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mardi 19 août 2014

MAMADOU DJIBO À ETIENNE TRAORÉ : « AFFRONTONS NOTRE DESTIN DÉMOCRATIQUE EN NOUS RENDANT AUX URNES …»

Dans une tribune publiée la semaine dernière sur Burkina 24, le Pr Etienne Traoré, par ailleurs membre du PDS/Mètba, parti d’opposition burkinabè, écrivait pour demander au Président du Faso de renoncer à organiser un référendum. En réponse, Mamadou Djibo, estime plutôt qu’il faut aller à cette consultation électorale, afin, dit-il, d’affronter « notre destin démocratique pour mieux le rencontrer avec allégresse et fraternité en nous rendant aux urnes le moment venu comme partisans du référendum révocatoire du leadership du Président Compaoré ou comme partisans du plébiscite de son leadership d’excellence (…) ».Lisez la suite. 
Cher Professeur Etienne Traoré, Cher aîné,
J’ai lu avec plaisir votre dernière sortie invitant, répétition pédagogique oblige si vous le permettez, Monsieur le Président Compaoré à renoncer à se prévaloir de son droit constitutionnel de citoyen burkinabè, illustre soit-il, de demander au peuple souverain de lui renouveler sa volonté majoritaire de le conduire, de le diriger vers des lendemains meilleurs.
 Ce n’est que son souhait, considérant que  seul le peuple souverain est le détenteur unique du pouvoir. Il ne s’agit nullement comme vous l’écrivez, cher professeur de « sa conviction » de quoi que ce soit. Pourquoi ?
 En ceci que constatant que vous le chef de file du courant consensualiste et vos amis, tenants des transactions politiques de 1991, votre bonne foi a été convoquée à l’occasion des rencontres organisées par les sages du Faso conduits par le Président Jean-Baptiste Ouédraogo ; a failli, transie par la volonté mauvaise, hélas. Au lieu d’une rencontre, puisque seules les bonnes volontés se rencontrent, vous aviez, vous et vos amis de l’Opposition politique, préféré emprunter les chemins qui ne mènent nulle part à travers des a priori tactiques et politiciens dont tous nos concitoyens sont témoins.
Or la primauté du consensus que vous revendiquez avec insistance, aurait dû vous conduire à plus de sagesse devant les sages aux fins d’aller au bout de l’offre d’une transition politique apaisée.
Parce que, précisément, cette TPA que j’ai nommée une offrande à la Pax burkindi, transigeait fort aise avec le traditionalisme sous-jacent à votre appel au respect du consensus de 1991, comme sortie de « l’enclos Constitutionnel », dans l’esprit des pouvoirs politiques traditionnels africains pour lequel, diriger par consensus était la règle d’or.
Je vous sais gré, prenant en compte cette idéologie traditionnelle de la responsabilité des pouvoirs africains anciens quels qu’ils soient, d’invoquer le caractère et la discipline de nos compatriotes Mossé que le Professeur Ki-Zerbo in A Quand l’Afrique, p.73 a repris : « Ce n’est pas le roi qui a la royauté, c’est la royauté qui a le roi ».
 Autour des sages et devant eux comme autorité morale garant des serments prononcés à la face de la Nation, de notre Burkina chéri, il était de bon ton d’argumenter, de démontrer, puisque la charge de la preuve vous incombe, suivant l’esprit de nos ancêtres que le Président des Burkinabè, abuse de son pouvoir.
 Comment ?  En voulant jouir de son droit citoyen consistant à souhaiter être de nouveau, appelé à nous diriger, solidaire de son acceptation d’être sanctionné, si de tels abus étaient avérés et méritaient l’invalidation de son leadership national par la majorité.
Consensus traditionnel et Polemos démocratique
Celui qui parle, avec raison, de consensus en Afrique, parle au nom de nos traditions attestées. Celui-là ne peut nullement se rétracter derrière des arguties tactiques dignes du matérialisme politique dont la suprême transcendance reste l’invocation de « la raison d’Etat » durant la Renaissance européenne.
L’un de ses maîtres reste Machiavel nonobstant le fait qu’il fut le grand admirateur dela République romaine.Partisans de Machiavel pour revendiquer le « mandat » du Président du Faso comme transaction politique pour « raison d’opposition » se substituant à la raison d’Etat, aujourd’hui, invocateurs inconséquents des us et coutumes de la responsabilité politique des pouvoirs traditionnels africains.
On est où là,  s’étonnera l’étudiant de Zorgho ? Remettez donc le Pédiatre-Président en selle – pour le désavouer ensuite par une de ces contorsions ou controverse inutile dont vous avez le secret-, eût été conséquent lorsque les arguments sont ceux d’engagement privé contracté, de morale et d’éthique, d’inopportunité du référendum, que sais-je encore.
Proches du Président Compaoré comme vous l’êtes tous, exceptés les révolutionnaires sankaristes qui souhaitentproclamer une autre révolution comme si c’était ça le mode opératoire des Révolutions, il eût été facile pour mieux valider vos arguments ne dérivant ni des principes républicains, ni démocratiques, de conforter l’audience et l’offre des sages auto-saisis au nom de nos traditions et de notre droit souverain à la tranquillité traditionnelle villageoise ou républicaine.
Cher Professeur, il me revient pourtant qu’étant en charge de l’argumentaire, en lieu et place de Machiavel dans Le Prince (1513), en cette période burkinabè pleine de promesses pour nous et que vous qualifiez de nuageux sans déluge, la rupture paradigmatique dans la même Renaissance européenne, était offerte par des Humanistes nommés, Thomas More, auteur de Utopie (1516) ou surtout Erasme dans son Institution du prince chrétien (1516).
Vous auriez eu le loisir de rester fidèle au consensus de 1991 avec une loyauté citoyenne et même militante envers nos institutions et vécus du pouvoir africain et, au lieu du prince chrétien d’Erasme outillé avec ses valeurs judéo-chrétiennes, proposer le manuel pour les présidents africains selon le philosophe Traoré ; le philosophe SakombiInongo chérissant le livre de Budé, l’Institution du prince (1518) offrir  une apologétique de l’absolutisme monarchique, tendance du Bantu Mobutu détestant les référendums et le philosophe Djibo, pourquoi pas,proposer les Lumières de la Paix, inspiré par la singularité universelle du Mandé Kalikan de 1236.
Je vous fais constater qu’on ne parle pas encore de principes démocratiques ou républicains, surtout lorsqu’on est amoureux des Lumières françaises, inspiratrices de la Révolution de 1789. Quelle désolation me direz-vous! Et pourtant, c’est bien là le résultat de votre démarche.
Cher aîné, je n’ai rencontré notre Président qu’une seule fois. Lors de sa toute première visite officielle au Canada comme porte-parole des Burkinabè d’Ottawa dans les jardins de la Résidence de notre Ambassadeur. Vos compagnons comme Salif Diallo et Ablassé Ouédraogo, ministres de la République, étaient alors aux petits soins du même Blaise Compaoré.
 Je ne  dis pas Blaise Compaoré, Prince de la République, puisque les princes ne connaissent pas le destin difficile des suffrages universels et secrets. Si je ne m’abuse, ces aînés ci-dessus cités et vous-même, anciens collaborateurs comme d’autres,  vous n’êtes pas de sa famille biologique puisque vous voyez partout, sa famille, ses amis au point de penser qu’un  docteur en philosophie de sa famille, autorité de notre pays dans un autre pays frère puisse être la plume d’un autre docteur en philosophie.
Quelle infamie ! Si vous mon professeur, je  conteste votre approche et vous invite à sortir du délire de persécution et de la complotite abyssale, pensez-vous que je puisse être la plume de quelqu’un que je ne connais, ni d’Adam ni d’Eve ? La corruption n’est pas là où vous voulez l’empoigner, comme toujours.
Dans ces circonstances, moi, citoyen lambda hier comme  aujourd’hui, dites-moi, qui des partisans de la souveraineté populaire- suivant la Constitution de la République- détenue exclusivement par le peuple ou des gens de votre génération qui doivent tant de choses au même Blaise Compaoré, vos amis dont la rancœur, la rancune, l’inimitié et la volonté mauvaise de « mélanger » la Nation que Jean Jaurès considérait à juste titre comme le seul bien des pauvres, surtout lorsqu’ils sont républicains, lequel de ces deux groupes sociaux reçoit ses titres de noblesse de « faux et hypocrites » que le baron Traoré distribue sans parcimonie?
 Au fond, nous encourageons le Président  Compaoré à veiller avec une attention toute spéciale, à vous mettre, vous tous, à la retraite politique en vous battant dans les urnes proprement avant de partir, si tel est son souhait, au profit d’une nouvelle génération de femmes, d’hommes neufs, patriotes, pleins d’amour et de compassion pour leurs compatriotes, sans rancœurs, ni rancunes morbides, gains de votre génération.
La respiration démocratique est à ce prix. Nous l’accompagnons pour cette œuvre de salubrité démocratique, puisqu’il est le seul qui connaît, intimement, le pedigree de chacun de vous.
En vérité, les représentants de votre génération (pas plus que 100 personnes dont le leadership individuel est scandaleusement en-deçà de celui par exemple, du regretté Gérard Kango Ouédraogo, le dernier des monuments politiques de sa génération, Paix à son âme) ne veulent pas quitter l’estrade au risque de mépriser les tenants et aboutissants de son consensualisme au nom duquel vous jetez de la boue sur les institutions du Faso là où l’on est en droit d’attendre de vous, leur déconstruction  parce qu’inopérantes au service du citoyen, et ultimement, une offre meilleure. Où est l’offre attractive ?
Vous revendiquez le consensus sans le pratiquer puisqu’il vous suffit de rappeler les sages, ces bâtisseurs de consensus toujours prêts comme les Scouts lorsqu’il s’agit de notre pays, pour un dialogue hors Constitution.  Pour autant vous refusez d’éduquer, mobiliser et d’appeler vos partisans à se saisir de leur prérogative de citoyen burkinabè pour sanctionner dans les urnes, celui que vous dites, être bien « seul », mal entouré, mal conseillé.
Le tigre ne crie pas sa tigritude. …
Que fait le tigre de nos forêts profondes d’Afrique face à une proie si facile, si seule, si déroutée ? Le Prix Nobel Soyinka, l’une de nos fiertés africaines authentiques vous répond.
 Ecoutez-le et pratiquez-le surtout. Soyez, chers aînés de l’Opposition,  des  Africains jusqu’au bout car nos riches coutumes essentialisent la responsabilité politique de nos dirigeants devant le tribunal du consensus- vous avez raison- et auquel cas, allons à une autre République inspirée de l’alliage des mécanismes de gestion de pouvoir des descendants des Princesse Yennenga, Guimbi Ouattara et du Mandé Kalikan, réunis sur le site des Ruines de Loropéni.
Ou bien, affrontons notre destin démocratique pour mieux le rencontrer avec allégresse et fraternité en nous rendant aux urnes le moment venu comme partisans du référendum révocatoire du leadership du Président Compaoré ou comme partisans du plébiscite de son leadership d’excellence, marque des hommes forts comme Franklin Delano Roosevelt des Etats-Unis, du Premier Ministre William Lyon Mackinzie King du Canada ou de Mohamad bin Mahathir de Malaisie dont la sueur perlait au service des soubassements d’ « institutions fortes » que diagnostique le Président Obama.
 Tous ces hommes forts que le Président Compaoré garde en haute estime, ont respecté la volonté souveraine de leur peuple, leur Constitution et donc leur serment dans des circonstances historiques différentes, et en retour, ont exercé plus de trois mandats électifs. Seules les conditions de transparence de l’exercice de la volonté décisoire majoritaire doivent être, dans un camp comme dans l’autre, les enjeux citoyens et donc les enjeux du pouvoir.
Ne réduisez pas la démocratie au consensus et vice versa
Cher professeur, ne réduisez pas la démocratie au consensus. Quelle méprise ! Il n’y a pas de congruence avérée entre des désaccords citoyens, des conflits d’interprétation entre les citoyens ou même avec l’interprète authentique qu’est le législateur, dans l’exercice de leurs droits constitutionnels, socle de la démocratie électorale représentative comme division et tension d’une part et d’autre part, le consensus dynamique, modalité opératoire du pouvoir africain traditionnel pour contenir les abus, l’Etat patrimonial et le statut quo autoritaire incarné par le pouvoir d’un seul.
 L’honnêteté intellectuelle nous oblige à constater et à concéder que nous ne sommes point dans un tel cas de figure au Faso, terre de dignité. Le recours aux consultations populaires rappelle l’indépassable socle réflexif de tous pouvoirs démocratiques : le peuple, la camisole de fer de tous les démocrates surtout lorsqu’ils sont conscients d’être minoritaires.
Dans l’exacte mesure où le polemos traverse et transperce de part en part la cité, le raisonnable républicain nous susurre à l’oreille, l’appel aux urnes dans la paix et la fraternité pour recueillir le consentement ou le blâme de nos concitoyens.
 La tradition africaine substantifie le consensus, violant le droit à l’opinion libre et déviante, parfois punie de bannissement dans nos villages autrefois tandis que la polis essentialise le polemos au moyen de la confrontation d’idées sinon de la problématisation du monde survolant et, parfois, départageant les coalitions d’intérêts au moyen du vote libre.
Défendre les valeurs de la République est à ce prix. Je vous y invite fraternellement.
Respectueusement,
Mamadou Djibo, Ph.D.
Philosophie 

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