Les leaders politiques de l’opposition républicaine ont animé une
conférence de presse ce jeudi à Conakry. Principale conclusion : le
report du ‘’meeting géant du 4 août’’, en raison du deuil national lié
au drame de la plage Rogbanè. Mais ils en auront tout de même profité
pour remettre leur rengaine favorite, à savoir les questions en rapport
avec les futures élections. Au point qu’on a l’impression que
l’opposition guinéenne est très peu préoccupée par la tragédie qui
frappe le pays.
Certes, la quasi-totalité des opposants présents à Conakry s’étaient
rendus à la morgue de l’hôpital national Donka. Quelques-uns ont
également déploré ce qui est arrivé et mis en exergue les défaillances
et la responsabilité de l’Etat. Mouctar Diallo, des Nouvelles forces
démocratiques (NFD) allant même jusqu’à suggérer une enquête
parlementaire ; mais c’est pratiquement tout ce qu’on aura entendu des
opposants guinéens au sujet du drame de Rogbanè.
Le report du meeting, une fausse concession
En particulier, au cours de la conférence de presse de ce jeudi, il
n’en a pas été ou presque question. Naturellement, on pourrait penser
que le report du meeting est une concession, mais en réalité, c’est une
question de bon sens. Pour le reste, en l’absence de l’opposition
extraparlementaire, Cellou Dalein Diallo et les autres ont
essentiellement communiqué autour de l’accord politique qui n’est
toujours pas signé, de la fraude électorale qui serait en préparation,
des stratégies à mettre en œuvre pour empêcher que cela arrive, ainsi
que des défaillances de la CENI.
Ce, même si le porte-parole, Aboubacar Sylla, a cru devoir définir les meetings comme étant « des
réunions auxquelles nous appelons nos militants et sympathisants, tous
les citoyens de la ville de Conakry et de ses environs pour les
sensibiliser et les informer des enjeux politiques, économiques et
sociaux de notre pays, et les appeler au soutien de l’opposition sur des
questions d’intérêt national ». Sauf qu’entre ce qui est contenu
dans cette définition et les sujets véritablement abordés, il y a une
certaine nuance, une distance certaine !
La politique avant et après tout
En effet, le même Aboubacar Sylla s’est empressé par la suite de
rappeler les raisons de ce qu’il assimile à une impasse politique : « un
accord formel a été trouvé autour de l’exclusion formelle du couple
Waymark Sabary quant à l’appel d’offre qui devrait être lancé pour le
recrutement d’un nouvel opérateur (…) Il a été arrêté que les élections
communales devraient se tenir au plus tard à la fin de 2014 (et que) les
anomalies constatées à l’issue des élections législatives sur le
fichier électoral et la cartographie électorale devraient être
corrigées par un opérateur qui ne soit pas Sabary ».
En ce qui concerne la CENI, il déclare : « En 2012 et en 2013, la
CENI nous avait habitués à des fuites en avant pour nous mettre devant
la situation de fait accompli. Eh bien, c’est ce qui recommence encore
au niveau de la CENI. Elle est déjà dans une étape avancée dans la
procédure de recrutement du consultant qui doit élaborer le dossier
d’appel d’offres pouvant servir au choix de l’opérateur technique ».
Pour sa part, Cellou Dalein Diallo, le chef de file de cette
opposition, demeure fixé sur l’échéance 2015. C’est ainsi qu’il a
déclaré : « On ne peut pas laisser Alpha Condé et sa CENI organiser
une mascarade électorale. Il faut qu’on se lève pour nous battre et
exiger que les conditions d’organisation d’une élection crédible et
transparente soient réunies. C’est cela notre combat ». Le
seul sujet qui ait été abordé qui ne soit pas relativement en rapport
avec les prochaines élections, c’est la question de la poursuite des
auteurs des violences politiques passées, ainsi que l’indemnisation des
victimes. Mais là aussi, on sait que les choses sont relativement
connexes.
Une attitude regrettable
C’est d’autant plus regrettable que le drame de Rogbanè leur offre
une grosse opportunité. Très souvent, ils évoquent la cinquantaine de
morts lors des manifestations qu’ils ont initiées. Mais là, en une seule
journée, ce sont 33 jeunes guinéens qui sont perdus, mais ils n’y
accordent pas la même importance. Alors que la gestion du drame par les
autorités est critiquable à bien des égards. Il est en particulier
étonnant que l’opposition n’ait rien dit sur les décisions qui sont
sorties du Conseil extraordinaire des ministres.
Une rencontre que l’on croyait dictée par la gravité du drame, mais
qui, curieusement, débouche sur des décisions aussi vagues et
incertaines que celles relatives à la construction d’espaces de jeu pour
les jeunes. Aucune sanction administrative ne tombe, alors que les
responsabilités sont faciles à situer et quasi évidentes.
Quelle place pour la jeunesse ?
Comme avec le fameux dossier des 13 milliards, on s’apprête à
accabler les faibles du maillon, tel le chef de quartier de Taouyah.
Pour le reste, avec le temps, on demandera aux familles de pardonner,
car le destin a fait son œuvre. Et curieusement, l’opposition ne trouve
rien à dire ! Elle ne s’offusque même de la précipitation avec laquelle
on a démoli les baraques au niveau de la plage, détruisant ainsi des
éléments d’une importance capitale pour l’enquête qui a été annoncée.
Elle ne déroge pas à son programme de manifestations politiques pour
la transparence du processus électoral, mais elle n’envisage rien pour
que les responsables de la tuerie de 33 guinéens soient punis. Dommage !
C’est d’autant plus paradoxal de sa part que c’est sur cette même
jeunesse qu’elle compte pour faire aboutir ses revendications
exclusivement électoralistes.
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