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lundi 9 février 2015

RSP : Les raisons de la colère. Qui sont les nouveaux hommes forts dimanche 8 février 2015

Le 30 décembre 2014, le Régiment de sécurité présidentielle, logé au sein de la présidence du Faso, enregistrait un premier mouvement d’humeur. Les raisons, la gestion des hommes, la redistribution des postes après l’insurrection des 30 et 31 octobre et les primes de fin d’année. Le Lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, alors adjoint du colonel-major Boureima Kéré, Chef de corps du RSP, avait pris les rênes du pouvoir, avec l’adoubement de ses frères d’armes du RSP d’abord, et de l’ensemble des forces armées nationales ensuite.

RSP : Les raisons de la colère. Qui sont les nouveaux hommes forts
Devenu l’homme fort de la situation, le lieutenant-colonel Zida a procédé à une redistribution des cartes qui n’a visiblement pas fait l’unanimité dans les rangs. Le commandant Théophile Nikiéma, qui était de fait le numéro trois du RSP a été nommé Chef d’Etat-major particulier du président du Faso, en remplacement du Gal Gilbert Diendéré. C’est désormais à lui que devaient rendre compte de plus gradés comme le colonel-major Kéré, toujours de fait le chef de corps du RSP et le colonel-major Pierre Sanou, chef du bureau militaire, et bien entendu tous les responsables militaires devant répondre de dossiers devant le président du Faso.
Une entorse à la discipline et à la hiérarchie militaires regrettent certains gradés qui soulignent que ce sont ces anomalies qui expliqueraient les remous au sein du corps. Une entorse qui aurait conduit le colonel-major Boureima Kéré, à rompre les rangs et à se mettre de fait de côté, laissant le commandement du RSP entre les mains du capitaine Kouda.
Ce 30 décembre 2014 donc, certains éléments du RSP, à bord de char, seraient allés chercher le lieutenant-colonel Céleste Coulibaly chez lui pour qu’il vienne prendre le commandement du RSP. Celui-ci qui venait de rentrer du Maroc où il avait accompagné le président Compaoré dont il était l’aide de camp, se trouvait dans sa famille à Bobo.
Lors de ce premier mouvement d’umeur, Zida a donc été interpellé en plein conseil des ministres pour venir s’expliquer devant ses frères d’armes. Et promesses auraient été faites ce jour-là que les nominations seraient revues pour que les choses rentrent dans l’ordre. Mais plus d’un mois plus tard, rien n’avait été fait.
Le fauteuil primatorial n’est pas un banc primatorial
Pour paraphraser Laurent Gbagbo, on pourrait dire, avec le premier ministre Zida, que le fauteuil primatorial n’est pas un banc où l’on peut s’asseoir en colonne couvrée. Même s’il est issu des rangs du RSP, Zida est aujourd’hui le Premier ministre du Burkina, qui jouit de toute la plénitude de la fonction, avec toutes les prérogatives que la Constitution et la Charte de la Transition lui donnent comme chef de l’Administration. Mais comme le rappellent certains de ses contempteurs, s’il est le Premier ministre, ce n’est pas par une onction spéciale mais parce qu’il a été « mandaté » par ses frères d’armes du RSP d’abord.
Si le 31 octobre 2014, Yacouba Isaac Zida, lieutenant-colonel de son état a pu brûler la politesse à un général de division, de surcroit chef d’Etat-major général des armées, c’est par la force des choses, précisément le rapport de forces qui penchait en faveur du RSP au sein des forces armées nationales. Conséquence, ses frères d’armes attendaient de Zida, Premier ministre, sans doute beaucoup plus de collégialité dans la gestion du pouvoir. Mais certains lui reprochent un certain népotisme dans les nominations, voire, plus grave, un favoritisme à relent religieux.
Ce qui est constatable par tous en tout cas, même des civils ignorant de la chose militaire, c’est qu’il y a eu quelques nominations contraires à toute logique militaire comme dans le cas du chef d’Etat-major particulier du Président du Faso, qui n’est pas un poste civil, où la fonction pourrait primer sur le grade comme c’est le cas de Zida devant qui les généraux sont bien obligés de serrer les fesses, parce qu’il est le Premier ministre, même lieutenant-colonel.
Avec les nouvelles tractations en cours depuis le 4 février, la discipline semble être revenue dans les rangs. Les officiers à la base des derniers remous se défendent vigoureusement de toute prise en otage ou menace sur la transition. Ils protestent ‘’simplement’’ contre « Certaines décisions inappropriées » au sein de leur corps qui en ont « perturbé le fonctionnement normal ». S’ils réaffirment officiellement leur engagement pour une « issue heureuse de la Transition », des officiers, ‘’hors-micro’’, rappellent que si les civils ont eu le droit de contester des nominations inappropriées et de faire renvoyer des ministres et des Directeurs généraux, pourquoi devrait-on dénier aux hommes en tenue la possibilité de revendiquer des nominations légitimes en leur sein. D’autres cadres du RSP vont même plus loin en affirmant qu’ils sont pour une commission plus élargie que celle qui réfléchissait sur le devenir du RSP et qui était essentiellement composé de quelques personnes autour du Premier ministre Zida ; ils veulent une commission ouverte aux responsables de toutes les unités militaires, comme semble l’avoir validé le président du Faso depuis le 6 février.
Handicapés par leurs passés
La Grande muette, conformément à sa coutume, a sans doute péché par mutisme dans cette affaire, les frondeurs ne prenant pas toujours le soin de bien expliquer les raisons de leur grogne. Sans oublier que certains cadres, « plébiscités » par la troupe pour être les nouveaux responsables ont contre eux leurs passés.
Il est ainsi du colonel-major Boureima Kéré, promu depuis le 6 février Chef d’Etat-major particulier du président du Faso, en remplacement de Théophile Nikiéma, commandant au moment de sa nomination et qui est passé lieutenant-colonel depuis le 1er janvier. Boureima Kéré, originaire de Koumbia dans le Tuy où il est né en 1961, a été pendant longtemps l’aide de camp de Blaise Compaoré à partir de 1989, en remplacement de Nabéré Honoré Traoré, avant de passer la main au colonel Zitiba Sawadogo (aujourd’hui à l’EMTO). Kéré rejoindra ensuite le bureau militaire de la présidence du Faso où l’on ira le chercher lors des mutineries de 2011, pour remplacer le colonel Omer Bationo, alors chef de corps du RSP et aujourd’hui Directeur général de la sécurité intérieure au ministère de l’administration territoriale.
Fidèle collaborateur du président Compaoré depuis le temps du Front populaire, beaucoup d’observateurs, à tort ou à raison, voient derrière celui qui a fait toute sa carrière au sein du RSP, depuis l’époque du CNEC (où il a été muté en 1985), l’ombre de l’ancien chef de l’Etat.
Il en est de même du lieutenant-colonel Céleste Moussa Coulibaly, qui a été le dernier aide-de camp du président Compaoré et l’a accompagné dans son exil ivoirien et même jusqu’au Maroc, avant de revenir au pays et de réintégrer les rangs. Nouvellement promu chef de corps du RSP (depuis le 6 février aussi), il va avoir parmi ses proches collaborateurs le capitaine Dao, porte-parole du RSP qui a lu la déclaration de « clarification » du 6 février et qui a aussi fait partie de l’opération d’exfiltration de Blaise Compaoré le 31 octobre.
Comme le colonel-major Kéré, Moussa Céleste Coulibaly, né en 1971 à Ouagadougou, a fait toute sa carrière au sein du RSP où il a été muté en 1996, à sa sortie de l’Académie Georges Namoano. Au sein du RSP, il sera commandant de la première compagnie d’intervention, Commandant du Groupement des Unités d’intervention, Commandant du Groupement des Unités spéciales, avant d’être nommé Aide de camp du président du Faso à partir de juillet 2008.
Dans cette délicate opération de redistribution des cartes, un autre élément à « manager » avec délicatesse est le Gal Gilbert Diendéré. Bien qu’ayant fait ses adieux à la troupe officiellement, il reste la figure tutélaire du RSP sur laquelle il conserve toute son ascendance ; ce qui l’oblige à jouer de temps en temps au sapeur-pompier, en cas d’éruptions volcaniques dans les rangs. Même si on parle de lui de plus en plus comme probable candidat du CDP à la présidentielle d’octobre 2015, sa fonction et son rôle officiels restent aujourd’hui mal définis. Mais sa connaissance de l’environnement et des hommes, reste essentielle comme le rappelait le 6 février le Gal Pingrenoma Zagré, Chef d’Etat-major général des Armées. Au-delà du RSP, sa connaissance des questions géo-stratégiques de la sous-région ouest-africaine et des hommes qui l’animent (en bien ou en mal) le rendent indispensable aux yeux de certaines puissances internationales, qui, très pragmatiques, seraient prêtes à le récupérer à leur service.
Victime de cette nouvelle redistribution des postes imposée par la troupe, le tout nouveau lieutenant-colonel Théophile Nikièma est recasé au Bureau militaire de la présidence du Faso où il prend la place du colonel-major Pierre Sanou. Le colonel-major Sanou, qui a une longue carrière diplomatique derrière lui (attaché de défense à l’ambassade du Burkina à Paris pendant de longues années, il a été ensuite ambassadeur du Burkina à Accra, avant de remplacer au Bureau militaire le Gal Brice Bayala, admis à la retraite). Le colonel-major Sanou, victime collatérale du dernier jeu de chaises musicales, pourrait être redéployé à l’international.
Tout cela suffira-t-il à ramener rapidement l’ordre dans les rangs et à mettre fin définitivement aux mouvements d’humeur du RSP ? L’on peut rappeler que par la voix de leur porte-parole, le capitaine Abdoulaye Dao, le Régiment de Sécurité Présidentielle a tenu « à rassurer toute la population burkinabè qu’il n’est pas en marge de la transition voulue par le peuple ». Et mieux, « Il est engagé pour une issue heureuse du processus et du calendrier de la transition qui permettrait de mettre en place un pouvoir légitime issu des élections démocratiques ». On en demande qu’à les croire.

Lefaso.net

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