Pages

dimanche 1 juin 2014

Dossier – Saga BSGR-Vale-Rio : l’intrigue se corse avec des implications pour la Guinée

La charade de la revue des contrats miniers ordonnée par le gouvernement guinéen et exécutée avec zèle par Nava Touré est en train de provoquer une vraie « guerre mondiale » juridique autour des titres du Simandou.  Les autorités guinéennes qui aiment les situations de conflit, sont aux anges mais l’avenir des mines de Guinée devient assez assombri. Tout bon Guinéen connait le sort d’un terrain revendu à – et revendiqué par – plusieurs propriétaires. Ce terrain ne serait pas développé tant que le conflit n’est pas résolu pour de bon.

Le président et ses conseillers ont peut être sous-estimé la capacité de nuisance et la combattivité de Benny Steinmetz pour se lancer dans une opération périlleuse  dont ils ne contrôlent pas les contours techniques, juridiques et géostratégiques. Ils ont vu cependant Steinmetz riposter vigoureusement et faire cracher le morceau à la société de communication FTI qu’il accusait de connivence avec ce qu’il estimait être « une campagne de diffamation ».  La base des allégations était que le chef de FTI qui était retenu comme consultant par BSGR était en même temps membre du Conseil d’Administration de la Fondation Soros de Georges Soros, l’archi ennemi de Benny. D’ailleurs, Benny vient de lancer des poursuites judiciaires pour des milliards de dollars auprès de la Haute Cour d’Angleterre contre George Soros et Rio Tinto.  Le plaignant estime que les accusés ont travaillé en connivence avec l’ONG Global Witness pour le déposséder de ses droits sur les Blocs 1 et 2.  Déjà, en début du mois dernier, Rio Tinto avait lancé des poursuites contre BSGR et Vale les accusant d’avoir comploté pour voler les titres des blocs 1 et 2.  Vale n’a pas encore intenté son procès à lui, mais ça promet.  Son patron, Murilo Ferreira a estimé que « dans le cas de Rio Tinto, c’est au plaignant de prouver ses accusations, sous peine de se rendre coupable d’avoir agi de mauvaise foi ».

Alpha Condé qui aime l’adrénaline issue de la confrontation (pour le plaisir de la confrontation) a eu ce qu’il voulait. Mais attention, les miniers ne sont pas les politiciens d’opérette qui constituent ses adversaires actuels. Qui s’y frotte s’y pique, dit-on souvent.  En 2015, il aurait très peu de choses à faire valoir comme réalisation concrètes pour sa réélection. La population ne croira pas aux vendeurs d’illusions de méga projet imminent, de projet chemin de fer Conakry-Bamako prêt à démarrer, de projet urbain de plusieurs milliards de dollars pour transformer Conakry en capitale la plus moderne de la sous-région.  Au contraire, il aurait non seulement failli à ses promesses, mais aussi compromis l’avenir du pays en raison de son manque d’expérience de gestion et sa dépendance sur des cadres qui ne lui disent pas la vérité.

La revue des contrats miniers a été sabotée en Guinée

En principe, la revue des contrats miniers était une très bonne idée qui pourrait renforcer la transparence dans le secteur et renflouer les caisses des l’Etat. Mais, du moment que le processus fut subordonné à des impératifs politiques et aux humeurs d’intérêts étrangers qui n’advient rien à voir avec ceux de la Guinée, le processus est passé à côté.  Ci-dessous l’expérience réussie d’autres pays dans la même situation que la Guinée.

Expérience du Congo : En avril 2007, le gouvernement de Joseph Kabila s’était résolu à examiner tous les contrats miniers signés durant les deux guerres du Congo (guerre de 1996-1997, la guerre de 1998-2003, et la transition de 2003-2006). Au total 63 contrats étaient soumis à la revue.  Par un arrêté en date du 20 avril 2007, le ministre des Mines a lancé le processus avec la mise en place d’une commission interministérielle qui avait mandat de statuer sur les contrats durant une période limitée à 3 mois, du 15 mai au 15 juillet 2007.  Le gouvernement avait reconnu que le comité était une structure ad hoc qui n’avait aucune base légale, et opérait sous la tutelle du ministre des Mines. Le comité était appuyé pas le Centre Carter, une ONG humanitaire mise en place par l’ancien président américain Jimmy Carter. Au début, le processus de revue des contrats a été pris en otage par les intérêts géopolitiques des puissances étrangères. La Belgique qui n’avait plus d’intérêts miniers dans le pays, a soutenu le Centre Carter, mais les Etats qui avaient des intérêts en jeu, notamment les Etats Unis, le Canada, et le Royaume Uni voyaient d’un mauvais œil le processus de revue. Le Centre Carter qui croyait naïvement que le processus était enclenché pour le bénéfice du peuple congolais avait dû déchanter devant la politisation progressive du processus et son manque de transparence. 

Mais l’affaire était très suivie par la société civile. En fin de compte, le gouvernement avait dû se contenter d’un compromis en recommandant des pénalités ou des payements additionnels à la plupart des sociétés minières impliquées. Au lieu d’arrêter des projets en cours de réalisation, de retirer des titres, d’opposer un grand minier à autre comme Alpha Condé l’a fait, Kabila s’était contenté de mesures modestes pour ne pas mettre en péril le secteur minier de son pays. Il demandera aux sociétés de majorer le taux de participation de l’Etat (à travers l’entreprise minière nationale Gécamines) dans leurs projets, de verser des montants additionnels en guise de « ticket d’entrée », et de faire des engagements financiers en faveur du développement communautaire. Au contraire d’Alpha Condé, Kabila n’était pas obnubilé par des considérations électoralistes (quelle compagnie me soutiendra dans les prochaines élections, qui est mon ami, qui m’a donné de l’argent). Par exemple, sa revue n’avait pas empêché son « Simandou », le grand projet de cuivre Tenke Fungurume, alors sous la coupe de la société américaine Phelps Dodge (plus tard engloutie par Freeport), de progresser malgré les soupçons qui pesaient sur l’attribution du permis.  Mais, comme Alpha Condé, Kabila avait voulu s’en prendre à une société junior qu’il croyait faible et sans défense. Il s’agit de la canadienne First Quantum Resources. Il va retirer les titres de cette société pour les attribuer à une société amie.  Mal lui en pris, car le Congo sera non seulement trainé en arbitrage international, mais le lobby de la société avait mobilisé le gouvernement du Canada, et à travers ce gouvernement la Banque mondiale, le FMI qui avaient tous dirigés leurs feux contre le régime. Kabila avait failli être recalé à l’examen de passage du PPTE, il sera soumis à un régime sévère de gouvernance minière. Il n’aura la paix que quand il demandera à sa société amie de bien vouloir dédommager la junior.  Pour 1,2 milliards de dollars payés par la société amie, la junior avait accepté l’argent et abandonné son combat contre le régime de Kabila.

Expérience du Libéria : Après son investiture en janvier 2006, Ellen Johnston Shirleaf, première femme d’Afrique à occuper la magistrature suprême, avait pris la décision de revoir tous les contrats miniers signés par le Libéria entre 2003 et 2006.  Ces contrats concernaient notamment les sociétés Arcelor Mittal dans les mines et Firestone dans l’agriculture. Au lieu de se faire influencer par des mécènes intéressés, Johnston Shirleaf avait fait appel aux services bénévoles des juristes miniers dans le cadre du International Senior Lawyers Program qui met à la disposition des pays pauvres qui le souhaitent, des avocats de renom international pour les aider à mieux se défendre contre les multinationales. En quelques mois, le gouvernement était revenu sur la table de négociation avec Arcelor Mittal pour trouver un arrangement gagnant-gagnant. Le Libéria a proposé des amendements sur 30 points du contrat couvrant les prix de transfert, les taxes et redevances, l’utilisation des infrastructures minières, et le développement des communautés riveraines. Arcelor Mittal n’avait pas trouvé beaucoup à redire, et les amendements ont été signés et ratifiés pour le plus grand bien du peuple libérien qui a vu le projet continuer et devenir une réalité. D’ailleurs, la même année Arcelor Mittal a annoncé qu’elle accroit son investissement  de 1 milliard de dollars à 1,5 milliards de dollars pour marquer sa satisfaction devant le règlement heureux de la revue de son contrat minier.

Expérience de la Sierra Leone : La Sierra Leone avait aussi initié une revue de contrats miniers suite au tôlé général exprimé par sa population et ses bailleurs de fonds sur l’attribution de titres miniers à des milliardaires controversés proches du pouvoir précédent. Vasile Frank Timmis, est le « Benny Steimetz » de la Sierra Leone. Un entrepreneur hongrois de naissance, il s’est rendu en Sierra Leone au moment des heures troubles de ce pays pour s’attribuer des titres miniers sur la plupart des terrains libres. Naturalisé australien et basé au Royaume Uni, Timmis est considéré comme le plus riche des Australiens résidant en Angleterre. Il forme son « BSGR » qu’il appelle African Minerals Limited.  Comme Benny, il dépense des millions dans la prospection pour le fer. Dès qu’il réalise un potentiel certain, il attire comme partenaire un investisseur de taille, le Chinois Shandon Iron and Steel Group à qui il impose un ticket d’entrée de 1,5 milliards de dollars pour le développement du gisement de Tonkolili. Contrairement aux Guinéens aveuglés par la politique politicienne de leurs leaders, les Léonais n’avaient pas pris la transaction comme un scandale et voyaient plutôt dans cette « vente d’actions » une très bonne chose qui allait injecter des investissements nouveaux et faire du projet une réalité. Tonkolili est du menu fretin par rapport au Simandou, mais ce n’est pas la taille qui compte, c’est la baraka. Avec un peu moins de 10 milliards de tonnes de réserves de très faible qualité (30% de fer, comparé à 65% pour Simandou), la Sierra Leone s’est bouchée le nez pour travailler avec le controversé Timmis et réaliser sa première mine de fer en moins de temps qu’il n’a fallu à Alpha Condé d’aller d’une promesse ferme de Rio de mettre en valeur le Simandou en 2011 à une autre promesse moins ferme de mettre en valeur le gisement en 2020, peut être en 2030. 

Ernest Bai Koromah lui ne s’est pas contenté de signature de nouveaux accords d’intention. En Septembre 2010, il célèbre la venue de la première locomotive de 50 tonnes, et s’accorde sur la date de lancement du chemin de fer allant de Marampa au port de Pepel, l’ouverture de la mine et l’expédition du premier chargement pour l’exportation. Il force aussi les deux sociétés d’exploitation du minerai de fer, en l’occurrence African Minerals et London Mining, à mettre de côté leur compétition nuisible et à unir leurs forces pour la réhabilitation du chemin de fer et se partager l’utilisation des rails. Et, il avait réussi le pari bien avant les élections présidentielles de 2012, de sorte qu’il avait du concret à son actif, pas que des promesses mirobolantes sans lendemain. Koromah a eu la même approche proactive envers Benny Steinmetz (oui le même Benny qu’en Guinée). Il ordonne la revue du contrat sur la mine de diamant de Koidu dont Benny est actionnaire majoritaire et arrive à un terrain d’entente qui permet au pays de recevoir davantage de revenus et au projet d’aller de l’avant. Koromah accepte l’offre de Benny de payer à l’Etat la somme de 18 millions de dollars qui reflètent 8% de redevances, 30% de d’impôt sur le chiffre d’affaires, 15% de taxe sur les dividendes.
Les deux poids, deux mesures en Guinée et l’effet boomerang de l’affaire BSGR
Après le Congo, d’autres pays tels que le Ghana, la Tanzanie, la Zambie ont procédé à des revues de leur contrats miniers. Et chaque pays avait pris le soin de ne pas faire du processus une chasse aux sorcières ou un casus belli contre un investisseur particulier. Il n’est pas évident que Nava Touré et son fameux comité aient tiré les leçons de ces pays avant d’encourager Alpha Condé à s’engouffrer dans des erreurs et à déclencher une vraie « guerre mondiale » juridique entre les plus grandes sociétés minières du monde.  Une guerre qui ne rapporte rien à la Guinée, mais au contraire nuit à son espoir de voir les mines devenir un moteur de sa croissance économique durable. Rio contre Vale et BSGR ; Vale contre BSGR ; BSGR contre Rio, et bientôt Vale contre Rio. 
Le gouvernement guinéen a eu l’idée fausse que BSGR aurait « revendu » son titre et empoché l’argent sans partager avec la Guinée.  Le président Alpha Condé déclare : « il lui [BSGR ndlr] était donc impossible de vendre sans l'accord du gouvernement guinéen, et d'autre part pour les sites de Simandou 1 et 2, BSGR n'avait qu'un permis de recherche. L'ancien et le nouveau code minier précisent que ce type de permis ne peut être cédé, ni vendu. BSGR ne pouvait donc vendre à Vale ».  Mais il se défend d’appliquer la même logique à la société Rio qui venait de faire une transaction pareille avec Chinalco. Il connait bien qu’il y a une différente entre vendre la part des intérêts d’une société dans un projet et vendre les droits d’une concession minière qui n’existe pas. Lui qui est pourtant diplômé de Droit était censé savoir que sa décision unilatérale de retirer un permis sans autre forme de procès allait déclencher une bataille juridique.  Il a eu plus que la bataille isolée qu’il croyait avoir avec Benny. Son action a déclenché des tirs croisés de Titans dans les grandes capitales du monde (Rio contre Vale et BASGR à New York, Vale contre BSGR et BSGR contre Rio à Londres, BSGR contre la Guinée à Washington, et bientôt Vale contre la Guinée à la cour arbitrale de Paris). 

Le gouvernement devrait s’inspirer d’une leçon pénible de notre voisin le Sénégal qui peine aussi à développer les mines de fer de la Falémé, l’équivalent du projet Simandou appelé MIFERSO. Le gouvernement sénégalais avait exproprié la junior Kumba Resources de ses droits miniers et attribué le permis au géant Arcelor Mittal en 2007. Arcelor avait promis de lever quelques 2,2 milliards de dollars pour développer la mine, les rails et le port et la lancer la première tonne de minerai en 2011. Mais en 2009, suite à la crise financière et le recul des cours du minerai, la société a opté pour l’attentisme. Le gouvernement sénégalais s’est retrouvé dans une situation délicate : en arbitrage avec Koumba et en conflit avec Arcelor-Mittal qui peinait à respecter ses engagements. Le gouvernement a dû accepter un arrangement à l’amiable avec Koumba Resources et la poursuite de Arcelor-Mittal pour rupture de contrat.

Même si les Blocs 1 et 2 changent de main à travers un nouvel appel d’offres, les nouveaux acquéreurs feront face à une conjoncture du marché plus difficile qu’en 2011, des difficultés de financement plus accrues (par exemple la reprise de B&A Mineraço a échoué sur le Nimba), à la même structure de coûts (même Rio Tinto à décidé de ne pas s’engager pour les quelques 12 milliards de dollars requis pour les infrastructures du Simandou) et aux mêmes risques. Les repreneurs seraient obligés de passer des années à reprendre les études, négocier avec Rio leur participation dans le consortium des infrastructures, mettre à jour les coûts et risques et lever des fonds. Le temps ainsi perdu sera une autre occasion ratée pour les jeunes de Guinée qui aspirent à un emploi rémunérateur plutôt qu’à militer dans des comités de soutien aux campagnes politiques du parti au pouvoir.
Le déficit de crédibilité des accusateurs » un risque légal pour la Guinée

Le président de la République vient de profiter de l’Assemblée hebdomadaire de son parti pour fustiger la culture du mensonge des cadres de son parti. Il se lamente : «Ils veulent tous avoir de la place. Leur problème c’est avoir des postes…Ils veulent partir dans un lieu où y a beaucoup d’argent. C’est leur esprit, c’est pour aller voler. »  Espérons qu’il va joindre les mots aux actes quand il promet de « mettre fin à ça ».  Il ne le réalise pas encore, mais Nava Touré et tous ceux qui l’exhortaient à prendre des décisions hâtives et peu réfléchies sur le secteur minier l’ont poussé à des erreurs aux conséquences lourdes pour la Guinée et d’ailleurs pour son avenir politique. 

Nous avons déjà alerté l’opinion sur le rôle que les conseillers actuels du président Alpha Condé ont joué dans l’attribution du permis de recherche à BSGR. A commencer par le Conseil des ministres qui avait donné son aval à l’attribution du permis (dont plusieurs membres sont maintenant des ministres et conseillers d’Alpha Condé), le Premier ministre, Ahmed Tidjane Souaré qui avait entériné le dossier (qui fut copté par Alpha Condé comme Conseiller spécial avec pour mission d’aider à dénoncer le même processus qu’il avait approuvé) ; Mohamed Lamine Fofana, le conseiller minier du Premier ministre au moment de l’attribution du titre (qui est copté pour être ministre des Mines dans le nouveau gouvernement avec pour mission d’acculer BSGR à rendre son permis) ; Lounceny Nabé était le ministre des Mines qui avait signé l’arrêté octroyant le permis (est copté pour être le gouverneur de la Banque Centrale). Ahmed Kanté, devenu plus tard ministre des Mines (est copté pour jouer le rôle de conseiller minier et chef de la Soguipami) ; Nava Touré, le conseiller du ministre des Mines au moment de l’attribution du permis à BSGR est copté pour être le chef du comité de revue technique qui recommande l’annulation du permis était. Kerfalla Yansané, qui avait donné son aval à la signature de la Convention BSGR est copté pour être ministre des Finances, ensuite ministre des Mines pour dénoncer la même Convention.
D’autres cadres sympathisants qui avaient joué un rôle primordial dans l’attribution du permis, mais qui ne furent pas coptés comme ministres ou conseiller, font aujourd’hui le lobby pour Rio Tinto, l’adversaire de Vale.  C’est le cas de l’ancien ministre Ibrahima Soumah. C’est sous ce ministre que Rio Tinto a obtenu du gouvernement guinéen la dérogation à la loi minière à laquelle toutes les sociétés minières (grandes et petites) étaient astreintes.  La barrière légale qui protégeait le pays contre les reports répétés de la mise en opération du Simandou avait été levée quand sous le ministre Ibrahima Soumah il a été décidé que Rio Tinto pouvait s’attarder la mise en valeur du gisement sans l’obligation de rétrocéder la moitie du périmètre à un autre investisseur au bout du temps réglementaire ; que Rio n’a pas à mettre en évidence les réserves qui définissent la valeur du gisement, à définir les coûts (capex et opex), ainsi que le calendrier de mise en œuvre avant de signer une signer une Convention (signer seulement, on vous dira le coût et le plan de mise en œuvre plus tard) ; que Rio n’a pas à produire des études de faisabilité pour obtenir une concession minière.  Les bons et loyaux services de ce ministre lui ont valu d’être plus tard un Consultant pour Rio. Aujourd’hui, c’est lui qui a martelé aux Guinéens la nécessité de signer vite les accords de Rio.  Il dénature même les faits pour défendre les reports de Rio. Il déclare : « Attention, la convention en ce qui concerne ce projet a été  signée en 2002. Je suis bien placé pour le dire, puisque c’est moi qui l’ai signé. A l’époque, notre programme était de démarrer en 2009, mais il y a eu tellement d’évènements en Guinée que ce n’est pas étonnant qu’on trouve cette fois un moment pour avancer. »
Pourtant, il n’y a aucune déclaration de force majeure de Rio qui justifierait les manquements de Rio sur ces engagements au titre de la Convention Minière pour cause d’évènements incontrôlables. Plus de 10 ans plus tard, nous en sommes aux signatures de protocoles sans aucune date certaine pour entamer la phase opérationnelle. Aux multiples alertes de Guineenews© pour attirer l’attention de l’opinion sur les erreurs du gouvernement, l’ancien ministre Soumah répond : « c’est facile de critiquer à distance ce genre d’activité. »   En ce qui concerne Mamadie Touré, la personne-clé dont les accusations sont le fondement de tout le grief de la Guinée dans l’affaire BSGR, sa crédibilité n’a pas été retenue par la justice américaine.  Et même en Guinée, c’est Tidjane Souaré qui s’interroge publiquement sur la bonne foi de  cette dame, ce qui soutient les allégations de BSGR sur la crédibilité de la personne. La Guinée ne doit pas s’attendre à gagner un procès dans lequel tous les accusateurs ne sont pas crédibles.
Le président devrait donner l’exemple en disant lui-même la vérité sur les promesses incertaines de la réalisation prochaine du projet Simandou
Comme dans le schéma de financement des infrastructures à hauteur de 51% prôné avec fanfare par le cercle présidentiel comme une victoire du président dans l’Accord Transactionnel, et qui s’est révélé (comme Guinéenews© l’avait prédit) être un obstacle de taille au lancement du projet en 2011, la formule retenue dans le cadre des investissements des infrastructures risque d’avoir les mêmes effets. Au lieu de fédérer les investisseurs miniers intéressés au fer de la Guinée et de coordonner leurs actions pour le financement des infrastructures, le gouvernement a préféré s’en remettre à Rio Tinto dont l’intérêt est de garder le monopole de l’exploitation et le transport du minerai de fer en Guinée.  Rio trouve une formule qui l’arrange, en introduisant toutes formes de contingences légales en cas de difficulté de lever les fonds.  Au moment de la signature, Alan Davies, le chef de direction du groupe Diamants et Minéraux de Rio Tinto avait parlé de la signature comme un témoignage de « la détermination de tous les partenaires à  faire progresser le projet. C’est l’aboutissement de bon nombre d’années de collaboration et de travail acharné. Nous allons désormais nous concentrer à  faire avancer les plans pour la mise en valeur de la mine et à former un consortium d’investisseurs qui financeront et développeront les infrastructures ».  Contrairement à un arrangeur financier qui s’engage à lever les fonds dans le cadre d’un échéancier précis contre le paiement d’une prime de réussite ainsi que des frais d’arrangement y associés, Rio ne s’engage qu’a mettre son meilleur effort pour former un consortium avec des partenaires non encore identifies.

A l’instar de l’Etat guinéen, Rio ne veut pas prendre le risque des investissements massifs des infrastructures et s’en remet à la formule BOT (Build, Own, Tansfer) qui lui permet de mobiliser un consortium.  Rio n’a ni expérience ni record de succès en tant qu’arrangeur financier, mais va essayer à l’aveuglette puisque rien ne presse pour la société.  La formule BOT n’est pas la formule idéale pour celui qui a calendrier précis de mise en œuvre, car les négociations entre les participants potentiels à un consortium sont très longues et onéreuses.  

Dans un BOT de chemin de fer, les relations entre l'État et le concessionnaire sont définies par une convention de concession au titre de laquelle le concessionnaire assure (i) l'exploitation technique et commerciale des services de transport ferroviaire ; (ii) l'exploitation, la maintenance, le renouvellement et l'aménagement des infrastructures ferroviaires existantes ; et (iii) la gestion domaniale du domaine public ferroviaire. Le concessionnaire exercera son activité sur une base commerciale, à ses frais, risques et périls. Dans les conditions actuelles de la Guinée, il sera extrêmement difficile de voir un BOT se réaliser en l’espace de 3 ans ou 4 ans.  En fait le BOT est difficile dans tous les pays africains. Le plus grand projet de chemin de fer financé par la formule BOT est le projet de train urbain Gautrain en Afrique du Sud. Ce projet fut annoncé en l’an 2000 par l’Afrique du Sud dans le cadre des infrastructures pour la Coupe du Monde. Le projet coûtait 4,5 milliards de dollars (soit à peu près un tiers des coûts des infrastructures du Simandou).  Il a fallu 6 ans pour former un consortium, comprenant les grands constructeurs comme Bouygues, Bombardier et Murray and Roberts. A noter que la ligne Gautrain a une longueur de 80 kilomètres (la ligne du Simandou aura plus de 600 kilomètres), et l’Afrique du Sud est un pays relativement stable et côté en bourse (les risques de la Guinée sont hors de cotation).  La construction a duré 4 ans, et la ligne fut inaugurée en 2010, à temps pour la Coupe du Monde. En Guinée, on fait croire qu’en moins de quatre ans on va mobiliser le consortium, construire le chemin de fer et la mine, et procéder à l’exportation de la première tonne.  Mine de rien….

Rio Tinto reconnait que le calendrier n’est pas faisable, contrairement aux thuriféraires du pouvoir (le  RPG a récemment déclaré par la voix de son secrétaire permanent, Lansana Komara, être convaincu que « le franchissement de cette étape très décisive et cruciale, marque à n’en pas douter  le démarrage des travaux pour cette mine » ; la mouvance a voté une motion pour féliciter le président).  Afin de se prémunir de toute critique d’avoir retardé le financement, Rio Tinto a déjà commencé à gérer les attentes du gouvernement.  Peu après la signature du cadre d’investissement, Alan Davies avait déclaré le 28 mai passé sur les antennes de RFI : «Nous allons amener des investisseurs extérieurs, pour les infrastructures; donc, il y a des variables que nous ne contrôlons pas; Simandou est très important pour nous à Rio Tinto, et nous voulons mettre toutes les chances de notre côté; tout n’est pas en notre pouvoir, mais le cadre d’investissement que nous avons signé, et l’envergure du projet, nous donne les meilleures chances de lever des fonds à long terme.»  Son patron Sam Walsh abonde dans le même sens et pense plutôt que « la signature va injecter au projet avec un nouvel élan »  tout en mettant l’accent sur le fait que le Simandou « est un projet extraordinaire de grands défis qui exige une vision à long terme et de la patience ». Même le ministre des Mines refuse de crier à la victoire quand il reconnait que la signature du cadre d’investissement« ouvre une nouvelle page dans la vie du projet Simandou sud qui est encore plus exigeante que la phase de négociations des conventions ».  D’ailleurs, Rio n’a voté qu’un budget de 300 millions au cas où elle devrait se mettre au travail pour les études de faisabilité qui sont contingentes à l’approbation sans changement par l’Assemblée Nationale du cadre signé par le gouvernement.  Piètre budget pour un projet de cette envergure !  Même la presse australienne a reconnu ce weekend que l’objectif de 2020 serait difficilement tenable.

Rio a miné elle-même les chances de réalisation rapide du projet en se lançant dans une course de poursuites judiciaires vindicatives et préjudiciables aux intérêts de la Guinée et du projet. Après avoir confirmé qu'il appartient au gouvernement de la Guinée de décider de la gestion des blocs 1 et 2 de Simandou (Rio n’est pas habilité à faire une décision souveraine pour la Guinée), le groupe s'est dit favorable d'accueillir « la possibilité pour tout nouveau titulaire des titres miniers relatifs aux blocs 1 et 2 de Simandou de devenir client co-fondateur et investisseur dans le développement des infrastructures associées au projet Simandou, y compris la ligne du chemin de fer du Transguinéen… » En même temps, elle traine en justice, Vale, la société la plus capable de devenir un investisseur sérieux et co-fondateur du consortium.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire