Le
gouvernement malien a libéré 201 prisonniers des groupes armés qui ont
sévi et continuent de sévir au Nord du Mali. Parmi ces prisonniers
figurent des terroristes qui ont été impliqués dans l’accomplissement de
crimes imprescriptibles et pour lesquels ils étaient poursuivis par les
organisations de défense de droits de l’homme. Le dernier fait ou la
goutte qui a fait déborder le vase a été la libération de Ag Alfousseyni
dit Houka Houka, ancien juge islamiste de Tombouctou arrêté en janvier
2014 et libéré le 15 août dernier. 30 organisations et associations
regroupées dans le Réseau des défenseurs des droits de l’homme sont
montées au créneau ce jeudi 28 août 2014 au siège de la Commission
nationale des droits de l’homme (CNDH) à travers une conférence de
presse pour dénoncer ces agissements de l’exécutif et solliciter
l’intervention de la Cour pénale internationale.
La
conférence était animée par Me Kadidia Sangaré Coulibaly, présidente de
la CNDH ; Saloum Traoré, président du Réseau des défenseurs des droits
de l’homme au Mali ; Me Moctar Mariko, président de l’Association
malienne des droits de l’homme (AMDH) et Bitou Founè de Wildaf-Mali.
Pour
les conférenciers, il s’agit d’exprimer leur mécontentement par rapport
à la libération des prisonniers du Nord parmi lesquels figurent des
terroristes qui ont été impliqués dans l’accomplissement de crimes
imprescriptibles et pour lesquels ils étaient poursuivis par les
organisations de défense de droits de l’homme. La dernière libération
qui fait sortir ces organisations de leur réserve et considérée comme
celle de trop a été de Ag Alfousseyni dit Houka Houka, ancien juge
islamiste de Tombouctou arrêté en janvier 2014 et libéré le 15 août
dernier alors qu’il était inculpé pour son rôle présumé dans la
commission de violations graves de droits de l’homme à travers des
sentences extrajudiciaires (l’amputation, l’exécution sommaire, des
arrestations arbitraires, des mauvais traitements…).
Selon
Me Moctar Mariko, l’AMDH et la FIDH s’étaient constituées parties
civiles le 20 juin 2014 au côté des victimes de ce dernier. Me Mariko
s’est aussi plaint de la libération de Yoro Ould Daha, ancien membre
influent de la police islamiste du Mujao à Gao pendant l’occupation et
membre d’une aile du MAA.
« Le
gouvernement du Mali a procédé à la levée de six mandats d’arrêt, la
libération politique de 23 éléments du MNLA et HCUA en octobre 2013
ainsi qu’à celle de 42 éléments des groupes armés intervenue le 15
juillet 2014. Ces personnes libérées seraient retournées dans leurs
localités respectives et vont certainement se pavaner devant les
victimes. Ces libérations politiques constituent des véritables
inquiétudes car, elles violent non seulement le principe de la
séparation des pouvoirs et les droits inaliénables des victimes, mais
aussi, mettent en danger les victimes, les juges chargés des dossiers et
dans une moindre mesure les défenseurs des droits humains », a souligné
le président de l’AMDH, Me Mariko.
Pour
le conférencier, ce sont en tout 201 prisonniers du Nord que l’Etat a
libérés parmi lesquels quelques bergers et la grande majorité constituée
de criminels de grands chemins. Selon Me Mariko, seuls les prisonniers
Songhoïs croupissent actuellement dans les prisons. « Nous exhortons les
autorités maliennes à remettre à la justice toutes ces personnes
suspectés d’être impliquées dans les violations graves des droits
humains. Nos organisations et les collectifs des victimes demeurent
préoccupés quant à d’éventuelles libérations. Ainsi, nous demandons au
gouvernement de ne procéder à aucune libération politique quel qu’en
soient les auteurs, et à laisser la justice faire son travail car, force
doit rester à la loi », a précisé Me Mariko.
C’est
d’ailleurs cette situation qui a amené les membres du Cadre de
concertation des organisations et ONGs des droits de l’homme et le
Réseau des défenseurs des droits de l’homme, à adresser une lettre
ouverte au président de la République ce même jeudi 28 août 2014 dans
laquelle, ils recommandent au gouvernement de prendre les mesures
suivantes : lutter contre l’impunité ; respecter le principe de la
séparation des pouvoirs en laissant les juges faire leur travail ;
adopter rapidement le décret d’application de la loi n°2012-025 du 12
juillet 2012 portant indemnisation des victimes de la rébellion du 17
janvier 2012 et du mouvement insurrectionnel du 22 mars 2012 ; mettre en
place rapidement des mécanismes de justice transitionnelle comme la
Commission justice vérité et réconciliation ; prévoir des garanties de
non-répétitions des crises ; recenser les victimes des régions
concernées et évaluer leurs préjudices.
« Nous
lançons un appel pressant à la CPI puisque nous voyons les limites des
juridictions nationales », a laissé entendre Bintou Founè de
Wildaf-Mali.
En
effet, les défenseurs des droits de l’homme craignent qu’après avoir
libéré les prisonniers du Nord, le gouvernement ne soit tenté de faire
autant pour ceux du Sud, c’est-à-dire les militaires impliqués dans les
actes criminels et qui sont aujourd’hui en prison. La bande des Sanogo
en l’occurrence. « Nous avons pensé au début que tout allait se passer
très bien, mais nous sommes en train d’être déçus. Nous sommes contre la
libération de Houka Houka parce que ça pourrait nous amener à d’autres
libérations plus graves. Ça risque de donner l’argument aux gens selon
lequel puisqu’on a libéré X, il faut libérer les autres. Et les victimes
dans tout ça ? Le risque est grand que les mêmes violateurs des droits
de l’homme ne puissent continuer avec leurs actes envers les victimes »,
a expliqué Saloum Traoré du Réseau des défenseurs des droits de l’homme
au Mali.
Abdoulaye Diakité
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire