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mardi 20 octobre 2015

Menaces sur la liberté d’expression en Mauritanie : « Non à la pénalisation du droit à manifester ! »

Aminetou Mint El Moctar, présidente de l'Association mauritanienne des femmes chefs de familles en Mauritanie (AMFCF).
Les observateurs nationaux et internationaux s’inquiètent face à la dérive autoritaire qui tend à circonscrire la liberté d’expression en Mauritanie. Longtemps vide de tout détenu d’opinion, la Mauritanie recommence à remplir ses prisons pour délits de manifester ou de protester. Le cas des trois leaders d’organisation des droits de l’homme condamnés pour une caravane contre l’esclavage foncier est en train de faire école, avec l’emprisonnement puis le procès attendu de cinq jeunes activistes coupables d’avoir dénoncé le laxisme des autorités sanitaires.
La Mauritanie a de nouveau un triste rendez-vous avec un autre procès pour délit d’opinion. Celui-ci serait programmé pour le lundi 19 octobre , dans une procédure d’urgence qui semble être devenu la règle dans ce genre de jugement touchant des détenus d’opinion. Il s’agit de cinq jeunes activistes coupables d’avoir organisé un sit-in devant le ministère de la Santé pour protester contre la gestion catastrophique de l’épidémie de fièvre dite de la Vallée du Rift et autour de laquelle les autorités avaient observé un silence coupable suivi de déni. Comme mode civilisé de protestation pacifique, les activistes avaient écrit sur la voiture du ministre un mot slogan qui reprenait en partie l’une des manifestations de la maladie, « hémorragique ».
Assez suffisant pour les interpeller, les déferrer devant le Parquet de la République qui les plaça à la prison de Dar Naîm. Sur place, les détenus auraient été agressés par des prisonniers de droit commun, ce qui provoqua leur transfert vers la prison civile.
Cette démarche a été vivement contestée par une partie de la classe politique, notamment le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) qui regroupe l’essentiel des forces de l’opposition radicale, ainsi qu’une bonne majorité de la société civile. Celles-ci y entrevoient un danger sérieux qui pèse sur le droit de manifester garanti par la Constitution. Ainsi, face à la dérive judiciaire qui tend à intégrer dans les délits du Code pénal un droit à la liberté d’expression, le FNDU a publié un communiqué dans lequel il proteste contre la pénalisation en cours du droit à la manifestation. Il y rappelle l’incident ayant précédé l’arrestation des cinq activistes qui faisaient partie d’un groupe d’une centaine de jeunes qui s’étaient regroupés devant le ministère de la Santé pour dénoncer la gestion calamiteuse de l’épidémie de fièvre autour de laquelle un silence coupable était entretenu.
Le FNDU a, dans sa déclaration signée du 17 octobre 2015, mis en garde les autorités nationales contre cette pente dangereuse vers l’autoritarisme, par le biais du rétrécissement du champ des libertés publiques et individuelles, lançant un appel pour une union générale des forces vives de la Nation contre les atteintes aux droits fondamentaux.
A leur tour, plusieurs organisations de jeunes activistes, comme IRA et « M25 » auxquelles sont affiliées l’essentiel des jeunes actuellement arrêtés ont promis de poursuivre leurs mouvements de protestation et d’intensifier la lutte.
Ces violations ajoutées à d’autres qui se sont accumulées ces derniers temps dan le domaine des droits de l’homme constituent, selon plusieurs observateurs, un mauvais viatique pour un pouvoir qui prépare activement sa prochain Revue devant les instances internationales chargées du respect des droits de l’homme en novembre prochain à Genève.
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