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mardi 25 novembre 2014

Loi 2013-10 Acte 3 de la décentralisation : une liberté surveillée

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L’OBS – L’éloge de la décentralisation n’est plus à faire. Les hommes politiques et les théoriciens s’accordent en général pour faire ressortir l’excellence de son principe et de ses effets.
Selon le concept de la décentralisation, l’exercice de certaines missions administratives est confié à des agents qui dépendent, pas du gouvernement, mais de collèges qui tirent leur autorité du fait qu’ils représentent une partie de la population. Ces collèges peuvent représenter soit l’ensemble des habitants vivant dans une zone géographique donnée, soit une catégorie particulière de la population.
Par opposition à la centralisation, caractérisée par l’unification du pouvoir et la détention entre les mains d’une seule autorité de la puissance normative et de la force publique, la décentralisation apparait comme la négation de la centralisation puisqu’elle est négation des rapports et des pouvoirs qui définissent celle-ci..
Politiquement, elle se présente comme un correctif à l’exagération des théories individualistes qui, au nom de l’égalité, ne souffrent aucun intermédiaire entre l’Etat et l’individu et centralise entre les mains des Gouvernants la totalité de l’exercice du Pouvoir issu de la collectivité nationale.
Socialement, elle répond à la diversité complémentaire des groupements existant au sein de l’Etat, et tend à adapter l’ordonnancement juridique à la différence des traditions, des intérêts et des besoins au plan national. A cet égard, elle est un instrument de liberté puisqu’elle rapproche la décision des individus auxquels elle est appelée à s’appliquer et favorise l’expression des aspirations populaires.
Par ailleurs, l’organisation administrative n’opte jamais, absolument, pour la centralisation ou la décentralisation. Les deux formules coexistent le plus souvent avec la déconcentration qui apparait à la fois comme un correctif nécessaire à la centralisation et un support souhaitable à la décentralisation.
La tutelle a donc pour objet de veiller, au nom de l’Etat à ce que l’activité de la personne décentralisée ne dépasse pas le cadre de sa compétence et s’exerce conformément à la loi, dans le respect des intérêts supérieurs de la Nation. Elle porte essentiellement sur la légalité mais aussi sur l’opportunité des décisions prises par les autorités locales.
Contrairement au pouvoir hiérarchique, la tutelle est un pouvoir conditionné : «le contrôle administratif ne se présume pas ; il ne s’exerce que dans le cas et sous les formes prévues par la loi».
Les avantages évidents de la décentralisation ne doivent cependant pas dissimuler les écueils inévitables qu’elle rencontre, surtout ceux qui sont créés et  introduits par l’acte 3
L’acte 3 de décentralisation apparait ici comme un régime de liberté surveillé. En effet la loi 2013-10 du 28 Décembre 2013 qui confère au Président de la République la totalité des prérogatives et instruments de gestion des collectivités locales,  comporte 332 articles et une centaine de ces articles  doivent faire l’objet  de prise de décrets pour leur applicabilité et leur exécution .C’est là que Monsieur le Président de République se rendra compte bientôt, que  les rédacteurs de l’acte 3, ont dévoyé son idée de communalisation universelle, en plaçant toutes les collectivités locales sous son autorité direct. Au lieu d’alléger son volume de travail quotidien, et d’individualiser les affaires locales. Ils renforcent et en centralisant entre ses seules mains  l’essentiel des normes et la totalité de la décision dans le seul but d’écrabouiller des leaders performants que les populations ont librement et souverainement choisit.
Il y a plus de 600  collectivités locales. Et le Président de la République devra signer tous ces décrets, alors que de simples arrêtés de Monsieur le Ministre chargé des collectivités  auraient suffi ou même des  lettres circulaires .Ou encore conférer aux élus locaux de pouvoirs normatifs étendus et la prérogative de s’exercer à l’élaboration de textes règlementaires en tenant compte de la spécificité de leur  collectivité.
On a l’impression de revire les années 1963 – 1970, période pendant laquelle le  président de la république est seul détenteur du pouvoir exécutif.Le président SENGHOR, chef de l’état, chef du gouvernement et secrétaire général du parti unifié, assurai presque seul la responsabilité politique du pays.
Toutes les décisions étaient prises au nom et sous la responsabilité du président de la république. Ces dispositions découlent de la constitution qui sera révisée plus tard et dont les principes seront rappelés de façon explicite par le président Senghor dans l’instruction général n 15 /PR. Sur l’organisation du travail gouvernementale.
Mais c’est à l’occasion des évènements de mai 1968 (crise universitaire et scolaire, grevé générale que le régime fut mis à l’épreuve. Le président de la république prit alors nettement conscience de sa solitude. Et au 7me congrès de L’U.P.S tenu à Dakar les 17,18,19 et 20 décembre 1969, le président de la république dans son rapport de politique générale devait proposer la révision de la constitution dans le sens de faire participer de façon responsable à l’œuvre de développement national l’ensemble des Sénégalais, et en particulier ceux qui assumaient des fonctions étatiques à quelque niveau que ce soit. Il s’agissait, devait préciser le président de la république dans son rapport, de transformer le Sénégal en transformant l’homme sénégalais et en le faisant participer à la construction  de son devenir.
Commentant la révision constitutionnelle proposée par lui, le président SENGHOR devait écrire à la page 159 de son rapport,« Nous n’avons pas été long à remarquer qu’une trop    grande concentration du pouvoir entre les mêmes mains poussait ,les responsables places au-dessous à se décharger de leurs responsabilités » .: C’est exactement la même situation que vit Le Président Macky SALL A la différence de SENGHOR dont la tache fondamentale était la construction d’une nation et d’un Etat, Macky SALL, lui doit promouvoir le développement économique et social et faire du SENEGAL un pays émergeant
Pour y remédier, le secrétaire général de l’U.P.S préconise la déconcentration. Mais on ne devra pas s’arrêter là ; la déconcentration du pouvoir exécutif sera complétée par la décentralisation du pouvoir législatif au profit des assemblées régionales et municipales. Les mesures de déconcentration et de décentralisation proposées furent approuvées par le 7éme congre. L’idée de déconcentration fut reprise dans le projet de constitution qui fut adopte par les sénégalais..
Nous avons tenu à faire brièvement ce rappel de l’histoire récente de la décentralisation, pour que le Président MACKY  s’en inspire
Aujourd’hui, les mêmes pratiques sont nettement plus visibles qu’en 1960, sinon renforcées dans l’action gouvernementale de tous les jours. Le Président Macky SALL doit refuser que les zélateurs sans foi et les salamandres pyromanes qui soufflent sur les braises politiques dont il s’est entouré, ne lui fassent prendre des positions de va t en guerre, toujours en position de combat. Ce n’est pas  son rôle .C’est le Président de tous les Sénégalais.
La loi 72-02, la loi de 1996 et même le projet de provincialisation offrent des conditions plus démocratiques et manifestent plus de capacités quant à la prise en charge des préoccupations essentielles des populations que la loi 2013-10 portant Acte 3 de la décentralisation  .L’acte 3 au lieu de promouvoir l’émergence des collectives locales va les étouffer en marquant  un net recul des droits, des libertés et l’amoindrissement de leurs moyens. Elle sera sans aucuns doutes l’une des lois la plus anti-décentralisation qu’on ait jamais prise au Sénégal et elle sera  aux antipodes du développement économiques et social des collectivités locales qui doivent d’abord, avant toute chose, lutter contre la pauvreté.
Nous sommes certains, que les rédacteurs de la loi 2013-10 n’ont rien compris de la pensée et de la vision du Président Macky SALL et des véritables enjeux économiques, Politiques et sociaux. Les ambitions du Président SALL pour obtenir des  collectivités fortes, capables de se connecter à la philosophie du président pour un Sénégal émergent  Ils ne sont pas les chevronnés spécialistes de la décentralisation que l’on a connu, mais plutôt de Bureaucrates encravatés, dans la fraicheur de leur bureau, et de politicards jouisseurs en mal de notoriétés, qui l’ont conçu en catimini uniquement pour résoudre des problèmes politiques en leur trouvant des solutions juridico-administratives et réglementaires pour   plaire au prince.
.Dans leurs zèles, ils ont contaminé la représentation nationale qui l’a voté de façon mécanique les yeux bandés, et trompé Monsieur le Président de la République qui l’a ratifiée sans même passer le texte au scanner, ne se souciant même pas de ses promesses de renforcement de la démocratie et des libertés ni du surcharge de travail dont il aura à faire face
Rendez aux citoyens  la gestion de leurs propres affaires, directement comme contribuables, comme électeurs ou comme usagers, indirectement, par l’intermédiaire de leurs élus, pour que la collectivité locale offre aux populations l’occasion de faire l’apprentissage de la vie publique non pas dans l’abstrait, mais aux prises avec les difficultés quotidiennes de l’administration.
Le Sénégal gagnerait alors  à enterrer l’acte 3  pour donner naissance à l’acte 4 où devront apparaitre les symptômes d’un développement endogène, libre et démocratique  de chaque collectivité locale.

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