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jeudi 12 mars 2015

L’alternance démocratique n’exclut pas le changement de la constitution



Brazzaville, Congo (CONGOSITE) - Le débat sur le changement de la constitution du 20 janvier 2002 a donné lieu à un autre débat, celui portant sur «l’alternance démocratique». Selon l’opposition congolaise, «le changement de la constitution ne favorise pas l’alternance démocratique dans le pays». L’opposition argumente que si Denis Sassou N’Guesso n’est pas candidat en 2016, il y aura automatiquement alternance démocratique. Donc pour l’opposition, l’alternance politique interdit le changement de la constitution. En outre, elle présente l’alternance politique comme une garantie de la bonne gouvernance. Ce qui parait une illusion, au regard des expériences vécues dans le pays.


L’alternance démocratique n’exclut pas le changement de la constitution
L’opposition congolaise défend coûte que coûte que le changement de la constitution ne favorise pas l’alternance démocratique. Elle dit que «Denis Sassou N’Guesso doit quitter le pouvoir pour favoriser l’alternance démocratique dans le pays». Au cours d’une réunion de l’opposition tenue du 6 au 10 juin 2014 à Paris, sous le thème «Denis Sassou N’Guesso doit partir!», les participants ont fait une déclaration dans laquelle ils disaient : «La légitime revendication d’une alternance démocratique véritable et sans équivoque au Congo Brazzaville au plus tard en août 2016, trouve désormais sa résonnance dans les prises de position de nombreuses autorités de la communauté internationale, tout comme elle s’exprime à travers les mémorables soubresauts au Burkina-Faso et en République Démocratique du Congo. Ces évolutions récentes témoignent, encore plus, du caractère non négociable du respect de l’ordre constitutionnel et de l’irréversibilité de la marche vers la démocratie». L’opposition congolaise considère donc que le changement de la constitution empêche l’alternance démocratique. Ce qui suppose que pour elle l’alternance démocratique est un simple «jeu de passe du pouvoir».

Du côté de la majorité, il se dégage une certaine sérénité, en dépit du fait que certains partis politiques s’opposent au changement de la constitution. Au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée le 6 mars dernier à Brazzaville, le secrétaire général du PCT, Pierre Ngolo, a expliqué que l'option prise par le PCT et la majorité présidentielle en faveur du changement de la constitution n'était pas dictée pour satisfaire une personne, en l'occurrence Denis Sassou N'Guesso. Il a qualifié «d’insidieuse» la campagne organisée par certains opposants et certains médias «qui ne perçoivent dans cette question de la révision constitutionnelle qu’une manœuvre utilitaire du Parti congolais du travail qui cherche à repositionner sur l’échiquier politique et de la compétition électorale, Denis Sassou N’Guesso». Pierre Ngolo a ajouté que la candidature de Denis Sassou N’Guesso à l’élection présidentielle n’est pas enregistrée quelque part, avant s’interroger : «La hantise ou la peur bleue suscitées par l’éventualité d’une candidature de Denis Sassou N’Guesso n’est-elle pas révélatrice de l’aveu d’impuissance de tous les autres prétendants à la magistrature suprême devant le leadership et la posture d’Otchouembé?».

L’on constate que les uns et les autres se défendent, mais sans toucher au vrai problème : celui de l’accompagnement de l’alternance démocratique par la bonne gouvernance. Au Congo, l’instauration de la démocratie a été voulue par les acteurs politiques, qui prônaient l’alternance politique et la bonne gouvernance. Effectivement, il y a eu alternance politique puisque le pouvoir est passé du PCT à l’UPADS. Mais, l’alternance politique n’avait pas offert de solution plus apaisée pour régler les problèmes soulignés lors de la conférence nationale souveraine. Les problèmes ont été même plus nombreux qu’avant, puisqu’on a connu des retards de salaire, de bourses d’étudiants et de pension des retraités ; une année blanche à l'université, etc.. Bref, des choses que le pays n'avait jamais connues. Dès la première année de la mise en œuvre de la démocratie, les mêmes acteurs politiques ont plongé à nouveau le pays dans une impasse. Le premier pouvoir démocratique a manqué le soutien dans l’opinion. Conséquence : aucune politique sérieuse dont le pays avait besoin n’a été conduite, la vie politique congolaise dans son ensemble a été décrédibilisée.

Au regard de cette expérience, nous soutenons que l’alternance démocratique n’est pas une garantie de la bonne gouvernance. Les spécialistes disent que la bonne gouvernance n’est pas un ensemble de principes a priori. Elle est plutôt un ensemble de pratiques nées de défis concrets que les sociétés doivent relever et qui, petit à petit, font système jusqu’à permettre la formulation de principes généraux. La bonne gouvernance ne sert pas seulement à maintenir le cap, c’est également un instrument d’aide au changement.

Pourtant, ce sont les mêmes acteurs politiques, ceux-là même qui n’ont jamais assuré la bonne gouvernance dans le pays, qui braillent encore aujourd’hui en voulant se racheter une conduite. Tel est le cas des tenants de l’opposition qui défendent becs et ongles la constitution qu’ils avaient qualifiée de mauvaise avant même que celle-ci ne fut mise en application. Tel est également le cas du pouvoir qui a élaboré cette constitution et qui constate désormais que celle-ci comporte des limites que l’on doit corriger. Le pouvoir justifie son volte-face en disant que «l’application de cette constitution a permis de découvrir ses limites». Dans ce débat politique, l’opposition semble être en mauvaise posture pour avoir mal saisi la notion d’«alternance politique» : elle estime que l’alternance politique se réalisera ipso facto avec le départ de Denis Sassou N’Guesso. L’opposition fait croire au peuple congolais que l’alternance politique est une garantie de la bonne gouvernance. Faux! Cela dépend de la mentalité des gouvernants.

L’alternance démocratique en question !

Quelques leaders de l'opposition lors d'une réunion à Brazzaville
Quelques leaders de l'opposition lors d'une réunion à Brazzaville
Dans le bon sens, on parle d'alternance démocratique lorsque des partis appartenant à des courants politiques différents se succèdent au pouvoir. C’est-à-dire lorsqu’il y a renversement de la majorité par l’opposition à travers les élections (présidentielle ou législatives). C’est le cas en France, où la Droite (avec Nicolas Sarkozy) a perdu le pouvoir au profit de la Gauche (avec François Hollande). Lorsque Nicolas Sarkozy avait succédé à Jacques Chirac, il ne s’est pas agi d’une alternance démocratique, puisque le pouvoir n’avait pas changé de camp. Il s’est agi d’une continuité de pouvoir. Tout au moins, il y a eu alternance politique au sein de l’UMP, car l’alternance démocratique peut aussi s'exprimer au sein des partis ou groupements politiques. On avait vu que le 28 novembre 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu par 85,09% des membres du parti (UMP) face à Nicolas Dupont-Aignan (9,10%) et Christine Boutin (5,82%), devenant ainsi le deuxième président de l'UMP après Jacques Chirac. Donc, il y a eu alternance politique au sein de l’UMP, mais pas de la France.

Comme on peut le constater, il est une véritable illusion de penser que le départ de Denis Sassou N’Guesso favorisera absolument l’alternance politique dans le pays. Car, il n’est pas exclu que le candidat de la majorité présidentielle gagne l’élection en 2016. Le départ de Denis Sassou N’Guesso favorisera absolument l’alternance politique au sein de la majorité et du PCT. Mais, l’alternance démocratique n’exclut pas le changement de la constitution.

Le Congolais veut de l’alternative politique

Le PCT lors d'un congrès à Brazzaville
Le PCT lors d'un congrès à Brazzaville
Au-delà de toute la spéculation, il y a un intérêt constant de réviser la constitution congolaise actuelle. Car, il faut le souligner, l’alternance politique n’exclut pas le changement de la constitution. Le plus important n’est pas l’alternance politique, mais plutôt l’alternative politique. En effet, au lieu de l’alternance démocratique, les Congolais veulent de l’alternative politique. Nous rappelons que l'alternance démocratique est le renversement de la majorité par l’opposition à travers les élections. Or, l’expérience au Congo montre que l’alternance politique ne bénéficie qu’aux acteurs politiques et non au peuple. Ainsi, plutôt que de spéculer sur l’alternance démocratique, le débat politique devrait être focalisé sur l’alternative politique.

L’alternative politique consiste à inventer une autre forme de gouvernance dans le pays, c’est-à-dire une pratique de la politique qui ne se fonde pas sur la spéculation, mais sur le concret ; une forme de gouvernance qui tient compte des aspirations du peuple profond (détenteur du pouvoir en démocratie) et non de l’élite. L’alternative politique n’admet pas absolument les principes de la démocratie traditionnelle (occidentale), qui veut que celui qui gagne gouverne seul et que celui qui perd assiste. L’alternative politique adaptable au Congo-Brazzaville est une forme de gouvernance à l’africaine où il n’y a pas de gagnant absolu et de perdant absolu. En d'autres termes, il s’agit d’instaurer une démocratie participative pratique, en lieu et place de la démocratie spéculative instaurée au Congo depuis 1992. Les bases de cette nouvelle forme de gouvernance sont déjà posées par le Président Denis Sassou N’Guesso. Puisque dans son pouvoir on retrouve des cadres de la majorité et de l’opposition, en dépit de la tendance du PCT à vouloir tout prendre.

En clair, pour le Congolais profond, peu importe la personne qui prendra le pouvoir en 2016, le plus important c’est que le nouveau président puisse améliorer les conditions de vie du peuple, afin que ce que l’on déplore actuellement soit corrigé. C’est dire qu’il s’agisse de Pierre Ngolo, de Pascal Ntsaty-Mabiala, de Clément Mierassa, de Jean-Jacques Bouya, de Jean Itady, de Jean Dominique Okemba, d’Isidore Mvouba, de Christophe Moukouéké, de Joseph Kignoumbi-Kiaboungou, de Mathias Dzon, etc., le Congolais n’attend que la continuité des actions de développement du pays amorcées par Denis Sassou N’Guesso, tout en corrigeant les imperfections constatées : c'est la continuité d l'Etat. Il ne s’agit pas de prendre le pouvoir pour remettre les acquis en cause, comme ce fut le cas après la conférence nationale où le pays a sombré dans le jamais vu.

Nous sommes d’avis que le refus des règles de l’alternance politique retarde le cours de la démocratie en Afrique, entravant ainsi la diffusion de la démocratie constitutionnelle-pluraliste. Mais, il est à retenir que la démocratie se joue à travers l’organisation d’une compétition nourrie de passions, parfois prêtes à exploser. Si ceux qui détiennent le pouvoir sont tentés de ne pas s’exposer au risque de le perdre, ceux qui cherchent le pouvoir sont prêts à céder au désir d’utiliser des moyens légalement interdits pour s’en emparer.

Les Allemands, après avoir connu des moments difficiles de leur vie, ont pris conscience de la nécessité de vivre et de gouverner ensemble. L’ambiance démocratique qui règne dans ce pays, résulte de la prise de conscience de leur faute d’avoir des institutions déséquilibrées.

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