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vendredi 29 août 2014

«Bennoo Bokk Yaakaar est une bande d’hommes et de femmes qui se sont partagé le trésor public à travers certains postes et privilèges»


malick noel seck
L’OBS – «On s’est battus pour que le fils de Wade ne soit pas Président, aujourd’hui, on nous balance un beau-père, des beaux-frères, toute une famille…»

«Que Macky Sall ramène son mandat à 5 ans ou pas…»

«Le wax waxet est en permanence au Sénégal…»

«Il y a 56 fautes d’orthographe dans le document du Pse…»

Connu pour son franc-parler, Malick Noël Seck ne met pas de gants, dans cet entretien accordé à L’Observateur, pour s’attaquer au régime de Macky Sall. Le leader du parti «Mom sa rew» a commenté les sujets brûlants de l’actualité. Les Locales, le remaniement, le Plan Sénégal émergent, la réduction du mandat du président de la République, le brûlot du Colonel Ndao, rien n’est laissé en rade. Entretien.
Vous vous étiez engagés dans le combat pour le contrôle de la mairie de Fann-Point E-Amitié, mais vous avez perdu. Est-ce une déception ou vous vous y attendiez ?
C’est loin d’être une déception. Je me suis engagé avec un mouvement citoyen qui s’appelle «Yessal diotna» qui existe depuis deux ans dans cette commune. «Mom sa rew», notre parti politique, ne s’est pas engagé pour les Locales de cette année, cela ne faisait pas partie de sa feuille de route. Pour la bonne et simple raison que notre parti vient de naître. D’ailleurs, il n’a pas encore de récépissé et puis nous n’avons pas encore fait le travail nécessaire qui nous permet en toute honnêteté de se présenter dans toutes les localités. La ligne de conduite était de dire à nos militants qu’ils peuvent aller avec leur association ou mouvement citoyen pour se présenter aux Locales. Nous étions au niveau de Kaolack, de Pikine, de Guédiawaye. Mais, à l’image des mouvements citoyens qui ont perdu, presque partout, nous avons les résultats qui correspondent à ceux des mouvements citoyens. Mais, c’était pour moi une expérience riche. Parce que l’image que le mouvement citoyen cherchait à faire refléter, en fait, n’est pas perçue de cette manière par les populations. On a beau dire, y en a marre de la politique, que c’est la mode maintenant des mouvements citoyens, mais au final, vous constatez que les 30 – 35% des gens qui votent continuent à faire confiance aux partis traditionnels. Et pire, ils continuent à faire confiance aux coalitions qui se regroupaient autour de leur inanité juste pour gagner et que c’était un partage du gâteau qui s’opérait. Quand on croit à des idées fortes, on ne se dilue pas dans une coalition. On a vu des choses incompréhensibles lors de ces élections. Le Ps qui s’alliait avec le Pds dans certaines localités, l’Apr avec le Ps contre d’autres éléments du Ps. Vous avez la Première Dame qui vient faire campagne à Grand-Yoff contre le Premier ministre de la République.
Mais, pour une première participation à une élection en tant que leader de parti, que retenez-vous de ces Locales ?
Il y a beaucoup de choses et leur contraire. Je ne peux pas comprendre qu’il y a deux ans, douze personnes sont décédées pour le départ de Me Abdoulaye Wade et qu’aujourd’hui, pour des raisons politiciennes, cette opposition là qui nous appelait à nous battre à la Place de l’Obélisque, s’allie avec le Pds. Le Ps s’allie avec le Pds, le Rewmi avec le Pds, des fois même le Pds s’allie avec l’Apr. Et cela se passe sous les yeux des Sénégalais. Donc, finalement le responsable, c’est celui qui vote. Ils font des combines et quand ils les proposent, on les valide. On nous a servi les Assises nationales, ses acteurs n’ont pas réussi à s’entendre et ils ont accompagné le fils de Wade pour pouvoir se partager le gâteau. Et aujourd’hui qu’il n’y a plus rien à se partager, ils vont se séparer.
Donc, pour vous, Bennoo Bokk Yaakaar va éclater ?
Le Bennoo Bokk Yaakaar n’a jamais existé. Quelle est son idéologie, quelle est sa feuille de route ? Avez-vous vu un Pv d’une réunion de Bennoo Bokk Yaakaar depuis qu’ils ont gagné ? Ils ne se sont jamais réunis. Le Bennoo Bokk Yaakaar est une bande d’hommes et de femmes qui se sont partagé le Trésor public à travers certains postes et privilèges. Ils n’ont jamais eu de programme. Il y avait un programme, le «Yonnu Yokkute» qui a sauté parce que ce n’est pas le Président sénégalais qui décide. C’est Breton Wood, c’est l’étranger qui décide. Ils sont allés nous sortir le Pse qui est bourré de fautes et qui a coûté plus de 2,5 milliards de FCfa.
Pourquoi vous dites que c’est bourré de fautes ?
Il y a 56 fautes d’orthographe dans le document du Pse. C’est horrible. C’est toujours la même chose. Nous sommes des champions dans les plans. En 2013, nous avons des gens qui roulent en charrette, des femmes qui accouchent sur des charrettes. Nos hôpitaux sont devenus de vrais mouroirs. A l’Université, c’est la catastrophe et on nous parle de Plan Sénégal émergent.
Donc pour vous, le Pse ne va pas développer le Sénégal ?
Abdoul Mbaye est venu avec un plan décennal, il est reparti sans nous dire où en est ce plan. Mimi Touré est venue avec un plan qui peut accélérer la cadence, elle est partie dans l’accélération. Elle ne nous a pas dit où l’on en est. Aujourd’hui, on nous parle de Plan Sénégal émergent qui ne tient pas la route. Ils prévoient une croissance de 7%, alors que c’est impossible. Nous n’avons pas de banque nationale. Nous avons une monnaie qui porte le nom de la France qui est imprimée à Chamelière, en France, nos réserves de devises sont logées au Trésor public français, à la Bceao, au Sénégal, dans le Conseil d’administration, il y a deux Français qui, lorsqu’ils ne sont pas d’accord, aucune décision n’est prise. Maintenant, on me parle d’un Plan sénégalais pour l’émergence. Et pendant que tout cela se passe, le Premier ministre français est en train d’aller en croisade contre l’Euro pour qu’on la dévalue. Il faut qu’on ait un plan pour se préparer à cela. Si on dévalue l’Euro, c’est une catastrophe pour le Sénégal et la Zone franc. Notre Président vient de signer des accords de partenariat économique qui vont achever les petites et moyennes entreprises. Le peu de marchés que nous avons, nous les donnons à des entreprises françaises, nous n’avons qu’un seul Port, nous ne le gérons pas, une autoroute que nous donnons pour 30 ans à une entreprise étrangère et cela nous a coûté 300 milliards de FCfa. Et nous n’avons aucun moyen d’avoir un capital fort avec de l’argent dans une banque qui appartient au Sénégal. On va où ? 
Cela va changer avec le nouveau gouvernement nommé par Macky Sall ?
Est-ce que vous êtes sûrs que c’est lui qui a nommé le gouvernement ?
Oui, je le crois…
Ah bon ! Je sais que sa femme a déclaré, il n’y a pas longtemps, que les dossiers lourds à gérer lui soient transférés et que son mari est trop sentimental et sensible pour gérer certains dossiers. Elle a dit cela dans une interview de François Hugo qui faisait un livre sur les femmes des Présidents.
Vous voulez dire que c’est la Première Dame qui gère le pays ?
Elle gère une partie des choses, cela est clair puisqu’elle le dit elle-même. Ce n’est pas moi qui l’invente. C’est elle qui dit dans ce livre que son mari est trop sensible et trop sentimental pour gérer certains dossiers et qu’on lui transfère ces dossiers-là pour qu’elle les gère à sa place. Même si, d’une part, elle humilie son mari, cela ne nous regarde pas, mais l’humiliation que subit son mari, c’est quand même le président de la République. C’est une énième humiliation que nous, en tant Sénégalais, sommes obligés ou pas d’avaler. Cela révèle vraiment ce qu’est devenu le Sénégal. Nous n’avons plus d’Etat. Ce pays a été bâti sur un mensonge, à savoir que nous sommes un pays indépendant et que nous élisons des gens qui sont là pour travailler pour nous. Nous ne décidons de rien, les Présidents qui sont là sont seulement des sous-préfets.
Et que pensez-vous de la déclaration du ministre Magnick Ndiaye disant qu’ils ont été nommés grâce à la Première Dame ?
Je crois qu’il était sincère quand il disait ça. Il n’y a pas de polémique à faire sur ce sujet. Il a remercié la personne qui a fait de lui un ministre. Je crois que ce type (Magnick Ndiaye, Ndlr), au fond, est plus honnête que ceux qui ont fait de lui un ministre. Maintenant, cela ne me choque pas dans le sens où on le dénonce depuis des années. On avait fait un communiqué de presse qui date d’un an et demi et on disait que les problèmes de Macky Sall allaient venir de sa femme. Aujourd’hui, un ministre de la République dit qu’il a été nommé grâce à Marème Faye Sall, on n’a pas à être choqué. Ce ne sont que des confirmations. Et sa femme dit de lui que c’est un sentimental. C’est sa femme qui parle de lui en ces termes.
Mais comment appréciez-vous le nouveau gouvernement ?
Pour nous, c’est la continuité. Les gouvernements se succèdent et le Sénégal recule toujours. Il va faire encore une Déclaration de politique générale, qui va certainement durer deux ou trois heures, que personne ne va retenir parce qu’on n’a rien retenu des précédentes. Il ne se passera rien. Je vous dis qu’aujourd’hui, nous ne contrôlons même plus nos entreprises. Le patronat est absent, tous les marchés sont donnés à l’extérieur, les décisions fondamentales sont prises par des Cabinets extérieurs. Nous ne choisissons pas nous-mêmes ce qui est bon pour nous, on nous dit ce qui est bon pour nous. Et c’est là où nous manquons d’audace et de liberté. Aujourd’hui, c’est la Banque mondiale et le Fmi qui décident. Nous avons une Administration, une bourgeoisie de fonctionnaires qui ne sert que de relais, de courroie de transmission entre ces multinationales qui nous exploitent. Notre Administration est là pour appliquer des politiques qui viennent de l’extérieur pour des intérêts extérieurs. L’Administration ne travaille pas pour nous.
Que vous inspire le fait que Macky Sall sanctionne les perdants aux élections locales ?
Il nous montre que c’est vraiment l’école de Wade, c’est un charretier. Comment on peut lier la compétence d’un ministre au fait qu’il perde ou gagne une élection ? Déjà, il avait dit aux Directeurs généraux : «Je vous nomme, vous allez aux élections, si vous perdez, vous serez sanctionnés.» C’est à dire qu’il invite les Directeurs généraux à aller corrompre les populations. Dans ma commune (Fann-Pont E-Amitié, Ndlr), il y a eu toute sorte de tentatives de corruption. On m’a proposé de me rembourser mes frais de campagne.
Qui vous a proposé ça ?
Non. C’est pour vous dire que quand on vous nomme à un poste, ce n’est pas pour que vous développez telle agence ou pas, c’est pour que vous trouvez les voies et moyens de vous faire mettre de l’argent dans les poches pour pouvoir acheter des sacs de riz que vous allez distribuer aux populations. Ça c’est une première insulte. Une insulte qu’il se fait lui même parce qu’il montre qu’il n’a pas de vision, il se met nu tout seul. Cela veut dire que la norme, la qualité, c’est celui qui arrivera le mieux à corrompre ses concitoyens. C’est très révélateur du type de personne qu’on est. Macky Sall est déjà une cible périmée, il est comme les autres. Ils achètent les gens, ils placent leur famille, leur belle-famille. On s’est battu pour que le fils de Wade ne soit pas Président, on nous balance beau-père, beaux-frères, toute la famille. Allez, venez tous, on va tous s’empiffrer. C’est cela que Macky nous sert et on est là, on le regarde faire.
Le Président Macky Sall avait promis de réduire son mandat de 7 à 5 ans, mais on le soupçonne de vouloir faire un wax waxet. Pensez-vous qu’il en soit capable ?
Que cela soit de 5 ans, de 7 ans ou de 10 ans, un pays qui ne décide pas de son destin n’en est pas un. Qu’il fasse 5 ou 7 ans, si c’est pour être aux ordres, je ne vois pas la différence. Il avait dit qu’il allait ramener cela à 5 ans, on attend de voir. Qu’il le fasse ou pas, cela n’aura pas d’impact réel sur l’amélioration des conditions d’existence des Sénégalais. Maintenant, qu’il ne respecte pas sa parole, c’est fort probable, parce que c’est sa formation de Pds, c’est le wax waxet. Je pense qu’ils vont faire un plan avec l’Assemblée nationale pour laisser le mandat à 7 ans parce qu’il sait que les gens ne l’apprécient pas. Donc, ils ne prendront pas le risque de partir au bout de 5 ans. Attendons de commenter ce énième scandale quand il va trahir sa décision.
Pensez-vous que le Peuple va accepter un tel wax waxet ?
Le peuple a refusé le wax waxet de Wade pour se retrouver avec un Président qui dit : «Je ne vais pas envoyer des militaires sénégalais mourir au Mali dans une guerre qui n’est pas la nôtre.» Et que sur appel de François Hollande, il fait du wax waxet. Et nos militaires vont au Mali et se font tuer pour aider la France à mettre la main sur le gaz malien. Ce n’est pas un wax waxet qu’on a accepté ? Des wax waxet, on en  accepte tous les jours. Il avait promis la transparence, de lutter contre le népotisme, et c’est sa propre femme qui nomme les ministres en le traitant de sentimentaliste. Il y a des marchés de gré à gré qui se donnent, on donne le Port à Nécotrans comme ça dans une nébuleuse la plus totale qui fait perdre des milliers d’emplois. Le wax waxet est là en permanence.
L’actualité c’est le brûlot du Colonel Ndaw qui a fait des révélations dans le fonctionnement de la gendarmerie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’ai lu les 100 premières pages, mais déjà à la 20e page, j’avais envie de me taper la tête contre le mur, tellement j’étais sidéré, choqué et en même temps conforté parce que ce sont des choses que nous, de «Mom sa rew», avons tellement dénoncé. Mais, je pense que c’est un scandale. Ce livre me révèle que la gendarmerie en tant que telle n’existe pas. D’après ce que j’ai lu, la gendarmerie s’est finalement transformée en une société de raquette, de corruption. C’est ce qu’il dit dans le livre. Il y a la police qui était dans des affaires de trafic de drogue, celui qui dénonce cela, on l’écarte, on le sanctionne. Aujourd’hui, on dit que la gendarmerie est pire, ils font des trafics en tout genre, ils font des deals avec la rébellion. Soit la gendarmerie étant complice des rebelles, c’est un rebelle, soit la rébellion n’existe pas. Parce qu’on ne peut se rebeller contre un oppresseur et recevoir de l’argent de ce même oppresseur. Cela veut dire que la rébellion casamançaise, c’est du vent. C’est cela que j’apprends dans ce livre.
Et comment appréciez-vous l’évolution de cette affaire avec le groupe parlementaire de la majorité qui réclame l’audition des personnalités citées dans le livre ?
Oui, il faut les auditionner. Il faut qu’on juge les gens, qu’il y ait des sanctions. Ce qui a été révélé est extrêmement grave. Ces affaires-là font ressortir au grand jour l’inanité de nos Etats, cela nous montre que nous ne sommes rien du tout. Effectivement, ceux qui profitent de ce système vont tout faire pour que cela ne sorte pas. Ils vont étouffer l’affaire, même s’il y a des sanctions, ça sera contre une ou deux personnes. Chaque jour, il y a un scandale, c’est devenu la norme. C’est la République des scandales. Demain, il y aura autre chose et les grns vont oublier cette histoire-là.
Réalisé par SOPHIE BARRO

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