Le gouvernement du Mali et les groupes armés ont signé
jeudi ce qu’on appelle désormais « Feuille de route des négociations
dans le cadre du processus d’Alger ». Un document qui, a priori,
satisfait toutes les parties, mais qui peut comporter des pièges pour le
Mali. Analyse.
Le
document signé et paraphé par le gouvernement malien, les groupes armés
en belligérance et ceux qui ne le sont pas, les partenaires, les
médiateurs, les facilitateurs, est à première vue, un document de
cadrage qui semble contenter tout le monde, mais dont les écueils se
révéleront au moment des négociations de substance, sur le fond.
C’est-à-dire que ce n’est qu’à partir du 17 août qu’on pourra savoir
réellement s’il faut s’en réjouir ou pas. Il va falloir négocier dur
pour ne pas tomber dans le piège de la surenchère de ceux d’en face.
Tous les points, les virgules, même les interjections seront importants
et d’or pour l’avenir de ce pays.
Parce que, d’abord, la feuille de route ne semble pas défi@nir la
notion des « parties », même si cela semble résolu par le profil des
signataires. Les protagonistes ne sont pas très bien définis.
Contrairement aux autres accords, on ne définit pas, d’entrée de jeu,
ceux qui vont signer. Ce n’est qu’au bas du document que cela est
clarifié. Encore que l’une des parties (ceux qui ne sont pas en
belligérance avec l’Etat central) a paraphé un « papier » à part.
Pourquoi ?
Quid du caractère inclusif prôné par tous les partenaires du Mali et
le Mali, lui-même, si tous les signataires ne figurent pas sur le même
document ?En plus de ces remarques, d’autres problèmes pourraient venir
potentiellement des points suivants :
D’abord, la pléthore de médiateurs. L’Algérie à travers Ramtane
Lamanra son ministre des Affaires étrangères ; la CEDEAO, représentée
par un certain A. K. Traoré ; la Minusma représentée par son patron,
Bert Koenders, l’Union africaine par Pierre Buyoya et l’Organisation de
la coopération islamique par le Dr. Mohamed Compaoré.
Sans oublier ceux qui interviennent officieusement, dans les
coulisses, comme la France, la Suisse, le Burkina Faso (en tant qu’Etat)
et le Maroc dans une moindre mesure.
Le premier groupe a contresigné le document. Malheureusement, aucun
n’est très crédible et les Maliens ne croient pas trop en sa bonne foi.
Ceci par expérience. Iln’est pas très différent des autres signataires
(les groupes armés et non armés). Ensuite, et cela est extrêmement
important pour être signaler, l’Algérie s’est muée de facilitateur en
chef de file des médiateurs (voir le texte de l’accord). Jusqu’à un
passé récent, ce pays disait à qui voulait l’entendre qu’il sert juste
de facilitateur dans la crise malienne. Et come par enchantement, il est
bombardé « chef de file des médiateurs ». Une promotion difficile à
expliquer aux Maliens qui ont encore en mémoire les fameux accords
d’Alger.
Aussi, concernant cet accord, les documents de référence ont été trop
étendus. Il y en a trop. Alors qu’on pouvait simplement se limiter au
Pacte national.Un de ces documents retenu est, bien sûr, le très décrié
Accord d’Alger (peut être que l’Algérie y tenait). Or c’est ce texte qui
a consacré l’allégement du dispositif militaire dont on sait l’impact
sur toute la sécurité du pays. Cela n’aidera pas à éviter les erreurs du
passé.
Pis, dans le texte signé, contresigné et paraphé, le terme Azawad
(tant honni par le président de la République lui-même) est répété trois
fois. Est-ce à dire qu’il est désormais démystifié, et que les Maliens
devront s’y faire ?
Il faut cependant reconnaître à la délégation gouvernementale le
maintien des principes de base ; à savoir : l’unité, la souveraineté, la
laïcité. Même si dans le fond les questions objet des futures
négociations peuvent ne pas aller dans le sens de l’intérêt général
poursuivi par le point I.
La preuve: A problème national, il faut une démarche et une solution
nationales. Or tout est consigné pour singulariser la gestion future
(administrative, politique, culturelle…) des régions du Nord. C’est dire
que des concessions seront faites à Gao par exemple qu’on n’en ferait
pas pour Kayes, s’agissant par exemple de l’exploitation des ressources
minières et naturelles. Cette approche est très dangereuse.
Les richesses du sous-sol étant des richesses nationales, la
répartition par l’Etat des dividendes qu’il en tire doit profiter à
l’ensemble du pays. Sauf si on démontre par exemple que les subsides que
l’Etat tire de l’exploitation de l’or dans les régions de Kayes ou
Sikasso ne profitent pas à Tombouctou ou à Kidal en terme de financement
du développement ou de paiement de salaires ou des budget de
fonctionnement des structures régionales de l’Etat. Or c’est bien le cas
sans que les populations de Kayes ou Sikasso aient une quelconque
exclusivité sur lesdites richesses. On veut instaurer l’inverse pour les
régions du Nord. C’est politiquement dangereux.
Et puis, derniers aspects, le planning des négociations semble long.
On ne sait pas ce qui fonde l’idée de pourparlers de paix aussi longs.
Il y est même prévu des break alors qu’il y a urgence politique,
sécuritaire (terrorisme), militaire (retour administration et services
publiques auprès des populations), humanitaire.D’ailleurs, après le
deuxième round, le calendrier devient vague et pas précis du tout.
Jusqu’à quand va-t-on continuer à négocier ?
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