Pages

lundi 30 mai 2016

Fonds communs, « caisses noires » … ou sabotage des ressources publiques ?

La question des « Fonds communs » qui anime l’actualité nationale ces derniers jours offre, en réalité, une opportunité de s’interroger sur un certain nombre de réalités qui peuvent porter entorse aux objectifs de la bonne gouvernance prônée pour le Burkina post-insurrection.


RÈagissez ‡ cet article Réagissez

Fonds communs, « caisses noires » … ou sabotage des ressources publiques ?En effet, dans cette ‘’bataille’’ engagée entre la tutelle (le ministère de l’économie) et ses agents, l’on comprend aisément que la question du ‘’Fonds commun’’ mérite d’être clarifiée. De sorte que, si tel doit être le cas, les bénéficiaires puissent en jouir en toute quiétude parce que cela relèverait des prérogatives liées à leurs missions. Au cas contraire, que l’autorité puisse aussi prendre les mesures qui siéent pour mettre fin aux pratiques qui peuvent être nuisibles.
Le Fonds commun existerait dans plusieurs pays, il ne serait pas seulement le fait du Burkina. Il a pour objectif, dit-on, d’assurer un revenu suffisant aux fonctionnaires chargés de collecter et de gérer l’argent public en leur donnant la force de résister aux vents de la corruption. « Le salaire versé au magistrat est bien connu car tout figure sur son bulletin de paie. Donc, son salaire est connu soumis à des obligations vis-à-vis de l’Etat. Mais dans le cas des Fonds communs, qui peut dire combien de Francs CFA sont distribués ? Ce que les gens perçoivent donc sur ces Fonds communs ne figure pas sur leur bulletin et donc, ça échappe à toute imposition… », a fait constater un magistrat aux temps forts de la lutte pour l’application des décrets relatifs à la Magistrature.
Et quand le ministre de tutelle, au point de presse du gouvernement explique : « Lorsque l’on regarde l’historique et les fondements de ce Fonds commun, je me suis juste rendue compte qu’au début, le Fonds commun a été accordé par les ressources issues des recouvrements contentieux. Ça, c’était le début. Exclusivement, je dis bien exclusivement. Mais, chemin faisant, le niveau de recouvrements contentieux n’était plus très élevé et donc, on était obligé de trouver d’autres ressources pour alimenter ce Fonds. C’est cela la question. Et en tant que responsable, il est important que, lorsque vous observez une tendance soit à la baisse soit à la hausse…, vous puissiez effectivement vous poser la question », on ne peut qu’être inspiré d’interrogations. Il faut mettre fin, une fois pour toutes, à ce ping-pong car, dans une telle atmosphère de bras-de-fer, on ne peut plus faire du rendement, l’élément partagé par tous les acteurs.
La clarification s’impose d’autant plus que les interrogations (qui n’ont d’ailleurs pas commencé maintenant) prennent une autre allure avec, en sus, un effet pervers d’embrasement. Dans une de ses parutions en septembre 2013, le journal d’investigation, Le Reporter, sous le titre : « Fonds communs au ministère de l’économie et des finances, un trou de 14 milliards de FCFA sur le budget de l’Etat 2012 » s’inquiétait en ces termes : « Le financement des fonds communs des structures du ministère de l’Economie et des Finances semble devenir un véritable casse-tête pour ce département.
En effet, en 2012, ces fonds que se partagent, au nom de on ne sait quel texte de loi, les agents de ce ministère et de ses structures rattachées ont connu un gap de 14 milliards FCFA qui ont été supportés par le budget de l’Etat. Les prévisions indiquent que ce gap serait bien plus élevé en 2013. C’est extrêmement grave, en ce sens qu’aucune base légale n’existe pour soutenir cette forme d’extorsion des ressources publiques au profit d’une certaine catégorie d’agents de l’Etat.
En dehors des services des impôts, des douanes et de quelques catégories de personnel dudit ministère qui ont légalement droit à des ristournes ou fonds communs, il n’y aurait pas de base légale à l’élargissement de ces fonds à toutes les structures et directions rattachées. C’est un simple arrêté du ministre de l’Economie et des Finances, suite aux mouvements d’humeurs des agents en 2011, qui autorise cette pratique. (…). C’est donc le contribuable qui doit payer les fonds communs distribués aux agents du ministère. C’est scandaleux ! ».
Aujourd’hui, l’actualité remet au goût du jour cette réflexion du journal. Cela l’est d’autant que dans le programme du Président du Faso, figure en bonne place la promotion de la Bonne Gouvernance qui suppose entre autres, la transparence et le respect de la règle. Cette volonté d’ « assainissement » doit impliquer bien d’aspects qui méritent d’être inscrits dans la dynamique qui guide l’autorité dans cette affaire de Fonds communs …
Ces « Caisses noires » des institutions !
Si les Fonds communs sont des « problèmes », parce qu’on ne sait pas combien coûtent-ils à l’Etat, il faut reconnaître que tout ce qui ne peut pas être déclaré aussi pose problème. C’est le cas de ces Fonds spéciaux connus sous le nom de « caisses noires ». Ce n’est pas juste et efficace de faire croire que le problème de ce pays vient seulement de là où l’on veut diriger les regards. Ce débat soulevé sur les Fonds communs doit donc offrir l’opportunité de conduire la logique sur toute la ligne, et jusqu’au bout.
Ainsi, les Burkinabè peuvent néanmoins être informés de la valeur de ces« caisses noires » de la Présidence du Faso, de la Primature, des ministres et bien d’autres institutions tels l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel, etc. Tous ces Fonds alimentés par le budget de l’Etat et laissés à la gestion discrétionnaire de ces responsables d’institution qui ne sont en réalité qu’une patrimonialisation et une personnalisation des institutions. Ce qui ne rime pas avec la moralisation dans la gestion de la chose publique. Revoir toutes les pratiques occultes pourrait éviter les suspicions qui mobilisent inutilement les énergies et pourrissent les environnements de travail.
Aujourd’hui, aucun citoyen lambda n’est en mesure de donner également le montant exact utilisé pour alimenter ces « caisses noires ». Quand bien même un décret en date de 2003 existe pour cadrer l’utilisation de ces ‘’Fonds secrets’’, il reste que leur gestion se caractérise par une opacité ‘’totale’’. Ce qui pose problème !
Si le régime de Roch Kaboré tient loyalement donc à cette gouvernance vertueuse tant prônée, il est primordial de commencer par réviser au haut niveau, ce sabotage des Fonds publics qui ne dit pas son nom. Si l’on ne conteste pas le bien-fondé de ces Fonds, ils doivent néanmoins faire l’objet d’abord d’une publication et ensuite d’un contrôle strict et impartial.
Ce contrôle en aval pourrait être fait par une Commission regroupant par exemple des magistrats, des contrôleurs généraux, des agents d’impôt, des députés, des organisations de la société civile. En clair, il faut un véritable plan de redressement à tous les niveaux de gestion des ressources publiques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire