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lundi 29 septembre 2014

MASSACRES DU 28 SEPTEMBRE, CINQ ANS APRES : Ententes paradoxales ?

La commémoration du cinquième anniversaire des massacres du 28 septembre 2009, se distingue des années passées par une surprenante convergence entre le pouvoir de Conakry et le camp des victimes. Se montrant disponible et usant d’un ton conciliant, le nouveau ministre de la justice, Me Cheick Sacko rassure. En face, les proches des victimes, se fiant aux progrès de ces dernières semaines, se disent confiants. Pourtant, cette unanimité contre-nature repose davantage sur des promesses que sur des acquis réels.

Naturellement, le fait que huit hauts gradés de l’armée guinéenne soient déjà inculpés, dans le cadre de l’instruction en rapport avec le dossier du 28 septembre, est quelque chose à saluer. Mais il faudrait peut-être rappeler que six d’entre eux le sont déjà depuis deux ans. Du coup, le véritable progrès que l’on met aujourd’hui en évidence, c’est la volonté politique qui semble plus affirmée. C’est ainsi que ces dernières semaines, la presse a évoqué une série d’auditions dont celle, pour la seconde fois, du capitaine Moussa Dadis Camara.
Il est vrai qu’il y a un semblant d’accélération dans le dossier. Des obstacles qui, jusqu’ici, freinaient l’élan des trois juges en charge de l’instruction, seraient en train d’être levés. Les magistrats auraient ainsi finalement obtenu un bureau qui leur confère plus sérénité. De même, ils ont été dotés en logistique. Enfin, ils ont, depuis quelque temps, droit à une certaine sécurité. Ne pas reconnaître dans cette évolution, la patte du nouveau ministre de la justice, serait faire montre d’une mauvaise foi des plus évidentes.
Pour autant, est-ce suffisant pour que les proches des victimes dressent des lauriers au gouvernement, comme c’est le cas actuellement ? A l’évidence, ils semblent pécher par naïveté. En effet, s’il est bien compréhensible que, par souci d’objectivité, ils reconnaissent et saluent les efforts consentis, par contre, on ne comprend pas pourquoi ils se taisent sur les insuffisances. Parce qu’en réalité, des insuffisances, il y en a encore. Parmi ces dernières : le fait que quelques-uns des inculpés continuent à occuper des fonctions stratégiques au sein de l’appareil militaire du pays. Des positions dont ils peuvent se servir à tout moment pour remettre en cause ce qui est aujourd’hui perçu comme une dynamique positive. Mais cela ne semble pas intéresser les organismes de défense des victimes.
Par ailleurs, la volonté politique dont on se satisfait tant aujourd’hui, de qui dépend-elle en réalité ? En effet, comme on l’a dit précédemment, le ministre de la justice est animé des meilleures intentions. Au-delà du dossier du 28 septembre, il fait montre d’innovation et de courage dans sa volonté de remettre en selle la justice guinéenne. A propos, on peut notamment citer la promptitude avec laquelle l’affaire du massacre de Womey est en train d’être gérée. Il en est de même de son intention de faire revenir les principes impersonnels et les critères objectifs dans la gestion de la corporation. Les mesures de sanction à l’encontre des magistrats indélicats ainsi que l’indépendance de l’appareil judiciaire vis-à-vis de l’Exécutif sont également à saluer  de la part de Me Cheick Sacko.
La mise en place des commissions ‘’Victimes’’ et ‘’Prisons’’ est également une contribution inestimable pour l’édification d’une Guinée démocratique et respectueuse des droits humains. C’est dire donc que de la part du ministre de la justice, les idées et la volonté ne manquent pas.
Cependant, ce serait se tromper que de croire qu’il en est le seul dépositaire. S’il est l’incarnation de cette nouvelle disposition, il n’en est nullement l’émanation ultime. Au-dessus de lui, il y a le gouvernement et au-delà de ce dernier, il y a le président de la République. C’est même à ce dernier que devrait revenir tout le mérite. Parce qu’en principe rien ne l’obligeait à faire venir un nouveau ministre. De même, rien ne le contraint à céder face aux exigences du nouveau Garde des sceaux. S’il laisse faire les choses, c’est parce qu’il le veut. A quelles fins ? On ne saurait le dire.
Et c’est la conséquence de ce raisonnement qui devrait amener les proches des victimes à  savoir garder raison. Etant, comme on vient de le voir, le véritable chef d’équipe, le président Alpha Condé peut, quand il voudra, mettre  un terme à tout cela. Et quand il décidera de changer de cap, la meilleure arme dont disposera le ministre de la justice pour s’y opposer, ce sera de rendre le tablier. Or, en reconduisant le premier ministre Mohamed Saïd Fofana au lendemain des élections législatives de l’année passée, le chef de l’Etat aura démontré qu’il peut bien se passer de l’onction populaire. Toutes choses qui devraient finalement inspirer humilité et réalisme, aux uns et aux autres.   

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