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mardi 2 février 2016

Gelson Fernandes, Cap Vert globe trotter

  • Gelson Fernandes, grand voyageur, est aussi fidèle à ses couleurs, et un passionné de foot. Début janvier, il était allé à Lorient voir les U19 du Stade Rennais jouer en Gambardella. « Petit, cette compétition me faisait rêver », explique-t-il.
    Gelson Fernandes, grand voyageur, est aussi fidèle à ses couleurs, et un passionné de foot. Début janvier, il était allé à Lorient voir les U19 du Stade Rennais jouer en Gambardella. « Petit, cette compétition me faisait rêver », explique-t-il. | Philippe Renault

Ligue 1. Bordeaux - Stade Rennais, dimanche (17 h). Le Suisse est un citoyen du monde. Un petit émigré riche de souvenirs, surtout.

« Quand tu es dans le bus qui va au stade, en terme d'émotions... C'est inexplicable. Il n'y a que le foot ou la naissance d'un enfant pour te faire vivre ça. »
C'est un matin d'hiver. Le canapé de la Piverdière semble transposé au soleil d'Afrique du Sud, dans le bus qui convoie Gelson Fernandes vers Espagne - Suisse, à l'été 2010. Le Rennais va disputer son 1er match de coupe du monde, sans savoir encore que son équipe va battre le futur champion du monde, ni qu'il sera l'unique buteur du match. Mais déjà, sur la route qui emmène ce gamin du Cap Vert découvrir un Mondial, Gelson plane.
Fernandes, c'est un récit de voyages. D'avions, de bateaux, de galères. Gelson, homme de sourire, de contact facile et de bonnes paroles, s'en fait le guide. Le point de départ est une terre au large du Sénégal, émiettée en îlots, comme les bribes d'une histoire personnelle qui s'écrira ensuite partout sur le globe. Dans le Cap Vert de son enfance, tout ne se pare pas de rose. « Le pays était très pauvre », explique le joueur. Sa famille n'échappe pas à la règle. Elle cultive le manioc, les mangues, elle guette les cieux. « Nous étions tributaires de la pluie. Si elle ne tombait pas, cela devenait très compliqué. »
Des alizés à l'hiver suisse
Alors, à la naissance du fiston, son père avait émigré. Pas par plaisir... « Il est parti pour nous donner un avenir, des conditions de vie convenables », résume Gelson. Quatre ans après, l'enfant découvrira ce père, cet inconnu venu le chercher dans un aéroport parisien. Sur son île, Gelson s'était caché pour ne pas partir. Il avait manqué un avion mais dû monter dans le suivant. Sa mère l'attendait aussi. Elle aussi avait fini par quitter Praïa, la capitale, pour tenter de changer de vie en entamant les ménages, à sept heures du matin.
Élevé au vent des alizés, Gelson débarque en Suisse en plein hiver. Il quitte l'éducation de sa grand-mère, et découvre le rigorisme helvète. Il sourit. « Il a fallu me canaliser, apprendre à ne pas être à l'air libre. Mes deux parents travaillaient, je me retrouvais souvent seul à manger le midi. J'avais des facilités à l'école, mais je n'étais pas un grand travailleur. Plutôt respectueux des professeurs, mais turbulent. »
Il pense déjà beaucoup au foot. Il l'a découvert chez lui, dans la rue et sans grands moyens, les chaussettes roulées en boule, en guise de ballon. Sur son île de Santiago, un but peint sur un mur raconte encore cela. Gelson le croise encore, quand il retourne au pays. Sur les terrains mi sable, mi-pierre, sur les rues de pavés, le demi-défensif a appris la technique, les petits espaces, le foot. Ce langage universel va l'aider à s'intégrer au pied des Alpes, à Sion, à surmonter la bêtise ordinaire du racisme
Un ballon dans une cour constitue toujours un trait d'union, et c'est là que Gelson va vivre sa première coupe du monde... Flash-back : « A dix ans, on avait joué le tournoi de l'école. Je voulais amener ma classe le plus haut possible, mais j'ai loupé un penalty décisif. » Il revoit le ballon qui file à côté, « à droite. » Les pleurs qui coulent.
Sa suite suisse sera plus heureuse. Sion le lance chez les pros, en 2003. Il a seulement 16 ans. En 2007, la confédération lui offre sa première sélection. Il la choisit, plutôt que cette terre natale qui commence à se faire un nom dans l'Afrique du foot. Le débat sur les binationaux n'est pas réservé qu'aux Français.
« Le foot m'a fait grandir en tant qu'homme »
« On m'a reproché de ne pas avoir privilégié le Cap Vert, oui, reconnaît-il. Mais je ne suis pas un Judas. Je suis fier et content d'avoir opté pour la Suisse. Porter le maillot du pays qui nous a accueillis, c'était un signe de réussite pour mes parents, pour ce qu'ils ont investi. C'était aussi une reconnaissance de ma part, pour tout ce que la Suisse m'a offert, à moi et à mes parents. »
Gelson aime donner, rendre. Sur la vie comme sur un terrain. « Cela ne me dérange pas de courir pour les autres », souffle-t-il. Ses jambes l'ont porté dans des clubs portugais, anglais, allemands, italiens, français. L'écolier turbulent parle aujourd'hui toutes ces langues, sept au total en ajoutant le créole et l'espagnol. Il enchaîne dans celle de Molière : « Je me suis imprégné des cultures de chaque pays où j'ai été. Le foot m'a fait grandir en tant qu'homme. »
Il a dit avoir des souvenirs « plein la tête. » Jusqu'à remplir un avion qui arrache un gamin de son Cap Vert, un bus qui roule vers un mondial. Une vie qui s'écrit partout sur terre.

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