Dans l’examen des différents recours introduits contre les listes électorales dans le cadre des consultations électorales de 2015, le Conseil constitutionnel a rendu le 22 août dernier des décisions. Tous les requérants ont été déboutés. Déboutées mais pas déçues, nous disent deux femmes qui avaient voulu faire respecter la loi sur le quota genre que les partis politiques ont encore foulée aux pieds. Pour Laurence Ilboudo/Marchal, candidate aux législatives pour le compte du MPP et Ouédraogo Awa, coordonnatrice du secrétariat exécutif de la marche mondiale des femmes, membre du Front de renforcement de la citoyenneté, la lutte doit pourtant continuer.
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Ouédraogo Awa, coordonnatrice du secrétariat exécutif de la marche mondiale des femmes, membre du Front de renforcement de la citoyenneté.
Du contexte de la requête
Déjà en 2009, une loi a été votée, celle sur le quota. Nous nous sommes battues avant les élections de 2012 pour qu’il y ait un texte d’application de cette loi, en vain. Les résultats ont été lamentables. S’il y avait le texte d’application, c’est-à-dire 30% à l’arrivée, on aurait quand même eu quelque chose.
Nous pensons que la moindre des choses pour les partis politiques, c’est de respecter les quotas. En 2012, les femmes étaient mal placées sur les listes, nous nous sommes plaintes, nous nous sommes battues, cela n’a pas changé. On ne pouvait pas accepter que la même chose revienne. Nous avons donc pensé qu’il était de notre devoir en tant qu’organisation de la société de dénoncer ce cas de figure.
De la décision du Conseil constitutionnel.
On s’attendait un peu à cela. Ce qui est dit, c’est que le recours ne devrait pas être fait au nom d’un collectif comme le FRC. Mais nous ne pouvions pas non plus le faire en notre nom propre, je représente qui ? Un groupe et c’est au nom de ce groupe que je parle. Ce n’est pas le FRC qui a introduit le recours, mais les organisations féminines membres du FRC. Je ne comprends pas pourquoi le Conseil constitutionnel se déclare incompétent, mais en tout cas, mais nous allions être étonnées qu’on accepte.
Je le dis parce que depuis le début, les choses se sont enchainées, rien ne donnait l’espoir de voir des changements. Déjà que la loi sur le quota ne soit pas acceptée par le CNT, nous avons commencé à nous poser des questions et les listes sont venues confirmer cela. C’est pire qu’en 2012, on se demande si c’est la volonté politique qui manque. Pour nous, la CENI devait arrêter avant que cela n’arrive au conseil constitutionnel.
Pour nous, c’est comme une répétition. En 2012, nous avons osé présenter des candidates indépendantes, sachant, que cela ne serait pas accepté. Mais cela a ouvert la voie vers un code électoral qui accepte les candidatures indépendantes.
Des motifs de satisfactions quand même…
Nous allons sur la base que nous sommes dans un processus démocratique qui est en train de se renforcer. Ça ne sera pas nous, mais nos enfants verront réellement le changement en faveur de la femme.
Mais on peut dire que la démocratie est en train de s’installer réellement au Burkina. Il faut louer la rapidité avec laquelle le dossier a été traité au conseil constitutionnel, je ne m’attendais pas à avoir une réaction dans la semaine.
C’est vrai que nous ne sommes pas contents que l’on ne considère pas notre requête, mais en même temps, nous voyons que ça bouge et dans ce sens il y a des motifs de satisfaction. Nous allons continuer la lutte en étant plus solidaires et plus organisées.
Laurence Ilboudo Marchal, candidate du MPP aux législatives, première suppléante du Kadiogo.
Les motivations du recours.
On a remarqué dans certaines circonscriptions, qu’il y avait des listes qui ne respectaient pas l’article 154 du code électoral. En tant que femme engagée en politique, cela nous a interpellée. Je suis allée avec une camarade Mamata Tiendrébéogo et nous avons procédé à un pointage de 45 circonscriptions de plus de 100 partis, formations politiques et regroupements indépendants.
Il s’est avéré effectivement qu’il y avait des listes qui ne comportaient pas au moins une femme.Pour nous, c’est vraiment une catastrophe, quand on connait la participation des femmes à la vie politique, leur rôle dans l’insurrection qui a conduit au changement, il était donc inadmissible pour nous d’accepter cela.
De la décision du conseil constitutionnel
Le conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent à annuler les listes qui n’ont pas respecté l’article 154. Personnellement je prends acte, les membres du conseil ont dit le droit. J’accepte la décision, mais je dis qu’ils sont témoins du viol du droit des femmes, ils sont témoins de la place qu’on retire, qu’on refuse à la femme. Nous sommes heureuses au moins d’avoir eu des témoins pour cela.
Je ne dirai pas que nous n’avons pas eu gain de cause. Le combat, il n’est pas une course de vitesse. C’est un marathon, chaque jour, sa pierre. Nous avons quand même eu le mérite d’attirer l’attention de tout le monde, y compris du Conseil constitutionnel. La prochaine fois, les acteurs feront très attention.
Du non-respect de la loi par les partis politiques
Certains parlent de qualité, qu’il n’y a pas de la matière, je sais bien que c’est faux. C’est parce que les hommes ont du mal à laisser les femmes agir , c’est tout. Je suis d’autant plus confortée dans ma position parce que je fais beaucoup le terrain. Nous avons des femmes très compétentes, très engagées. Malheureusement, les pesanteurs socioculturelles font qu’il est toujours difficile de donner un pouvoir décisionnel, de gestion aux femmes. Mais c’est un combat de longue haleine, et nous le mènerons.
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