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lundi 24 novembre 2014

Les héros de l’insurrection populaire : Me Guy Hervé Kam

Avocat à la cour et porte-parole du Mouvement « le Balai Citoyen », Me Guy Hervé Kam s’est fortement investi aux côtés de ses camarades dans l’insurrection populaire qui a contraint à la démission, le Président Blaise Compaoré de ses fonctions le 31 octobre 2014. C’est entre deux rendez-vous que celui qui avait rendu le tablier en 2007, en quittant la Magistrature, nous a accueillis ce jeudi 20 novembre dans son cabinet sis à la Cité An III. De retour sur les journées des 30 et 31 octobre 2014, Me Kam nous livre son analyse de la situation actuelle marquée par la nomination du Lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida comme Premier ministre de la transition.


Les héros de l’insurrection populaire : Me Guy Hervé Kam

Comment avez-vous vécu les manifestations des 30 et 31 Octobre dernier ?
Pour les journées des 30 et 31, je dois dire que nous les avons vécues dans l’action. De concert avec les autres mouvements de la société civile et les partis politiques qui étaient opposés à la modification de l’article 37, nous avons été avec le Balai citoyen très fortement impliqué dans la préparation de cette résistance. Ce qui a tourné à l’insurrection populaire le 30 octobre avec son épilogue le 31 et qui a vu Blaise Compaoré quitter le pouvoir. Le 30, nous sommes partis du côté des rails de la cité An III à l’Assemblée Nationale, ensuite à la Rtb et enfin à Kossyam. L’action a continué donc à travers la mobilisation la nuit du 30 au niveau de l’état-major et aussi le lendemain au même lieu avec les négociations et les discussions avec l’Armée. Ce qui a conduit à la démission du président Blaise Compaoré le 31 Octobre. Nous étions également dans l’action, cette fois-ci avec l’Armée pour essayer de faire revenir la sécurité et arrêter les pillages parce qu’il faut reconnaître qu’après les manifestations, les gens se sont attaqués aux biens publics et privés de ceux qui étaient impliqués fortement dans cette question de modification. Et ça, en toute responsabilité, nous devions aussi nous battre pour faire arrêter ces pillages-là.
Quel sens donnez-vous à votre motivation ?
C’est le sens de l’engagement volontaire pour faire changer les choses. C’est un engagement qui ne date pas d’aujourd’hui, mais qui s’inscrit à la nature du Balai Citoyen, qui est un mouvement populaire qui arrive donc à fédérer des personnes de couches différentes ; on a des intellectuels, des non-intellectuels, des travailleurs du secteur privé, du secteur informel. A un certain moment nous avons pensé que c’est seulement cette fédération des énergies entre toutes les couches de la société qui pouvaient faire changer les choses. Et c’est donc tout naturellement que notre engagement a été total avec le Balai citoyen.
Entretenez-vous des rapports personnels avec le lieutenant-colonel Zida ?
Non, nous n’entretenons pas de relations personnelles avec le lieutenant-colonel Zida de même que tous les officiers qui l’entouraient d’ailleurs. Sous le coup de 9h, nous avons rencontré le haut-commandement militaire. Je ne connaissais aucun d’eux, donc c’est à l’occasion de ces manifestations que nous nous sommes connus et pour nous, nous étions avec l’Armée et non avec des personnes physiques déterminées. Après ça, les relations ont continué et le lieutenant-colonel Zida a été « plébiscité » par l’Armée, et à partir de ce moment les relations ont continué entre le Balai Citoyen et celui-ci, mais là nous insistons, en tant que représentant de l’Armée burkinabè. En dehors de ça, il n’y a pas de rapports personnels.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que le Balai citoyen a fortement contribué à l’ascension du lieutenant-colonel ?
C’est l’insurrection qui a contribué à l’ascension du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida. Ce qu’il faut savoir c’est que le Balai citoyen n’était pas le premier à avoir appelé l’Armée au pouvoir. Nous avons appris qu’une partie des manifestants étaient déjà chez le Mogho-Naaba, le 30 pour demander au Général Lougué, donc à l’Armée de prendre le pouvoir. Ces appels ont continué et notre mouvement, contrairement à tous ces appels-là, n’a jamais demandé à l’Armée de prendre le pouvoir. Nous avons appelé l’Armée d’être du côté du peuple, de ne pas tirer sur le peuple et d’user justement de sa force pour contraindre Blaise à la démission. Alors maintenant que la démission s’est passée dans des conditions où même l’Assemblée Nationale a été dissoute la veille, il n’y avait plus aucune institution, le Balai citoyen a œuvré à ce que l’Armée restaure la sécurité et, en tant qu’institution de la république, œuvre au retour à une vie constitutionnelle normale. C’est ce qui a été fait avec la mise en place progressive des institutions de la transition.
Yacouba Isaac Zida a été nommé Premier ministre par le Président Michel Kafando. Pensez-vous qu’il mérite ce poste ?
C’est le président qui l’a nommé donc certainement il pense qu’il mérite le poste. Mais nous nous pensons que le lieutenant-colonel Zida et l’ensemble de son équipe ont fait un travail formidable en respectant d’une part leur parole de transmettre le pouvoir aux civiles. Maintenant les raisons profondes qui ont fait qu’il a été désigné comme Premier ministre, nous ne les connaissons pas. Mais nous nous disons sans doute qu’il y a la question de l’Armée qui a prévalu et vous savez que depuis 1966, c’est l’Armée qui gère ce pays-là. Maintenant est-ce que du jour au lendemain en deux semaines, on peut remettre l’Armée totalement dans les casernes et continuer sans risques ? Je ne sais pas. Mais je pense que des questions comme ça ont pu militer en faveur de l’Armée et du lieutenant-colonel Zida. Maintenant ce que nous nous disons, c’est qu’il prend un énorme risque parce que tout simplement jusqu’à la date de sa nomination comme Premier ministre, il bénéficiait vraiment de la sympathie de l’ensemble du peuple burkinabè qui a vu qu’il a respecté sa parole. Nous souhaitons tout simplement pour lui qu’à la fin de la transition, il continue de bénéficier de cette confiance et de cette sympathie car cela voudrait dire qu’il a pu mener en tant que Premier ministre la transition de bonne main et transférer donc le pouvoir avec le président de la république à un président démocratiquement élu.
Qu’attendez-vous du nouveau gouvernement de la transition ?
Nous attendons tout simplement que le gouvernement qui va être nommé soit un gouvernement responsable composé d’hommes et de femmes du Burkina compétents, intègres, pour dire simplement patriotes. Nous attendons en fait que le président de la transition et le Premier ministre nomme des gens tout simplement en fonction de leur intérêt, de leur sens élevé pour le Burkina Faso et non en fonction de leur chapelle. Nous avons constaté malheureusement qu’après le départ de Blaise Compaoré, beaucoup de gens se sont affichés et on a vite compris que ces personnes étaient intéressées par leur intérêt personnel et non par l’intérêt du peuple burkinabé. Et nous espérons que les autorités de la transition vont s’élever au-dessus de ces considérations-là pour nommer des personnes dignes qui vont conduire le Burkina Faso à sortir de cette situation transitionnelle dans les meilleures conditions possibles.
Devrait-on s’attendre à voir des têtes de votre mouvement au sein du gouvernement de transition ?
Le combat du Balai Citoyen était un combat de principe. Notre objectif, c’était d’empêcher Blaise Compaoré et ses acolytes de modifier la Constitution et notre objectif était aussi de créer les conditions d’une alternance ; ce qui est arrivé. Notre rôle, c’est d’être des sentinelles et en tant que tel nous ne pouvons pas être acteurs. C’est dire donc que le Balai Citoyen ne sera pas représenté au gouvernement.
Actualité oblige, le DG de la SONABEL et celui de la SONABHY ont été limogés. Pensez-vous qu’un assainissement des sociétés et des institutions d’Etat soit nécessaire ?
Il ne s’agit pas d’utiliser le mot assainissement des sociétés d’Etat. Il s’agit tout simplement d’utiliser les mots « transparence et rédevabilité » et de dire que les personnes doivent répondre tant des crimes de sang que des crimes économiques. Et à partir de ce moment-là, nous espérons que les deux cas évoqués ne sont pas des feux de paille mais que ce soit le début d’une véritable opération « main propre » au sein des sociétés d’état et que la lutte contre l’impunité s’attardera aussi sur les autres crimes. Nous accordons beaucoup d’importance à la commission qui est prévue par la charte, c’est-à-dire la commission de la réconciliation et des réformes politiques dans lesquelles il y a une commission vérité, justice et réconciliation. Nous pensons que c’est l’une des pièces maitresses de la transition.
Dans son discours le président Michel Kafando dit, je cite « Plus rien ne sera comme avant ». Pensez-vous qu’en une année on puisse tout mettre en œuvre pour que plus rien ne soit comme avant ?
On ne demande pas à la transition de faire des miracles. On demande juste à la transition de mettre le véhicule en mode départ. Après, les institutions qui vont venir feront le reste. Mais nous disons que plus rien ne peut être comme avant parce que le peuple burkinabè est décidé aujourd’hui à assumer sa destinée. Si nous avons chassé Blaise Compaoré du pouvoir, ce n’est vraiment pas pour laisser d’autres personnes dupliquer le même système. Je disais tantôt que nous avons marché les 30 et 31 octobre et actuellement nous sommes debout. Nous ne sommes pas encore assis. Donc, on est prêt à tout moment de refaire la même chose. Que le président l’ai dit ou pas, une chose est certaine ; plus rien ne peut être comme avant.
Quel est le mot d’ordre qui prévaut au sein de votre mouvement ?
Vigilance, la lutte continue !
Propos recueillis par BASSOLE Herman Frédéric (Stagiaire)
Lefaso.net

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