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jeudi 31 juillet 2014

Causes du crash du vol AH5017 d’Air Algérie : Les enquêteurs parlent, expliquent mais restent prudents

Il y a une semaine jour pour jour, un avion d’Air Algérie ralliant Ouagadougou à Alger s’écrasait en territoire malien avec à son bord près de 120 passagers. Tous tués sur le coup. Des experts- français pour la plupart- ont été mobilisés sur le terrain avec deux missions essentielles : identifier les corps des victimes et déterminer les causes de l’accident. Nous y sommes allés ce mercredi 30 juillet pour voir comment les enquêtes sont menées sur le terrain et selon toute vraisemblance, aucune réponse définitive ne sera disponible avant novembre 2014. C’est ce que nous ont confié nos interlocuteurs enquêteurs.

Colonel Patrick TOURON, Directeur adjoint de l’institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale de France et Chef du Détachement. Il a en charge l’identification des victimes de la catastrophe.

Colonel TOURON : « Pas de réponse avant trois à cinq mois ».
« Traditionnellement lorsqu’il y a une catastrophe et qu’il faut procéder à l’identification des victimes, nous travaillons en cinq (05) postes. Un médecin légiste qui examine les corps, un dentiste légiste qui procède aux odontogrammes (Très identifiants sur les catastrophes : 90% des identifications des personnes), le spécialiste en empreintes digitales, le biologiste moléculaire et une cinquième personne qui a en charge le regroupement de tous les biens personnels de manière à ce qu’on puisse les restituer à la famille lorsque les identifications ont eu lieu. Dans le cas présent, compte tenu de la nature du choc et de sa violence, de la poly fragmentation qu’ont subie les victimes, nous ne travaillons qu’avec le biologiste moléculaire. Nous avons donc prélevé l’ensemble des éléments humains restant sur le site et procédé à une analyse génétique afin de pouvoir identifier ces fragments à un individu. Pour ce faire, la cellule post mortem ici présente va envoyer ces échantillons à analyser dans un laboratoire pour obtenir cet ADN. De la même manière que vous avez ici une équipe post mortem qui procède à l’identification ou au relevé des éléments identifiants, vous avez une autre équipe qui s’appelle ante mortem qui fait que l’ensemble des proches des familles vont pouvoir envoyer leur ADN via leurs pays ou via Interpol à cette cellule ante mortem. De manière à ce qu’ensuite nous puissions croiser ces données et remettre une identité à chaque fragment de corps que nous aurons identifié. Nous avons prélevé de l’ordre d’un millier d’échantillons, ce qui veut dire que nous avons entre trois (03) et cinq (05) mois pour aboutir aux premières identifications. Car il est clair que les identifications et la restitution des corps ne pourront s’effectuer que lorsque nous auront procédé à l’analyse de tous les éléments que nous aurons prélevés.
Nous avons prélevé l’ensemble des éléments de corps que nous avons pu retrouver qui sont des éléments biologiques très fragmentés, nous les avons placés sous scellée, envoyés pour analyse par l’intermédiaire de la gendarmerie malienne ici présente qui dirige l’enquête. Il faut savoir qu’il n’y aura pas de réponse probablement avant 03 à 05 mois. Car l’ensemble des éléments vont devoir être analysés, et lorsque vous voyez la violence du choc et les fragments de l’avion, vous pouvez imaginer la fragmentation des victimes. A l’heure actuelle nous sommes en train de les exploiter, et le lieutenant qui a en charge la procédure verra quel laboratoire va procéder à des analyses. L’entraide entre la France et le Mali va être probablement mise en place de manière à ce que ces analyses soient effectuées ».
Lieutenant Makane Coulibaly, membre de la commission malienne d’enquête : « La partie malienne a demandé le concours des experts français »
« La partie malienne a demandé le concours des experts français pour nous apporter plus de réponses (…) Actuellement on ne parlera plus de corps mais de fragments humains qui sont ici. Leur acheminement dans telle ou telle destination dépendra des autorités maliennes ».
Lieutenant- Colonel Simon pierre DELANNOY, Commandant de la Section de Recherche de la Gendarmerie des Transports aériens, en charge de l’investigation sur la cause de la chute de l’avion. 

Lt- Colonel DELANNOY : « Aucune hypothèse n’est exclue »
« Je tiens à souligner que nous travaillons en étroite coopération et en assistance de la Gendarmerie malienne. Et cela dans le cadre d’une entraide judiciaire internationale. Ce qui frappe lorsque l’on arrive sur la scène, c’est que nous avons un impact d’une extrême violence. Le sol ici est d’une nature telle qu’il n’absorbe pas une partie de l’énergie de l’impact, il l’a restituée immédiatement. Nous avons un avion qui faisait à peu près 80 tonnes au moment où il a impacté le sol et vous pouvez constater que malgré la vitesse verticale qu’on imagine très importante juste au moment de l’impact, le cratère principal n’est de profondeur que de l’ordre de 1m50 à 1m80. C’est à dire que l’ensemble de l’énergie s’est propagé vers le haut et il y a eu une onde de choc qui a littéralement pulvérisé l’avion, et malheureusement les passagers qui étaient à bord avec. Nous on a investigué la scène comme une scène de crime- même si on n’est bien sûr pas sûr de cette hypothèse- mais on travaille de manière très méthodique. Nous avons découpé le terrain en bandes, nous l’avons arpenté avec les enquêteurs du bureau enquête d’analyse malien et les gendarmes maliens, de façon à répertorier toutes les pièces, à les photographier, à les décrire et à les repositionner au GPS de manière à avoir un diagramme de répartition. Nos investigations nous ont permis de constater que déjà il n’y avait plus de pièce de moteur d’un seul tenant. Les moteurs ont été pulvérisés à l’impact.
Alors que ce sont quand même des pièces d’un poids très important qui généralement résistent à cet impact. Les trains d’atterrissage principaux qui sont quand même des pièces très lourdes ont été projetés pour certains jusqu‘à 350 à 400 mètres du site de l’impact. Nous n’avons pas trouvé non plus de siège, en tout cas intact. Donc les malheureux passagers qui étaient assis sur ces sièges ont subi le même sort malheureusement. Nous avons trouvé des armatures, nous avons trouvé quelques morceaux de sièges, nous avons trouvé quelques morceaux du cockpit, nous avons trouvé le bout des ailes, nous avons trouvé la dérive, nous avons trouvé le plan horizontal ; ce qui nous laisse à penser que l’avion était effectivement intègre au moment où il a touché le sol. En revanche sur les circonstances et les explications concernant le fait qu’il a été impacté comme cela, nous ne pouvons pas tirer de conclusion. Aucune hypothèse n’est exclue. L’ensemble de ce que nous avons récupéré sur le site devra être confronté à l’ensemble des investigations qui seront aussi faites en parallèle. A Paris, une cellule d’enquête a été mise en place pour recueillir des informations sur l’avion, sur l’équipage, sur l’environnement météo, sur l’environnement du contrôle, sur la trajectoire de l’avion. Il faudra remettre tout cela en concordance pour les recouper et cela va être une enquête d’assez longue haleine ».
Tout l’avion est- il là ou est-il possible qu’une partie soit ailleurs ?
Lt- Colonel TOURON : Pour nous, tout l’avion est là. Nous avons récupéré les bouts d’ailes, donc dès lors on peut considérer que le reste était présent. Nous avons récupéré la dérive, on peut considérer qu’elle était présente aussi. Nous avons récupéré des éléments du plan fixe de profondeur et du plan mobile de profondeur. Donc nous pouvons considérer qu’ils étaient là. Nous avons récupéré et nous avons constaté que les moteurs étaient également sur place. Nous avons récupéré également les trains d’atterrissage, des surfaces mobiles des ailes et les commandes principales. Nous avons récupéré aussi des éléments de cockpit. Si nous avons l’extrémité de l’avion, il y a quand même de fortes probabilités pour que le reste soit présent aussi. Tout cela nous laisse à penser sans rien exclure à ce stade de l’enquête que l’avion était intègre au moment de l’impact. Notre travail d’enquête c’est de prendre et exploiter toutes les hypothèses et fermer les portes au fur et à mesure de manière à en privilégier une dernière qui sera confortée par l’ensemble des investigations à réaliser.
Dans combien de temps pourra-t-on par exemple avoir les résultats de l’analyse des boîtes noires ?
Lt- Colonel TOURON : Les enregistreurs ont été retrouvés sur le terrain, ils ont été sous l’égide des autorités judiciaires maliennes et du gouvernement malien envoyés en France pour être exploités au bureau enquête analyse français. D’après les informations, ces boîtes noires sont en cours d’analyse, de reconditionnement, car elles ont quand même été soumises à la même violence de l’impact que le reste des pièces de l’avion. Donc il y a un gros travail très minutieux qui est actuellement en cours.
Pour quel délai ?
Lt- Colonel TOURON : Je ne vais pas me risquer à vous donner de délai à l’heure actuelle. Les autorités maliennes assisteront à l’ensemble des opérations de dépouillement des enregistreurs, je ne vais pas me risquer à donner de délai aujourd’hui. Cela demande de la minutie, cela demande de la rigueur, et c’est ce qu’on doit aux familles. Que ce soit dans le cas de l’identification comme dans le cas de l’investigation, nous devons aux familles cette rigueur et cette méthode.
Rassemblés par Samuel Somda
Lefaso.net

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