Victime d'une mutinerie d'une partie de l'armée, la Guinée-Bissau a plongé dans l'horreur le 7 juin 1998.La tentative de coup d'état a tourné à la guerre de tranchées. Les mutins n'ont pas hésité à pilonner la capitale, coupée du monde et vidée de la plus grande partie de ses habitants.
«C'est ici que tout a commencé. » Notre guide montre du doigt une superbe maison de maître, entourée d'arbres sans, doute centenaires, dans un quartier résidentiel de Bissau. « C'est ici que les rebelles ont tiré les premiers coups de feu, le dimanche 7 juin 1998. Devant cette maison. Celle du brigadier [général] Ansumane Mané. » Selon plusieurs témoins, des hommes en armes, appartenant à l'armée bissauguinéenne, sont sortis au pas de charge de la résidence de celui qui fut pendant longtemps le chef d'état-major des forces armées de GuinéeBissau. Armes au poing, ils ont commencé à tirer un peu partout.
Leur première cible a été l'Hôtel du 24 septembre, situé de l'autre côté de la rue. La soixantaine de clients d'un des plus vastes hôtels de la place, étrangers pour la plupart (notamment de nombreux ouvriers espagnols construisant un pont et réhabilitant une usine à Bissau), ont été surpris dans leur sommeil par des coups de feu nourris. Dans une panique indescriptible, ils ont pris la poudre d'escampette, sans se préoccuper de leurs effets personnels, abandonnés sur place.
Heureusement, les hommes en armes ne sont guère restés dans l'Hôtel du 24 septembre. A l'évidence, ils cherchaient surtout à affoler les clients, à créer un mouvement de panique, qui allait se propager à travers Bissau comme une traînée de poudre. Cet objectif a été atteint. D'autant qu'ils se sont lancés dans les rues de la capitale en tirant tous azimuts.
C'est ainsi que Bissau a basculé dans l'horreur et la désolation. Depuis le 7 juin, la ville est l'objet d'échanges de tirs et croule sous les obus. Fuyant les combats, la majorité de la population a pris la fuite, se réfugiant où elle le pouvait. Selon certaines sources, plus de 250000 personnes ont ainsi été déplacées par cette guerre qui ne dit pas son nom.
Les mutins ont certes été progressivement boutés hors de la ville par les forces loyalistes, épaulées par des troupes sénégalaises et guinéennes. Mais au 25 juillet, ils tenaient encore une partie de l'aéroport international, empêchant tout contact avec l'extérieur, et s'étaient repliés au nord de la ville, dans une zone difficile d'accès et entourée de populations qui leur servent de « bouclier humain », à partir de laquelle ils pilonnent Bissau avec d'impressionnants obus.
Les mutins ont certes été progressivement boutés hors de la ville par les forces loyalistes, épaulées par des troupes sénégalaises et guinéennes. Mais au 25 juillet, ils tenaient encore une partie de l'aéroport international, empêchant tout contact avec l'extérieur, et s'étaient repliés au nord de la ville, dans une zone difficile d'accès et entourée de populations qui leur servent de « bouclier humain », à partir de laquelle ils pilonnent Bissau avec d'impressionnants obus.
QUI sont ces hommes armes . Des militaires bissauguinéens, vraisemblablement rejoints depuis le 7 juin par quelques aventuriers et épaulés par des combattants étrangers ( on parle notamment des rebelles casamançais qui ont traversé en masse la frontière avec le Sénégal). Que veulent-ils ? Près de deux mois après le début des combats, on se le demande toujours. Le chef de l'Etat lui-même, Joào Bemardo Vieira, trouve cette mutinerie « incompréhensible ». Mais, en cherchant bien, on finit par trouver des éléments de réponse.
L'homme qui a pris le commandement des mutins est le général Ansumane Mané. Ancien chef d'état-major, il a été révoqué le 5 juin 1998. Au début de l'année, il avait été suspendu de ses fonctions par le président de la République afin de permettre le bon déroulement d'une enquête des services de la sécurité d'Etat. L'Assemblée nationale, qui a voulu en savoir plus sur cette affaire, a elle-même créé, après la suspension du général Ansumane Mané, une commission d'enquête parlementaire. Ses travaux sont achevés. Ses conclusions devaient être examinées par l'Assemblée nationale le... 8 juin.
L'homme qui a pris le commandement des mutins est le général Ansumane Mané. Ancien chef d'état-major, il a été révoqué le 5 juin 1998. Au début de l'année, il avait été suspendu de ses fonctions par le président de la République afin de permettre le bon déroulement d'une enquête des services de la sécurité d'Etat. L'Assemblée nationale, qui a voulu en savoir plus sur cette affaire, a elle-même créé, après la suspension du général Ansumane Mané, une commission d'enquête parlementaire. Ses travaux sont achevés. Ses conclusions devaient être examinées par l'Assemblée nationale le... 8 juin.
Les conclusions de ces enquêtes sont édifiantes: un vaste trafic d'armes et de munitions a été organisé et mis à exécution par des officiers bissauguinéens ; un grand nombre d'armes, de munitions et de mines antipersonnel ont quitté le magasin général des forces armées pour être, notamment, remises aux rebelles casamançais qui défient les autorités sénégalaises depuis des années; enfin, le chef d' état major de l'époque, Ansumane Mané, est personnellement impliqué dans ce vaste trafic, en compagnie d'autres officiers supérieurs de l'armée et de complices étrangers. La plupart ont été arrêtés. Sauf Ansumane Mané.
Après une première revendication purement corporatiste (l'amélioration de leurs conditions de vie ), les mutins ont demandé la réintégration du chef d'état-major déchu. Ce dernier s'est même autoproclamé chef d'une « junte militaire », avouant du coup ses ambitions.
Après une première revendication purement corporatiste (l'amélioration de leurs conditions de vie ), les mutins ont demandé la réintégration du chef d'état-major déchu. Ce dernier s'est même autoproclamé chef d'une « junte militaire », avouant du coup ses ambitions.
Pour Joào Bemardo Vieira, ce n'est pas surprenant: un coup d'Etat était pour cet homme la seule manière de faire disparaître les dossiers compromettants qui l'accusent et qui devaient le conduire devant la justice.
Ce que les mutins n'avaient pas prévu, c'est que leur aventure durerait plus que l'espace d'un matin. Car la plupart de leurs objectifs militaires n'ont pu être atteints, le 7 juin 1998. Ils avaient prévu de prendre Bissau par surprise, en un temps record. Ils se sont trompés. En vain, ils ont tenté de prendre le contrôle de la télévision et de la radio nationales. Ils ont alors jeté leur dévolu sur une radio privée, appartenant à un responsable de l'opposition, Radio Bombolom. A Bissau, depuis que les mutins en ont pris le contrôle, on l'a surnommée « Radio des milles collines », par référence à celle qui a joué un rôle nauséabond dans le génocide rwandais.
Ce que les mutins n'avaient pas prévu, c'est que leur aventure durerait plus que l'espace d'un matin. Car la plupart de leurs objectifs militaires n'ont pu être atteints, le 7 juin 1998. Ils avaient prévu de prendre Bissau par surprise, en un temps record. Ils se sont trompés. En vain, ils ont tenté de prendre le contrôle de la télévision et de la radio nationales. Ils ont alors jeté leur dévolu sur une radio privée, appartenant à un responsable de l'opposition, Radio Bombolom. A Bissau, depuis que les mutins en ont pris le contrôle, on l'a surnommée « Radio des milles collines », par référence à celle qui a joué un rôle nauséabond dans le génocide rwandais.
Dans un premier temps, « les ondes de Radio Bombolom ont permis aux rebelles de faire peur à la population », expliquent plusieurs habitants de Bissau. « Quittez la ville! Nous allons la réduire en pièces! Partez si vous voulez avoir la vie sauve! », a-t-on pu entendre. Puis, lorsque les mutins se sont enlisés, Radio Bombolom leur a servi de caisse de résonance pour propager leurs revendications, qui n'ont cessé de changer de nature. De corporatistes, elles sont devenues politiques, mais sélectives. C'est ainsi qu'a été exigée la démission du président de la République et de son gouvernement, mais pas celle de l'Assemblée nationale.
Pour un proche du pouvoir, ce n'est pas innocent. La Constitution bissauguinéenne prévoit en effet que c'est le président de l'Assemblée nationale qui assume l'intérim en cas de vacance de la présidence de la République. Pour beaucoup à Bissau, les choses ne font pas de doute: « Nino Vieira, qui dérange, devait être remplacé par le président de l'Assemblée, réputé plus proche de l'ancienne puissance coloniale. En fait, la Guinée-Bissau est en train de payer au prix fort son adhésion à l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest et à la zone franc » en 1997.
Exagération ? Paranoïa ? Peut être. Mais comment interpréter alors les déclarations de certains hommes politiques à Lisbonne, expliquant benoîtement, après le début des combats, qu'ils savaient qu'un coup d'Etat était en préparation, deux mois avant le 7 juin 1998'! A Bissau, c'est peu dire que l'on a peu apprécié ce genre de déclarations. Dans les rues, il ne faut pas beaucoup insister pour que les langues se délient, et dénoncent ce que l'on appelle ici le « double jeu » ou « la duplicité » du Portugal.
Exagération ? Paranoïa ? Peut être. Mais comment interpréter alors les déclarations de certains hommes politiques à Lisbonne, expliquant benoîtement, après le début des combats, qu'ils savaient qu'un coup d'Etat était en préparation, deux mois avant le 7 juin 1998'! A Bissau, c'est peu dire que l'on a peu apprécié ce genre de déclarations. Dans les rues, il ne faut pas beaucoup insister pour que les langues se délient, et dénoncent ce que l'on appelle ici le « double jeu » ou « la duplicité » du Portugal.
Beaucoup racontent que lors du premier contact avec les rcebelles établi par les émissaires portugais, avec l'accord des autorités de Bissau, le Portugal aurait « livré du matériel ultra performant de télécommunication par satellite » aux mutins. C'est d'ailleurs ce qui aurait poussé le secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, le Guinéen Lansana Kouyaté, un homme d'habitude très posé, à dénoncer publiquement et avec force le « comportement colonial » du Portugal.
Alors que les partis d'opposition n avalent toujours pas condamné la tentative de coup de force d'Ansumane Mané, les ministres des Affaires étrangères du « groupe de contact » créé par la Communauté des pays de langue portugaise sont arrivés à pied d'oeuvre le 24 juillet 1998. A plusieurs reprises, ils ont fait l'aller-retour entre le palais présidentiel et les positions tenues par les rebelles, se déplaçant dans un hélicoptère, par l'intermédiaire du bâtiment de marine portugaise, le Corte Real, qui croise au large de Bissau (sur lequel ils avaient pris leurs quartiers).
Dans l'après-midi du 26 juillet 1998, un « mémorandum d'entente » a été signé par le gouvernement et un représentant des mutins, prévoyant notamment une trêve et l'ouverture de négociations dans un délai de huit jours. Nul ne sait si ce texte sera respecté. Mais une chose est sûre: les Bissauguinéens souhaitent que les combats cessent une bonne fois pour toute. Commencera alors une autre épreuve pour ce pays aux ressources limitées : celle de la reconstruction.
JEUNE AFRIQUE ECONOMIE, AOÛT 1998
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