Descentes de la police et de l'armée dans les quartiers.
Barrages routiers, descentes de la police et de l'armée: en Gambie, la traque des auteurs de l'attaque contre le palais du président Yahya Jammeh, qui veut les pourchasser "jusqu'au dernier", vire au cauchemar pour certains habitants de Banjul et ses environs.
Depuis les heures ayant suivi l'attaque du 30 décembre, repoussée par les forces de sécurité, Banjul est sous imposante surveillance de soldats et policiers, menant des patrouilles régulières.
Des points de contrôle ont été installés aux principaux accès à la capitale, située à l'embouchure du fleuve Gambie, notamment sur le tronçon reliant le pont de Denton à l'entrée de la ville, provoquant beaucoup de tracasseries sur les routes.
"A cause du temps que les gens passent aux barrages militaires en direction de Banjul, beaucoup de transporteurs urbains ont boycotté cette route, et il faut se battre pour monter à bord des rares voitures" disponibles, constate anonymement un employé du secteur privé habitant Abuko, à plus de 20 km de Banjul.
Il assure avoir vu de nombreux Gambiens contraints à faire à pied le trajet jusqu'à la cité commerçante de Serrekunda, à une dizaine de kilomètres.
En plus de la force physique pour se frayer un chemin jusqu'à bord des taxis ou bus, il faut également avoir les moyens de payer sa place, car les prix ont explosé.
"Certains transporteurs profitent de la situation pour réaliser le maximum de bénéfices", accuse Kumba Joof, de Kanifing (plus de 10 km à l'ouest), contrainte pour se rendre du centre-ville à son domicile de débourser 70 dalasis (1,4 euro ou 1,6 dollar), soit "sept fois le tarif normal".
"Au début, j'étais réticente à cautionner cette pratique que je trouve injuste, mais j'ai dû me résigner à payer pour monter dans le taxi de sept places", explique-t-elle.
Un chauffeur de taxi, Musa Jeng, qui relie quotidiennement Banjul à Serrekunda, fait valoir que les transporteurs subissent aussi le contrecoup des mesures de sécurité.
"Nous mettons 40 minutes pour faire une distance de 12 km, nos dépenses de carburant ont aussi augmenté. Nous perdons du temps aux points de contrôle militaire, c'est pourquoi certains de mes collègues ont arrêté de faire la route Banjul-Serrekunda", affirme-t-il.
- Vague d'arrestations -
Aucune amélioration prochaine ne se dessine. Dans une harangue à ses partisans rassemblés près du palais dans la nuit de lundi à mardi, le chef de l'Etat a promis de "faire un exemple" en se "débarrassant" des meneurs de l'attaque "un par un, jusqu'au dernier".
Depuis le 30 décembre, un climat de peur s'est abattu sur cette ex-colonie britannique de près de deux millions d'habitants que dirige d'une main de fer Yahya Jammeh, 49 ans, un ex-militaire porté au pouvoir par un coup d'Etat en 1994.
A son retour de Dubaï, où il se trouvait en visite privée pendant l'assaut, le président a imputé l'attaque à des "terroristes" soutenus par des "puissances" étrangères.
Beaucoup de Gambiens craignent d'être les victimes collatérales d'une traque aveugle, certains redoutant notamment l'Agence nationale du renseignement (NIA), dont les hommes opèrent souvent en civil, au service d'un régime fréquemment accusé de violations des droits de l'Homme et menant régulièrement des purges contre ses opposants.
Lundi, "des agents de la NIA ont fait une descente dans notre quartier et sont passés de maison en maison. Nous ne savons pas ce qu'ils cherchaient", raconte un résident de Brusubi, sur la côte ouest.
Le 2 janvier, plusieurs résidents de différents quartiers de Banjul avaient fait état de soldats gambiens faisant du porte-à-porte à la recherche de suspects.
"Ils pensent que les assaillants se cachent toujours dans la ville", avait dit une femme sous couvert d'anonymat. Cette opération n'a fait l'objet d'aucune annonce officielle.
De source proche de la NIA, plusieurs dizaines de civils et de militaires ont été arrêtés depuis l'attaque. Aucune indication n'était disponible sur leur identité, leurs lieux de détention et ce qui leur est précisément reproché.
Un dirigeant de l'opposition, Halifa Salla, candidat à l'élection présidentielle de 2006, a appelé mardi le pouvoir à faire preuve de "magnanimité plutôt que de vengeance", en particulier envers les membres des familles des assaillants, dont plusieurs ont été arrêtés, selon lui.
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