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mardi 19 mai 2015

Gambie : les mille et une souffrances d’une traversée vers Banjul

Si c’était une boîte de conserve, les gens y serraient serrés comme des sardines. Mais le Diohé, premier ferry en ce début de matinée, est un bateau, ou plutôt un gros tas de ferraille qui, sur les flots enchanteurs de l’océan, incarne l’enfer pour des centaines de passagers.
La ville de Banjul, que l’on aperçoit sur l’autre rive, semble si proche et si lointaine à la fois. Le soleil, tôt levé, darde déjà de ses rayons assassins cette foule soumise au douloureux voyage. Ça vogue et souvent ça tangue ! La sueur perle sur les visages de passagers qui n’ont pas la place de lever un bras pour s’en débarrasser. Les gouttes de transpiration qui tombent sur le métal du bastingage s’évaporent aussitôt…
La cale est pleine à craquer de véhicules poids lourds au chargement hors norme, qui doivent souvent attendre une semaine avant de pouvoir embarquer, quand le dictateur gambien Yahya Jammeh ne décide pas, tout simplement, de fermer la frontière. Sous le poids de la fatigue, de la chaleur et de la promiscuité, certains passagers semblent ne plus tenir à leur vie. Sinon comment expliquer qu’ils aillent chercher refuge sous les poids lourds, qui tanguent tout aussi fort que le ferry ?
A bord, des agents des services de renseignement
Les quarante minutes que dure le trajet de 6 km sont une éternité. « Les ferrys sont tellement lents, on perd du temps et de l’énergie. Pensez-vous vraiment que la manière dont les gens sont entassés ici est normale ? », s’interroge Ibrahima, jeune enseignant sénégalais en partance pour Banjul. A peine a-t-il fini de parler que derrière lui, une bande de jeunes garçons, casquettes vissées sur la tête, chante en cœur : « Seul un pont pourra abréger nos souffrances ! »
Une souffrance que semble ressentir dans sa chair ce bébé qui hurle si fort que sa mère en perd tout contrôle. Non loin de là, un homme d’âge mûr demande aux jeunes de faire attention à leurs propos. Il est bienveillant, et souhaite juste rappeler aux « bad boys » qu’il y a toujours profusion d’agents des services de renseignement à bord.
Il ne se passe pas de voyage sans que les éléments de la National Intelligence Agency (NIA), responsable de la sécurité de l’Etat gambien, ne plombent l’ambiance déjà difficile à bord du ferry. Des agents en quête d’informations à transmettre à un régime qui, depuis le coup d’Etat manqué contre le président Jammeh dans la nuit du 29 au 30 décembre 2014, voit partout des complots. Ils sont là, dissimulés dans la foule, les oreilles bien tendues. On s’en méfie comme de la peste et leur manque de manières sont bien connues chez les habitués du trajet.

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