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lundi 4 mai 2015

REFLEXIONS SUR L'ECOLE SENEGALAISE


Chers enseignants, acceptez de différer votre combat syndical très légitime dans l’intérêt des élèves et, avec l’Etat, allez dans le sens de trouver au système éducatif en panne les véritables solutions aux questions fondamentales qui le secouent depuis plusieurs années


Contribution sur la situation de l'éducation au Sénégal (Tafsir Ndické DIEYE)
L’école sénégalaise a connu ses moments de gloire. Dans une période où, dans d’autres pays d’Afrique, les coups d’Etat et les guerres ethniques plombaient la cohésion nationale et la stabilité des populations , ici, le mot d’ordre était de savoir comment faire pour avoir un bon système éducatif capable de fournir à l’Etat une bonne administration, de bons cadres pour booster notre diplomatie, notre économie et un climat de paix sociale et de concorde nationale.  Mise à part quelques soubresauts regrettables liés au combat des acteurs politiques pour une bonne instauration de la démocratie et des libertés individuelles et collectives, dans l’ensemble, notre pays a pu gérer une certaine stabilité afin de mieux s’occuper de l’éducation comme facteur essentiel du développement humain et de la formation comme support incontournable de la lutte contre le chômage et la pauvreté. 
Cette préoccupation de nos gouvernants, venus après l’indépendance de notre pays, est à saluer. Nous avions une école publique performante et un système de formation plus ou moins adapté à la vision politique du système de l’époque basé sur l’idéologie socialiste, qu’on peut certes critiquer sur certains de ses aspects. Toutefois, force est de reconnaître qu’il n’a pas démérité dans sa vocation de créer une nation, un Etat et des ressources humaines de qualité pour accompagner notre marche vers le développement.  Malgré les inepties notées ça et là, les socialistes avaient bien compris que  l’éducation et la formation sont au cœur du bon fonctionnement de toute société humaine. Les enseignants étaient formés à l’Ecole normale. Ils avaient, le plus souvent, la vocation du métier de passeur de savoir. La passion, avec laquelle ils exerçaient leur métier, expliquait les bons résultats qu’ils réalisaient au moment des examens.  
Ce que nous regrettons, c’est le laxisme constaté dans l’application des conclusions des assises de l’éducation sous Diouf. Ces assises avaient le mérite d’avoir posé un diagnostic clair qui pouvait conduire à des remèdes adaptés au contexte de l’époque des ajustements structurels pour réduire le fossé qui commençait à se creuser entre l’éducation fournie et sa finalité dans l’économie et dans la prise en charge du marché de l’emploi. L’Etat avait du mal à bien assoir l’équilibre entre l’éducation et la formation dans la prospective d’une prise en charge de la lutte contre le chômage face à la déstructuration de la fonction publique. 
L’aspect très brusque et burlesque du retrait de l’Etat des secteurs qui constituaient le poumon de la politique de l’emploi et de l’économie avait créé une certaine massification du chômage et une surabondance de l’exode rurale avec comme corolaire, entre autres, l’installation d’une économie portée par l’informel et marquée par la recrudescence du chômage des diplômés. Les maîtrisards étaient obligés de s’adonner à l’ouverture de boulangerie et de réseaux de transport public sans y’être préparés en amont ; d’où les échecs constatés de leurs entreprises. La question centrale à laquelle l’autorité devait apporter une réponse et qui demeure actuelle est : comment revaloriser l’école afin qu’elle produise le potentiel humain en mesure d’assurer une bonne production des richesses et leur gestion saine, profitable au grand nombre. 
Le régime libéral a cru bon de s’attaquer à la question des infrastructures scolaires, sans gagner le pari de leurs équipements. Il a misé sur la prise en charge de certaines questions liées au bien être des étudiants, en oubliant, plus ou moins, l’adéquation qui devrait exister entre les modules enseignés et les besoins réels du monde du travail actuel. Il a consenti beaucoup d’efforts dans l’éducation mais sans jamais réussir une bonne réforme du système pour l’adapter aux exigences de notre époque et en perspective de son évolution. 
Nous avons, à ce niveau, un retard grave par rapport à l’échelle mondiale. Juste un exemple ; nous savons tous qu’aujourd’hui, la « langue mondiale de l’économie » est l’anglais. Pourquoi ne devons-nous pas l’intégrer dans l’enseignement dès l’école primaire pour permettre à nos futures cadres d’être mieux compétitifs à l’échelle mondiale ? Nous n’avons aucun problème avec la langue française mais, elle a montré ses limites dans le champ de l’économie mondiale devant l’anglais et l’arabe. 
Les dysfonctionnements internes touchent à la fois le contenu des programmes enseignés et  une prise de conscience quasi inexistante de certains de ces acteurs qui privilégient, dans leurs revendications, les questions liées à leur confort à celles d’ordre pédagogique et stratégique visant à rendre notre système éducatif performant et compétitif. Dans cette situation de crise de l’école, l’Etat ne pose pas le véritable débat, nous le sentons beaucoup plus dans les aspects politiciens du problème plutôt que dans une réelle volonté de consolider les acquis et d’ouvrir de nouvelles perspectives avec une bonne vision et une responsabilité sans faille. 
L’école se meurt. Le pays le saura à ses dépends dans une décennie. « Tout part de l’éducation et tout revient à l’éducation » disait l’autre. Toutefois, elle a besoin d’acteurs performants et patriotes sur toute la chaîne de valeur pour être utile à un pays. Aujourd’hui, l’Etat et les enseignants tombent tous dans le piège des préoccupations liées à la question de l’argent. Les millions d’enfants, de jeunes concernés par leur bras de fer ne savent plus à quelle sauce ils seront mangés. Pourtant, on nous parle d’Emergence à l’horizon 2030. 
Savent-ils que sans un système éducatif performant et adapté aux exigences de l’économie mondiale en mutation évolutive permanente, aucune émergence ne pourra logiquement se réaliser ? Avons-nous les bons programmes ? Avons-nous les meilleurs formateurs ? Avons-nous les bonnes conditions d’études pour les élèves et étudiants ? Y a-t-il une bonne démocratisation des conditions de travail dans la fonction publique ? L’Etat, doit-il être frileux face au caractère couteux d’un bon système éducatif ? Avons-nous bien corrigé le dysfonctionnement qui existe entre les pôles urbains et le milieu rural dans le domaine de l’éducation ? Les parents jouent-ils, comme il se doit, leur rôle d’encadrement de leurs élèves? 
L’objectif économique, culturel et social de l’éducation et de la formation doit pousser l’Etat et les syndicats à s’unir pour sauver l’école en cherchant les bons remèdes ; trouver des solutions durables et profitables au futur développement de notre pays doit être au centre de leur préoccupation. L’héritage colonial est aujourd’hui dépassé, il nous faut, au regard des mutations de notre millénaire, des stratégies éducatives adaptées  à nos besoins de développement. 
En attendant, nous demandons aux enseignants de se faire violence et de retourner à l’école pour sauver l’année ; les enfants, très inquiets, en ont besoin et leur en seront reconnaissant. Reculez pour permettre à l’école de mieux sauter ! Ne suivez pas ce bras de fer entre vous et l’Etat ! Nous reconnaissons la légitimité de votre revendication sur la question de l’indemnité de logement. C’est un principe d’équité que nous ne remettons pas en cause.  Cependant, acceptez de différer le combat syndical dans l’intérêt des élèves ! Avec l’Etat, allez dans le sens de trouver au système éducatif en panne les vraies solutions aux questions fondamentales qui le secouent depuis plusieurs années ! Le temps presse ! 

Tafsir Ndické DIEYE 

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