -, le droit au blasphème n’est ni un devoir, ni consubstantiel à la liberté d’expression. Le but de Glez et de notre site internet n’était d’ailleurs pas, on l’aura compris, de blesser, encore moins de porter atteinte à la figure vénérée du Cheikh. Mais il est des moments où le regard du lecteur est en totale contradiction avec les intentions de l’auteur. Dans ce cas, il faut savoir battre sa coulpe.

Soufi, poète, théologien, résistant anticolonial, Cheikh Ahmadou Bamba incarnait un islam de paix, de dialogue et de modération. En appelant au calme et en acceptant nos regrets, les responsables de la confrérie des mourides, son khalife général en tête, se sont placés dans le sillage de ses enseignements. Il n’en va pas de même, hélas, de ceux qui se sont distingués par des appels à la censure contre J.A. « Lorsque l’un de vous se met en colère, qu’il se taise ! » a dit le Prophète. Car « Allah est doux et il aime la douceur en toute affaire ».

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