Mardi, 26 Août 2014 13:49
Le
jeudi 7 août 2014, un commerçant du nom de Mohamed Cheikh Ould N’Zil
est porté disparu dans la zone de Niabina –Région du Brakna, Sud de la
Mauritanie. Après 24 heures de recherches infructueuses, la rumeur de
son assassinat se propageait. Les sites d’information électronique
s’empressent de préciser qu’il détenait une forte somme d’argent,
suggérant ainsi le mobile de sa mort violente. Sur la foi de soupçons
portés par les membres de la famille, la vox populi impute la
culpabilité du décès présumé, à des auteurs issus de la population
autochtone, en majorité Haal Pulaar.
Dès le congé hebdomadaire, la localité de Niabina se retrouvait, de facto, assiégée.
Mobilisé, l’exécutif régional s’y transporte, pour conduire « l’enquête
». Au titre des investigations préliminaires, la brigade de
gendarmerie de M’Bagne, place en garde à vue, neuf individus. D’autres
groupes de personnes subissent des intimidations, des fouilles et des
interrogatoires. Les habitants de la localité se sentent ciblés selon le
faciès et vivent, durant deux jours, sous l’emprise d’une peur d’autant
moins soutenable qu’elle revivifie le souvenir des tueries et
déportations de 1989-1991. Le surlendemain, samedi 9 août, la bulle se
dégonfle par enchantement, car le « disparu» de Niabina réapparaît à
Nouakchott, sain et sauf, malgré le port d’un pansement au bras, qui se
révèle parodique.
La portée
Les mesures de diligence au traitement d’une présomption de meurtre ont
occasionné un déploiement exceptionnel de la force, dans le cadre
d’une enquête conventionnelle ; toute une population en éprouvait,
pourtant, les effets de contrainte physique et de pression morale.
Pour un mort dont le cadavre manquait, l’autorité publique s’est
empressée de mettre en œuvre une théorie de la responsabilité
collective; il a été même conçu un hypothétique « trouble à l’ordre
républicain », de nature à commander le déplacement du wali, le plus
haut représentant du centre de pouvoir.
La tension atteignit son paroxysme lorsque les assiégeants, drapés dans
leurs certitudes et toujours sans la moindre précaution, demandèrent
l’ouverture d’une tombe fraîchement recouverte en vue de procéder à
l’exhumation du corps et en établir l’identité. Seule l’intervention de
l’imam permit d’établir que la sépulture était celle d’une femme dont il
dirigeait la prière mortuaire quelques jours plutôt.
L’enseignement
Au terme d’un enchaînement de péripéties attentatoire à la tranquillité
publique, l’évènement interroge la cohésion nationale autant que
l’égalité des citoyens devant le droit. Compte tenu des précédents
d’impunité de crimes de masses commis en 1989 et dont le traumatisme
demeure prégnant dans le Brakna et l’ensemble des régions au Sud de la
Mauritanie, se pose la question des conséquences : quelle suite, l’Etat
mauritanien accordera-t-il à cet énième abus d’autorité ? Quelles
attitudes préventives, convient-il de privilégier afin d’éviter la
prééminence du préjugé ethnique lors de l’usage de la force légitime ?
Le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCME) exprime sa vive
préoccupation face à l’attitude des forces de l’ordre et de
l’administration locale, qui rappelle un passé douloureux. Le CCME
exhorte le Gouvernement à diligenter une enquête interne et à rendre
publiques ses conclusions afin de restaurer l’honneur des populations de
Niabina et prévenir la répétition d’incidents susceptibles de malmener
le consensus – minimal - sur l’unité du pays et la paix entre ses
composantes nationales.
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