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lundi 18 juillet 2016

Afrique centrale : Denis Sassou N'Guesso met le yuan chinois au centre des transactions dans la zone Franc

Au terme de la visite d’Etat du président Denis Sassou N'Guesso en Chine (4-8 juillet 2016), Brazzaville et Pékin ont signé un accord sur la libre circulation du yuan au Congo et la libre circulation du FCFA en Chine.
À cette occasion, le président Denis Sassou N'Guesso  a réussi à hisser le Congo en pays pilote en matière de coopération, et à élever les relations sino-congolaises au rang de partenariat stratégie global. Un accord sur la mise en œuvre de la Zone économique spéciale (ZES) de Pointe Noire, un autre sur le rachat de la dette congolaise des entreprises chinoises, un mémorandum d’entente de coopération entre les ministères de l’Agriculture, la prorogation de l’accord de coopération culturelle 2016-2019, ainsi que le développement de la coopération sur la capacité de production, ont également été signés. À cela on peut ajouter un projet d’accord sur le renforcement du partenariat stratégique monétaire sur la conversion du yuan en FCFA.
Ces différents accords participent au renforcement  de la position de la Chine, comme premier investisseur en Afrique centrale. Ce qui pourrait également concourir à libérer les Etats  membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac - Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad, Centrafrique) du principe de parité fixe liée à la convertibilité du FCFA à l’Euro. À condition que les autres Etats membres de la zone adhèrent, le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Centrafrique et le Tchad ; Peut-être l’auraient-ils fait tacitement !
Prenant de court Paris et la réunion de la zone Franc qui concourent à la prise de décisions entre la France et ses ex-colonies entérine. Nous sommes aux prémices d’une nouvelle culture monétaire en Afrique centrale. L’éclaireur Denis Sassou N'Guesso devrait convaincre ses homologues et s’entourer d’intellectuels, banquiers, économistes et experts de la question. Ce qui pourrait constituer un pas effectif vers l’indépendance monétaire de la Cémac, un pas vers la diversification du partenariat monétaire du Congo, la fin de la domination du FCFA dans le pays et en Afrique centrale, une monnaie dormante, qui ne fluctue pas. Sachant que payer les exportations en monnaie faible et régler ses importations en monnaie forte entraîne une balance commerciale « chroniquement déficitaire ».
La convention relative à la convertibilité de l’Euro en FCFA exige que 50% des réserves soient domiciliées au Trésor français. Ce qui donne à la France un pouvoir de contrôle sur les économies des pays africains, et à ces derniers une dépendance économique, politique donc stratégique. Ce levier de pression est habilement utilisé par la France pour contraindre Denis Sassou N'Guesso, à court de liquidités, à dialoguer avec l’opposition. L’obstacle est habilement contourné par le président congolais, contraignant Paris à un dialogue direct, pour la stabilité et la paix.
L’ancien haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD), Sanou Mbaye, va plus loin dans les explications : « De surcroit, la convertibilité du franc CFA et le régime de contrôle du mouvement des capitaux mis en place par la France en 1993 favorisent une fuite massive des capitaux en direction de l’Hexagone ». Au total, l’Afrique perdrait 600 à 800 milliards d’euros par an en évasions fiscales, soit 10 fois le montant d’aide publique au développement qu’elle reçoit des pays industrialisés.
Le président tchadien, Idriss Deby Itno appelait déjà, en août 2015, les pays africains à couper le cordon entre la FCFA et la France.  L’Angola adoptait au cours du même mois le yuan chinois comme deuxième monnaie officielle. Les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun le Franc CFA (Cédéao -  Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo, Cap-Vert) prévoient de lancer leur monnaie unique en 2020.
La mondialisation des économies africaines, les relations économiques entre l’Afrique et les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) etc contraignent la zone franc à changer de visage et à répondre à une réalité nouvelle, plus en connexion aux attentes des Africains, sans complexe intellectuelle, à prendre en main leur destin. Denis Sassou N'Guesso trace ici une voie possible. L’écrivain camerounais Mongo Beti disait dans Ville cruelle : «  si tu n’as pas la force, fils, essaie de ruser ».

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