C’est ce jeudi 30 octobre à 10 heures que devait être examinée la proposition de loi portant modification de la Constitution. A l’appel de partis politiques de l’opposition et d’organisations de la société civile comme Le Balai citoyen, des manifestants on tenu à faire le déplacement de l’Assemblée nationale pour empêcher le vote de cette loi. Tant bien que mal ils y sont parvenus. Le projet de loi a été annulé, mais des actes de destruction déclenchés dans l’entre temps se poursuivent toujours.
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Il est pile 08 heures quand nous quittons le siège de notre média en ligne sis à Tampouy à la sortie nord- ouest de Ouagadougou. Le vote du projet de loi introduit par le gouvernement pour permettre au Président Blaise Compaoré de rempiler après ce que ses contradicteurs appellent « le terme normal de sa présidence » c’est dans deux heures. L’opposition a appelé à une manifestation de protestation devant l’Assemblée nationale ; ce d’autant que selon eux, ce genre de vote est public selon les textes en vigueur. De 08 heures à 10 heures, nous avons le temps de nous plonger dans l’ambiance de cette journée assez cruciale pour les burkinabè.
Comme à la marche-meeting de mardi dernier, c’est par vagues successives que les manifestants quittent leurs quartiers d’habitation pour gagner le centre ville. Certains par petits groupes d’amis, d’autres en nombre plus grand. Qui à pieds, qui en motocyclette ou en voiture, la destination est la même, l’Assemblée nationale. « Game over », c’est l’inscription sur une pancarte que tenait un adolescent. Certainement sans avoir la pleine conscience de l’acte qu’il posait. Mais « A la guerre comme à la guerre », tranche un voisin. Chez cette autre fille, la tenue noire est de rigueur. Avec des lunettes noires pour achever l’assortiment. En bandoulière, le drapeau national. Un peu devant, c’est un tricycle qui vient nous dépasser à vive allure, avec des occupants scandant : « Blaiso Ebola » ou encore « Libérez Kossyam » (Le palais présidentiel, ndlr). Plusieurs kilomètres séparent le quartier Tampouy de l’Assemblée nationale où les opposants à la révision de la Constitution ont appelé à manifester. Sur pratiquement tout le parcours, des restes de pneus brûlés, des ordures ménagères et objets divers jetés sur le bitume la veille au cours d’une manifestation comme cela est fréquent depuis l’annonce du projet de révision. Le tout dans un concert de klaxons, de sifflets et de vuvuzelas.
Comme à la marche-meeting de mardi dernier, c’est par vagues successives que les manifestants quittent leurs quartiers d’habitation pour gagner le centre ville. Certains par petits groupes d’amis, d’autres en nombre plus grand. Qui à pieds, qui en motocyclette ou en voiture, la destination est la même, l’Assemblée nationale. « Game over », c’est l’inscription sur une pancarte que tenait un adolescent. Certainement sans avoir la pleine conscience de l’acte qu’il posait. Mais « A la guerre comme à la guerre », tranche un voisin. Chez cette autre fille, la tenue noire est de rigueur. Avec des lunettes noires pour achever l’assortiment. En bandoulière, le drapeau national. Un peu devant, c’est un tricycle qui vient nous dépasser à vive allure, avec des occupants scandant : « Blaiso Ebola » ou encore « Libérez Kossyam » (Le palais présidentiel, ndlr). Plusieurs kilomètres séparent le quartier Tampouy de l’Assemblée nationale où les opposants à la révision de la Constitution ont appelé à manifester. Sur pratiquement tout le parcours, des restes de pneus brûlés, des ordures ménagères et objets divers jetés sur le bitume la veille au cours d’une manifestation comme cela est fréquent depuis l’annonce du projet de révision. Le tout dans un concert de klaxons, de sifflets et de vuvuzelas.
Dans une rue attenante au bitume principal du quartier Larlé traversé, la vie semble suivre son cours normal. Quoique dans une ambiance beaucoup plus terne. Assis dans un kiosque à café, des jeunes gens disent attendre de se mettre en conditions avant de rallier la troupe. Un peu à côté, à l’air libre dans ce qui fait office de restaurant- par terre tout de même, ce quadragénaire trouve son état de santé assez fragile pour faire partie de la manifestation. Même s’ils ne le proclament pas, certains n’ont pas l’intention d’y aller mais une disposition en commun à tous : le projet de révision est au centre des échanges. Nous regagnons les rangs pour ne pas trop nous laisser distancer. Au loin sur le côté gauche, une fumée noire. C’est au niveau de la citée AN 3, des manifestants ont préféré emprunter ce tronçon. Et ne se sont certainement pas privé de brûler des pneus.
Baptême de feu à la place de la Nation
08 heures 28, la vague dans laquelle je défile est au niveau de la place de la Nation. Les choses ont commencé à se compliquer à ce niveau. Un très grand rayon était déjà couvert par la fumée libérée par les bombes lacrymogènes. Des bombes lacrymogènes qui pleuvaient à un rythme effréné. Notre baptême de feu pour la journée. Gaz lacrymogène devant pour contrer la progression des marcheurs, des soldats lourdement armés, le sac au dos, rue El Hadj Bila Moussa Yugo ; un véhicule de police avec ses occupants sur la rue en face ; des militaires lourdement armés eux aussi et bien visibles devant le Camp Guillaume Ouédraogo ; un premier défi se présentait. Certains se sont autorisé une pause pour évaluer la situation. « On ne peut pas passer, que chacun sorte son sachet d’eau et son mouchoir », clame un manifestant qui s’empresse de sortir les siens d’un sachet qu’il tenait dans la main gauche. A chacun sa solution. Après quelque 05 minutes de résistance au gaz, les forces de l’ordre font mine de battre en retraite. Les manifestants n’ont pas eu le temps de jubiler que le véhicule à eau entre en service. Il prend position et à intervalle régulier projette son contenu sur les manifestants. « Posez des barrières et armez- vous de pierres pour qu’on encercle le véhicule », conseille un manifestant. Ils n’en auront pas le temps quand ce que certains ont appelé « la rupture d’eau » a rouvert le passage. C’est au bout d’une demi- heure que le renfort recule. Et comme par extraordinaire, tout le dispositif sécuritaire s’est évaporé. Aussi bien les éléments sac au dos que ceux préalablement positionnés dan la rue en face d’eux. « Ils ont dû les appeler pour renforcer la sécurité aux alentours de l’Assemblée nationale. Mais c’est mal nous connaître car nous y arriverons », opine un jeune, la trentaine, le maillot de corps comme cache nez. Seul le dispositif du camp guillaume est resté. Mieux, un autre véhicule blindé vient se positionner à côté des deux qui étaient déjà perceptibles. « C’est l’Assemblée nationale qui nous intéresse, allons y ! », lance un autre.
Dame nature était de la lutte
Cette barrière levée, c’est l’Etat major de l’armée la prochaine étape. De loin, on aperçoit des hommes armés et deux véhicules blindés en état de marche sur la largeur de la route. Des militaires dans un couloir de l’édifice, armes tenues entre les deux mains, et qui regardent plutôt passer les manifestants quand ils arrivent à leur niveau. Chacun des manifestants se faufile entre les véhicules stationnés, les mains à l’air et poursuit son chemin. De la place de la Nation, le groupe que nous suivons a à peine le temps de au bout Est du grand marché que le gaz lacrymogène commence encore à pleuvoir. Et comme depuis la place de l Nation, les manifestants n’ont pas trop de difficultés à se protéger du gaz puisque cette fumée était retournée par le vent vers les tireurs. Un vent qui va dans le sens de la marche. Notre voisin lui préfère parler de « Retour à l’envoyeur ». « Le vent nous aide, avançons ! », se rejouit un autre jeune. A cette deuxième poche de résistance sise Rue de l’Hôtel de ville, l’affrontement aura pris beaucoup plus de temps. Au constat, plus les manifestants se rapprochaient de l’Assemblée nationale, plus le dispositif pour contrer la marche était renforcé. Et l’on a assisté ici pour la première fois à des jets de pierres en réponse aux jets de lacrymogène. En fait de jet de pierres, tout y passait. Tout objet à portée de main était utile sinon utilisé. Dans le feu de l’action, certains ont même retourné les bombes lacrymogènes que venaient de lancer les forces de l’ordre dans leur direction. Presqu’au même niveau, à gauche comme à droite, la tension semblait monter. De la fumée épaisse observée du côté de la grande mosquée, une autre plus dense au dessus du quartier Dapoya, on sent l’hémicycle à côté. Mais pendant une bonne dizaine de minutes, impossible de poursuivre la marche.
L’Assemblée nationale si près, si loin
La résistance tardant à ouvrir la voie, nous décidons de changer de groupe. Avenue de la nation à quelques mètres sur le côté gauche. Cette Avenue est la meilleure ligne droite qui soit entre la place de la Nation, site historique de rassemblement, et l’Assemblée nationale. Même ferveur, même cocktail de sifflement klaxons- sifflets- vuvuzelas. Du monde fou que nous venons d’intégrer, nous apercevons au Rond- point des Nations Unies le véhicule à propulser l’eau en action. Dans une foule pratiquement au nez de l’Assemblée nationale. Une foule résultant visiblement du croisement des différents groupes des groupes des quartiers ; le rond- point des nations unies comme lieu de rassemblement donc.
09 heures 22, nous entendons les premières rafales d’armes automatiques. « Des rafales de kalachnikov », précise quelqu’un qui dit s’y connaître. Des rafales à l’air qui obligent certains à battre en retraite. Mais certains n’ont pas quitté leurs positions. Un autre, un brin plaisantin ironise : « C’est de la musique pour nous ». Après plusieurs rafales- à l’air, je le rappelle-, les choses sont allées vite. Très vite même. En un laps de temps, plus aucun agent des forces de l’ordre, rien que des manifestants…jusqu’à la porte de l’Assemblée nationale. L’hymne national est entonné. Certains, déjà sûrs de leur victoire improvisent des séances photo sur le globe terrestre métallique du Rond- point des Nations Unies. Et un des marcheurs qui crie littéralement : « Je suis fière d’être burkinabè, avec ce qui est en train de se passer aujourd’hui ».
09 heures 36, le vote c’est dans moins d’une demi- heure. Un hélico survole la foule de manifestants. Une foule qui va de l’Assemblée nationale pour se perdre dans les limites objectives du regard humain. Il va un peu plus loin, revient et commence lui aussi à lancer le gaz lacrymogène sur les marcheurs. Pendant que certains saccageaient l’Assemblée nationale, ceux restés dehors avaient leur technique de neutralisation des bombes lacrymogènes. Aussitôt tombée, aussitôt aspergée d’eau que certains tenaient dans des bouilloires. Et on ne parle plus de fumée. De fumée pourtant, on en reparlerait avec l’incendie de l’hémicycle. Une Assemblée nationale littéralement pillée selon des témoins et passée au feu, des jeunes qui ont saccagé un véhicule avant de s’en servir pour une parade, un autre le torse nu, qui passe à vive allure au volant d’une moto d’escorte de la Police…c’est toujours sous les gaz lacrymogènes jeté depuis l’hélicoptère que les manifestants, visiblement satisfaits d’avoir atteint ce premier objectif, ont entrepris de changer de destination. « Kosyam ! Kosyam ! », « Libérez Kosyam » ou encore « Libérez le prisonnier », pouvait- on entendre.
La guerilla urbaine en marche
De l’Assemblée nationale, les manifestants qui empruntent l’Avenue Kwamé N’Krumah font une visite surprise au commissariat central. Un véhicule stationné à l’extérieur est brûlé, des étals de commerçants aussi y passent. Pendant un bout de temps, des échanges de tirs (bombes lacrymogènes contre pierres) ont lieu aux alentours. Des policiers probablement enfermés à l’intérieur qui répondent aux jets de pierres des manifestants. Quelques minutes après, c’est le siège du parti au pouvoir le CDP qui est incendié. Ensuite le domicile de celle qu’on appelle couramment Alizèt Gando, la belle- mère de François Compaoré, petit frère du Président Compaoré qui est incendié. D’autres noms de domiciles et de sièges ont été cités pour être passés à la flamme. Ambassade du Togo, Assimi Kouanda,…Sur le coup de 11 heures quand nous quittions le terrain pour vous proposer quelque chose à lecture, plusieurs de ces édifices étaient déjà passés par les flammes et beaucoup d’autres dans le viseur des manifestants.
Samuel Somda
Lefaso.net
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