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lundi 25 avril 2016

Gambie ou les incohérences d’une enclave

Acculturation quand tu nous tiens ! A ce que je sache, les Sénégalais ne sont pas Français, ni non plus les Gambiens des Britanniques. Pourtant, au sein de ces deux États, où les peuples sont identiques, car ayant le même ADN, les mêmes réalités culturelles et cultuelles, parce que forgés du même socle cosmogonique, les mêmes noms de famille sont transcrits de façons différentes... Si les différences s’arrêtaient là, on en serait que plus heureux quant à la situation ubuesque entre cette enclave de 10 000 km2 et le Sénégal qu’il transperce en son centre-ouest, sur la façade Atlantique. Hélas, les antagonismes de façade, les turpitudes, les guéguerres... sont poussés à leur paroxysme. C’est une longue histoire, qui nécessite une réelle prise de conscience, afin que l’abcès soit enfin crevé. Tout remonte au 15ème siècle et par la faute de cupides explorateurs et de roitelets candides et pas visionnaires du tout. Avant que la Compagnie britannique d’Afrique ne s’accapare de la terre en Gambie en 1723 - sachant que les textes ne disent comment - les Portugais y installèrent des comptoirs en 1455. Ceux-ci avaient ouï-dire d’historiens et aventuriers arabes de l’immense richesse des royaumes ouest-africains (l’empire du Mali s’étendait alors jusqu’en Gambie). A l’origine, il y eut les expéditions d’Henri le Navigateur en 1418 jusqu’à Alvise Cadamosto en 1455, en passant par celles de Dinis Dias qui accosta à la presqu’île du Cap-Vert (extrémité occidentale de l’Afrique, actuelle Dakar en 1444), d’Antonio Fernandes jusqu’en Sierra Leone deux ans plus tard... pour ne citer que celles-ci. C’est au cours de cette même année 1446 que Nuno Tristao atteint l’embouchure du fleuve Gambie. Très mal accueilli par les populations locales qui les prirent, lui et son équipage, pour des cannibales, il succomba pendant son voyage retour. La suite, on la connaît. La ténacité d’Henri le Navigateur, pour faire main basse sur l’or dont « regorgeait » le fleuve Gambie qui prend sa source au Fouta Djallon, synonyme d’or, fera le reste... Unies, les populations locales (mandingues, wolofs, sereres, peulhs...) repoussèrent Cadamosto qui dut s’y reprendre par deux fois pour remonter le fleuve de 100 km. Sa « diplomatie » finit par faire plier les rois locaux, singulièrement Batti Mansa, roi du Baddibu. En 1458, ce sera ensuite autour de Diego Gomez, initiateur, dans cette partie du monde, de l’odieux commerce triangulaire. Entretemps les prêtres portugais s'installeront à Nuimi. Un roi leur céda une terre et les bases se multiplièrent à Tankular, Niani Maru, Fattatenda, Kassan... les « amitiés » s’accentuèrent et un ambassadeur de l’empire wolof se rendit même au Portugal en 1488. Suivra l’épopée anglaise, avec la perte des droits commerciaux des Portugais dans la vallée du fleuve Gambie et en Gold Coast, en 1588, la victoire d’Elisabeth 1er aidant. La suite sera ponctuée de beaucoup de guerres entre puissances européennes, de dupes et d’escroqueries (acquisition de l’île James à Heinrich Fock le 26 octobre 1651 par le roi de Nuimi, puis la location de celle de Banjul par le roi du Komba) sur des terres où des autochtones ont été fragilisés par des querelles intestines et un armement archaïque. L’engrenage était désormais enclenché, jusqu’au Traité de Versailles en 1783 et au-delà. Ce pays n’obtient son indépendance qu’en 1965. Il y eut une brève période de confédération sénégambienne, mais depuis l’arrivée du capitaine Yahya Jammeh, par coup d’Etat en 1994, le pays va de mal en pis. Après deux ans à la tête d’un gouvernement de transition dictatorial (AFPCR), il rétablit la peine de mort pour mater l’opposition, et est réélu depuis 1996 sur 4 mandats à des élections jugées par les observateurs comme une mascarade. Au moment où celui, qui a décrété la charia dans son pays, en faisant un État islamique, s’apprête à briguer un 5ème mandat, va jusqu’à liquider physiquement des opposants. 

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