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jeudi 26 novembre 2015

ENTRETIEN AVEC SON EXCELLENCE MONSIEUR L'AMBASSADEUR DU CONGO AU SENEGAL PIERRE-MICHEL NGUIMBI


Architecte des systèmes d’information de formation, Pierre-Michel Nguimbi est un diplomate de carrière depuis plus d’une dizaine d’années. Après avoir occupé les représentations diplomatiques du Congo en France, au Vatican, en Israël etc. Député (depuis dix années, soit deux mandats), cet ancien ministre de l’Enseignement technique et professionnel (7 ans) est nommé ambassadeur de son pays à Dakar depuis décembre 2012.

Dans cet entretien, il revient sur l’actualité notamment du Congo, du terrorisme mais aussi sur les relations entre son pays et le Sénégal tout en évoquant les qualités du président Denis Sassou N’Guesso.
Pourquoi il y a eu tant de polémiques sur le texte référendaire proposé et qui a soulevé une levée de boucliers au sein de l’opposition et d’une partie de la société civile ?
Je voudrais dire que l’acte politique de recourir au référendum est le niveau le plus élevé de la consultation populaire en démocratie. Tout démocrate comprend et accepte la démarche du référendum sauf s’il s’inscrit pour des raisons inavouées, dans le reniement démocratique et dans le refus de défendre le droit inaliénable d’un peuple de décider de son devenir. Ainsi, l’opposition avait le libre arbitre de voter pour le Non. Ce vote démocratique aurait participé à mesurer le poids de leurs arguments autour d’un texte majeur et dont la portée va révolutionner la vie du Congo pour les prochaines décennies. L’opposition au Congo s’exprime tant au parlement que dans les médias. Elle occupe y compris la rue parfois de manière violence sans pourtant être inquiétée. Au Congo, il n y a pas de politiques ni de journalistes en prison. Il faut rappeler que le président de la République a été élu aux suffrages universels par le peuple d’une manière démocratique. Lorsqu’une certaine opposition appelle à l’insurrection en vue de renverser les institutions démocratiques, elle pose un acte dangereux qui met en péril la cohésion nationale, la paix et la stabilité des institutions au détriment des congolais y compris, de leurs propres partisans. C’est dire que la seule façon de faire partir un président de la République élu, est de proposer une politique alternative crédible au peuple en vue de le battre aux prochaines élections. Or là nous avons une opposition « dite radicale » qui tenait absolument à faire partir le président en utilisant des méthodes qui ne sont pas démocratiques.
Après l’adoption du texte, certains redoutent une nouvelle candidature pour Denis Sassou N’Guesso : Un scénario que redoute l’opposition. Qu’en est-il exactement ?
Je ne sais vraiment pas comment comprendre une telle appréhension ?
Est-ce la crainte de l’opposition d’affronter le président Sasou N’Guesso à des futures élections au regard des résultats élogieux dont il est crédité au plan économique et social mais surtout en matière de paix retrouvée et stabilisée ? Cette opposition « dite radicale », en voulant refuser au peuple congolais le droit légitime et légal de changer la même Constitution qu’elle même voulait changer, semblerait avoir compris qu’elle lui donnerait plus de chance d’accéder au pouvoir en l’absence de la candidature du président Sassou N’Guesso que le peuple congolais réclame.
Dans tous les cas, le président de la république n’a jamais dit qu’il voulait être candidat après 2016. Si toutefois, il le voulait, la loi n’étant pas rétro active, seuls la pertinence de leur projet et le choix majoritaire du peuple en leur faveur permettront l’alternance politique au Congo en toute légitimité et légalité.
Partagez vous le point de vue de certains qui affirment que le président veut en fait avoir une immunité jusqu’à la fin de sa vie ?
Quelle immunité ? (Rires). Je voudrai dire de la façon la plus simple, un président de la République, c’est le premier diplomate de son pays. Or vous savez que l’une des dispositions intangibles en diplomatie est l’immunité en raison du caractère spécial des missions confiées aux diplomates en exercice pour le compte d’un pays, de ses institutions et de son peuple. L’immunité est en fait accordée au peuple congolais dont il aura incarné la vision, le pouvoir de décider et d’agir pour eux. Nous entendons tous parler du secret défense rattaché à certains dossiers sensibles pour lesquels l’Etat peut mettre un veto de confidentialité absolue. Sur un tel dossier, en cas d’alternance politique, la levée du secret défense peut avoir un impact aux conséquences lourdes entre les citoyens voire même entre deux pays voisins qui par cet acte irresponsable, peut déclencher la guerre.
L’immunité dont il s’agit, participe aussi à éviter la chasse aux sorcières et concoure à la promotion du climat de paix, de tolérance et de concorde. Si un président de la république pose un acte grave que toute la conscience nationale de son pays désapprouve, le peuple et les institutions trouveront dans le consensus, les nouvelles dispositions et mécanismes pour juger et punir sans mettre en péril les intérêts, la cohésion et la sécurité du pays.
Ou bien veut-il terminer les grands chantiers de modernisation qu’il a engagés pour le pays ?
Le principe de continuité de l’Etat existe et c’est l’exhortation faite à tout homme de demeurer humble. Je ne crois pas que c’est le souci premier du président de la République. Toutefois peut-il ignorer les appels et les vœux exprimés par un peuple qui n’a que trop souffert de violence, d’instabilité, de manque de cohésion et d’unité, d’absence de vision pour le sortir de la pauvreté et l’emmener au progrès économique et social tant recherché ?
Aucun homme politique qui a la confiance manifestée de son peuple, ne peut l’abandonner et partir sans avoir au préalable construit les bases d’un avenir avec ou sans lui. Ne dit-on pas que le vrai homme politique est celui qui prépare l’avenir de son peuple et le politicien, celui qui prépare les prochaines élections ?  Le Congo a beaucoup construit sous le magistère du président Sassou et ceci dans tous les plans. Si le peuple souhaite le voir parachever des grands travaux, c’est surement ceux de la construction du congolais pour qu’il aille vers un nouveau paradigme politique, social, culturel et économique en préservant les acquis actuels dans la paix, l’unité et la concorde. Je ne doute pas un seul instant que le président de la république est conscient que le Congo survivra à tous et qu’il y a d’autres Congolais capables de lui succéder.
Avec ce texte, le Congo est dans le collimateur de la communauté internationale, comment entendez vous réparez cette image ?
Dans le collimateur de quelle communauté internationale ? Je n’ai pas entendu les nations unies, la France, l’Union Européenne demander autre chose aux congolais que la paix, le dialogue, l’unité et le respect du droit. Aucun parmi eux n’a dénié au peuple congolais le droit de recourir au référendum pour trancher sur un sujet d’intérêt vital pour leur pays. Le reste c’est du discours et de la rhétorique politiciens. Libre à chacun de faire la lecture partisane des propos et déclarations prononcés sur le changement de la constitution au Congo.
Le Congo est un pays souverain et aucune opinion ne viendra lui dicter sa loi au seul fait qu’elle proviendrait de certains Etats et lobbies puissants dont les intérêts ne sont pas toujours ceux du Congo.
Que vaut actuellement l’opposition congolaise au lendemain du vote de la nouvelle constitution ?
L’opposition congolaise existe et elle existera toujours. C’est ce que je souhaite d’ailleurs. Même si en ce moment, la tendance est de classifier cette opposition en opposition modérée ou républicaine et en opposition radicale Pour moi, il y a une majorité et un opposition qui porte une vision alternative à celle de la majorité. Ce qui compte c’est la capacité de tous à créer le cadre propice à l’expression de la différence et à l’émergence des réponses appropriées aux problèmes du pays.
Voyez-vous, en tant que député, j’ai peu entendu, lors des débats sur le vote du budget, l’opposition critiquer le budget de la majorité en présentant et en défendant un budget alternatif conforme à sa vision du pays et à sa doctrine idéologique afin de faire avancer les choses et permettre aux populations de bénéficier d’un bon budget conforme aux défis de la période.
L’actualité aujourd’hui c’est le terrorisme, le Congo est-il à l’abri ?
Aucun pays au monde n’est à l’abri du terrorisme. Le Congo a aussi connu une période sombre durant laquelle des explosifs avaient été déposés dans des salles de cinéma. Les responsables de ces actes odieux avaient été retrouvés, jugés et condamnés. Pour des raisons multiples et surtout en raison de l’étroitesse d’esprit de certains, ces comportements peuvent revenir. Il nous faut intensifier par la justice, la sécurité, le développement social et le dialogue les moyens qui permettront de nous mettre à l’abri de telle dérive morale.
Soutient-il les pays comme le Cameroun ou le Tchad victimes de ce fléau ? Comment ?
Le Congo est actif sur le terrain de la paix. La meilleure formule que le président Sassou N’Guesso a partagé avec les pays africains est la prévention et le règlement des conflits d’une part, la mutualisation du cadre réglementaire et des instruments capables de répondre à des besoins partagés au plan régional et sous régional d’Afrique centrale par exemple. Il convient, d’ajouter que depuis tout le temps, nos troupes sont engagées pour maintenir la paix et favoriser le dialogue dans les pays où elles sont envoyées dans le cadre des décisions du conseil de sécurité et de l’union africaine tel qu’en Centrafrique maintenant.
Il ne faut pas oublier l’action déterminante du président Sassou N’Guesso dans le processus d’autodétermination de l’Angola, de la Namibie et de l’Afrique du Sud. C’est indéniable.
Parlez nous un peu des rapports entre le Congo et le Sénégal ?
Les rapports entre les deux pays sont excellents. Vous savez que nos histoires sont très liées. Le Sergent Malamine est le premier ambassadeur du Sénégal au Congo. Il est venu avec l’explorateur français, d’origine italienne Savorgnan De Brazza qui a créé notre ville capitale Brazzaville. Longtemps, il n y avait que peu de congolais au Sénégal. A présent, nous sommes heureux de compter plus de quatre mille (4.000) congolais au Sénégal contre plus de vingt deux milles (22.000) sénégalais au Congo. Nos relations peuvent être encore améliorées au plan bilatéral si nous tenons la réunion de la Grande Commission Mixte tant attendue. Nous avons tenus depuis le mois de mai 2014, la réunion des experts congolais et sénégalais à Dakar au cours de laquelle un travail excellent a été fait pour proposer les secteurs prioritaires de concentration de notre coopération bilatérale. Il nous faut agir rapidement parce que notre relation bilatérale au plan politique, est restée en hibernation depuis près de trente (30) ans. Heureusement, les peuples congolais et sénégalais coopèrent activement au quotidien.
Où se situe actuellement le niveau de coopération entre ses deux pays ?
Le niveau de coopération fonctionne surtout au niveau des représentations diplomatiques. Néanmoins, nous pouvons considérer que le secteur de l’enseignement supérieur domine puisque plus de  1.500 à 2.000 étudiants congolais étudient au Sénégalais.  Si vous prenez ce que chaque étudiant congolais concentre pour vivre et étudier au Sénégal, il faut multiplier 2.000 par une moyenne de 100.000 XAF. Le commerce du poisson salé, de l’habillement et la main d’œuvre qualifiée sénégalaise ne sont pas en reste.
Avec Nouvel Horizon
Propos recueillis par Ahmed Tidiane

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