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vendredi 27 juin 2014

Comment le Sénégal a recensé ses 127 130 “vrais” fonctionnaires

L’audit physique et biométrique des agents publics sénégalais est achevé. Une opération menée en interne, sans recours à des cabinets privés, locaux ou internationaux. Elle permet de connaître le nombre de fonctionnaires à la disposition de l’État et de radier les “agents fantômes”. Place à la gestion prévisionnelle des effectifs.

C’est fait. Le Sénégal sait désormais de combien de fonctionnaires il dispose. Après un premier audit physique de son personnel en 1996, puis un second sur le corps des enseignants en 2006, un troisième audit global, commandé par le chef de l’État le 4 mai 2012, vient de s’achever.

Le Sénégal compte donc très précisément “127 130 fonctionnaires en situation régulière avec une présence dominante des hommes, qui sont au nombre de 97 369, et de 23 % de femmes”, a recensé le comité de pilotage de l’audit physique et biométrique des agents de la fonction publique, présidé par la Première ministre, Aminata Touré.

“Nous avons le fichier de tous les ministères. Nous avons répertorié agent par agent, par structure, par fonction pour disposer de tous les éléments d’information”, a expliqué le ministre de la Fonction publique, du Travail, du Dialogue social et des Organisations professionnelles, Mansour Sy.

Réalisée avec l’appui de l’Agence de l’informatique de l’État (Adie), la mission d’audit a été menée en croisant plusieurs listes connues, éditées par la direction de la solde, des pensions et rentes viagères, la direction générale de la fonction publique, les directions des ressources humaines des différents départements ministériels concernés et les directeurs de personnel administrant les corps sous statuts spéciaux.

Valise biométrique

Concrètement, chaque agent figurant sur l’une de ces listes a été convié à se présenter devant une équipe d’auditeurs avec sa carte nationale d’identité, son bulletin de salaire ou son numéro d’immatriculation. En parallèle, une valise biométrique a permis de collecter toutes les informations personnelles des agents, y compris leur photo numérique et leurs empreintes digitales.

Car si cette opération a pour finalité la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences dans la fonction publique – ce qui doit favoriser la maîtrise de la masse salariale et la création d’un fichier unique des agents de l’État –, la traque des fonctionnaires fictifs était également au menu.

À l’issue de la phase de terrain, l’atelier de partage et de validation des données a traité le cas de 23 054 agents de l’État en situation de contentieux. “Au total, 1 169 agents de l’État ont été soumis à la domiciliation de leur salaire au Trésor public et ne se sont jamais présentés ou n’ont pu justifier de leur situation. Ils étaient payés indûment. En 2013, cela a coûté à l’État 5,67 milliards de francs CFA [8,7 millions d’euros, ndlr]”, a expliqué Mansour Sy. Sachant qu’en 2012, la masse salariale de la fonction publique sénégalaise a été de 460 milliards de francs CFA (700 millions d’euros), ce qui représente 32 % des recettes fiscales de l’État.

Un audit public à 380 000 euros

Ce travail de fourmi explique sans doute que le rapport, qui aurait dû être remis au Premier ministre à la fin du mois de juin 2013, accuse un an de retard. Mais l’étude des cas litigieux, démarrée le 26 avril 2013 devait s’achever à la fin du mois de juin 2013 pour livrer à cette date les résultats définitifs de l’audit. C’est en tout cas le calendrier qu’avait fourni à ses pairs Mansour Sy, à l’occasion du conseil d’administration du Centre africain de formation et de recherches administratives pour le développement (Cafrad), à Rabat, les 12 et 13 juin 2013.

Selon les chiffres avancés, l’audit programmé initialement sur cinq mois était budgété pour 250 millions de francs FCA, soit plus de 380 000 euros. “C’est l’occasion de relever que l’audit physique et biométrique a été entièrement mené par des ressources humaines propres à l’administration publique sans recourir à un quelconque cabinet privé. Une telle option a permis de valoriser les compétences et l’expertise des ressources humaines de notre administration publique et de réduire sensiblement le coût du financement de l’opération d’audit”, insistait le ministre à Rabat l’an passé.

Et de motiver alors la démarche de son pays : “trouver une solution efficace et durable à la lancinante question de la maîtrise des effectifs et de la masse salariale au sein des fonctions publiques africaines”. L’avenir dira si l’audit physique et biométrique des agents de la fonction publique sénégalaise servira de modèle aux autres pays du continent.

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