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mercredi 1 octobre 2014

Insalubrité à Conakry : ces déchets qui font la honte à toute une nation


 Jadis considéré comme la perle de l’Afrique occidentale, Conakry pourrait remporter aujourd’hui, sans tracas, le trophée de la plus sale capitale ouest africaine, voire au délà. De nombreux gouvernements se sont succédés, un autre record, mais Conakry est et reste sale, avec tous ses méfaits sur la santé publique, l’urbanisme, la salubrité et la protection de l’environnement.
 
La structure de la gestion des déchets à Conakry
 
En plus de défigurer le paysage urbain de Conakry, la prolifération des points noirs  et la propagation des dépôts sauvages sur les voies publiques témoignent du dysfonctionnement de la situation actuelle de la gestion des déchets. Pourtant, c’est sous la coupole de la primature que le ministère de l’administration du territoire pilote l’intervention du gouvernement en matière de gestion des déchets, en toute synergie avec le gouvernorat de Conakry, qui à son tour, coordonne l’intervention des communes. Sur les dizaines de PME en charge de la pré-collecte des 1000 tonnes de déchets produits quotidiennement à Conakry, seulement quelques unes sont opérationnelles à ce jour. Le Service Public de Transfert des Déchets (SPTD) qui est quant à lui chargé du transfert des déchets, des points de regroupement vers la carrière, fonctionne au ralenti avec des camions vétustes et sans équipements. Ces derniers temps d’ailleurs, tout le monde assiste aux débrayages avec son personnel qui se plaint des mauvaises conditions de travail et de non-paiements des salaires.
 
Cette configuration qui se veut conformiste des principes internationaux de la gestion des déchets qui plaident pour la décentralisation, en rendant les communes directement responsables de la gestion de leurs déchets, favoriserait en Guinée la mauvaise gestion des deniers publics. En fait, si l’échec de la gestion est évident, qui serait en mesure de faire la traçabilité de l’usage des fonds décaissés pour gérer et traiter les déchets à Conakry ?
 
Par ailleurs, si le principe de la décentralisation semble politiquement acquise, il est tout même aisé de constater l’absence pratique du Ministère de l’environnement dans ce circuit qui semble aujourd’hui bien rodé; Normalement, le ministère de l’environnement est censé être en charge de la mise en œuvre et du suivi de la politique de l’Etat en matière d’environnement y compris la problématique des déchets et la gestion des décharges. Cette intégration serait de nature à favoriser l’opérationnalisation d’actions innovantes telles que l’éducation et la sensibilisation à l’environnement qui reste un outil indispensable pour pérenniser la politique de gestion des déchets dans tout pays. Pourquoi donc un tel manquement ?
 
La vérité à ce jour est que les dizaines de milliards de francs guinéens injectés par les fonds publics pour gérer les déchets (7 milliards de francs, entre avril et juin, puis 36 milliards de francs pour six mois depuis juin) font beaucoup de bruits mais n’apportent aucune amélioration substantielle sur le terrain. Alors, si tout laisse croire que le Ministère de l’environnement – entité étatique – est écarté de fait, on peut se poser la question de savoir si un autre acteur, quelque son expertise et ses ambitions, surtout s’il vient du secteur privé, pourrait être accepté par les mains occultes derrière cette gestion calamiteuse.
 
La gestion déléguée, la solution appropriée pour gérer les déchets
 
Si le rôle des communes dans la gestion des déchets est primordial, en raison de sa proximité avec les populations, il n’en demeure pas moins que la gestion des déchets reste une affaire de savoirs, de savoir-faire, d’expériences et d’expertise. Les campagnes d’assainissement ponctuelles pilotées par le gouvernorat, les activités de ramassage organisées dans les communes, avec les groupements de femmes et de jeunes des quartiers de Conakry, ne pourront en aucune façon apporter la solution durable à la gestion des déchets à Conakry.
 
Conscientes de cet état de fait, plusieurs sociétés spécialisées ou opportunistes ont essayé de faire des propositions aux autorités guinéennes, en vue d’établir des contrats de gestion déléguée, sans suite pour l’instant. Parmi elles, Veolia France, Word Environnement Concept, Minedur, Groupe Piccini, Guicopress, etc. Suivant les opportunités d’affaires entre le Maroc et la Guinée, impulsées par le Roi Mohamed VI et le Président Alpha Condé, le Groupe marocain OZONE gérant les déchets dans plus de 28 villes du Royaume Chérifien, dont Rabat et Fès, se serait même proposé de mobiliser pour la Guinée le financement complet pour l’aménagement d’une nouvelle décharge au profit de Conakry. L’unique carrière sauvage de Conakry étant aujourd’hui hors normes, surchargée et située au cœur de la capitale. Mieux, selon les informations détenues par Guineenews, le même Groupe a invité à ses frais au Maroc une mission gouvernementale pour lui faire des propositions concrètes. Dernièrement, la télévision guinéenne a diffusé une visite du Premier Ministre, accompagné de plusieurs membres du gouvernement, au sein des installations du même Groupe à Rabat Salé, à l’occasion du Forum économique Guinée Maroc, tenu le 09 septembre dernier. Egalement, une équipe technique du même Groupe a récemment séjourné en Guinée, sillonnant les différentes communes de Conakry pendant plus de deux semaines, en vue de faire des propositions techniques adaptées pour débarrasser Conakry de ces déchets qui font la honte de toute une nation. Un projet intégré, incluant la collecte, la mise en décharge contrôlée, le traitement des déchets par le tri, suivi de la valorisation de la matière organique, en amendements organiques et en énergie serait même envisagé.
 
Finalement, qui est ce qui se cache derrière ce blocus visant l’assainissement et la propreté de la capitale guinéenne et pour quelle raison ? Jusqu’à quand continuera -t- on de berner la population, avec des annonces politiques d’autres milliards à décaisser  pour gérer les déchets?
 
En attendant une solution définitive à ce problème majeur, affectant l’environnement et la santé publique, qui doit obligatoirement passer par une gestion déléguée à un professionnel privé ayant fait ses preuves, des esprits malins continueront, à cœur joie, d’accuser le manque de civisme de la population et les sabotages politiques.

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