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mardi 14 juillet 2015

La CEDEAO sur le Code électoral burkinabè : Cette décision qui crée la confusion !

Dans sa décision sur le Code électoral du Burkina Faso, la Cour de justice de la CEDEAO a indiqué que le fondement de la disposition qui instaure « l’exclusion » dans ledit Code « vise des régimes, des Etats, éventuellement leurs dirigeants ». La Cour aurait dû préciser ce qu’elle entend par « dirigeants » pour prévenir d’éventuelles polémiques.
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La CEDEAO sur le Code électoral burkinabè : Cette décision qui crée la confusion !
Par deux requêtes, l’une « au principal » et l’autre pour susciter une « procédure accélérée », et déposées le 21 mai dernier, des formations politiques et un certain nombre de citoyens du Burkina Faso ont saisi la Cour de justice de la CEDEAO « à l’effet de voir celle-ci constater la violation de leurs droits par les nouvelles autorités, et, en conséquence, d’ordonner l’abrogation de la disposition litigieuse ». En effet, le Code électoral révisé le 7 avril dernier dispose en son article 135 que sont inéligibles aux élections - à commencer par les toutes prochaines - entre autres, « toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandat présidentiel ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement. » Ce qui, selon les requérants, constitue une « violation de leurs droits ».
La disposition ainsi dénoncée, le législateur a confié l’avoir insérée dans le Code électoral en s’inspirant de l’article 25 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Cet article dispose en effet, que « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent pas être autorisés à participer aux élections organisées pour la restitution de l’ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat. » Ce qui, selon l’Etat burkinabé, fonde « l’exclusion d’un certain nombre d’organisations et de citoyens du processus électoral en cours ». Des organisations et citoyens qui « auraient apporté » leurs soutiens « aux anciennes autorités du pays dans leur projet de modification de la Constitution en vue de se maintenir au pouvoir ». Et c’est contre cette considération que sont intervenues les requêtes du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ex-parti au pouvoir) et de ses alliés.
Après avoir déclaré ces requêtes recevables et s’être déclarée « compétente » pour examiner cette affaire, la Cour a retenu comme véritable problème sur lequel elle est en réalité invitée à trancher, celui « de savoir si la modification de la loi électorale burkinabé, compte tenu de l’application qui en est faite, méconnaît le droit de certains partis politiques et citoyens à concourir au suffrage, à participer aux élections. »
Une ambiguïté qui subsiste
Pour la Cour, la « restriction opérée par le Code électoral », en plus « d’empêcher les requérants à se porter candidats », « limite (…) de façon importante le choix offert au corps électoral, et altère donc le caractère compétitif de l’élection. » A l’en croire, il ne s’agit pas « de nier que les autorités actuelles du Burkina Faso aient, en principe, le droit de restreindre l’accès au suffrage ». Mais, précise-t-elle, « c’est le caractère ambigu des critères de l’exclusion, et l’application expéditive et massive qui en est faite, que la Cour juge contraire aux textes. »
Malheureusement, la Cour elle-même n’aide pas à sortir de cette ambiguïté. En effet, elle s’est contentée d’indiquer que la sanction du changement anticonstitutionnel de gouvernement que semble avoir instaurée le législateur « vise des régimes, des Etats, éventuellement leurs dirigeants, mais ne saurait concerner les droits des citoyens ordinaires ». Son entendement du mot « dirigeants » aurait dû être exprimé. Il reviendra alors au Conseil constitutionnel qui aura à valider les candidatures aux élections, de dégager sa compréhension de ce terme.
En attendant, il a été ordonné à l’Etat burkinabé « de lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs » à la modification du Code électoral. Une modification constitutive, aux yeux de la Cour, de « violation du droit de libre participation aux élections ».
Fulbert Paré

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